Skip to main content

Full text of "Mémoires de la Société royale d'Arras, pour l'encouragement des sciences, des lettres et des arts"

See other formats


This is a reproduction of a library book that was digitized 
by Google as part of an ongoing effort to preserve the 
information in books and make it universally accessible. 


Google books Aie 


Le. OL 
Le re 


https://books.google.com 


Google 


À propos de ce livre 


Ceci est une copie numérique d’un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d’une bibliothèque avant d’être numérisé avec 
précaution par Google dans le cadre d’un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l’ensemble du patrimoine littéraire mondial en 
ligne. 


Ce livre étant relativement ancien, 1l n’est plus protégé par la loi sur les droits d’auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression 
“appartenir au domaine public” signifie que le livre en question n’a jamais été soumis aux droits d’auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à 
expiration. Les conditions requises pour qu’un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d’un pays à l’autre. Les livres libres de droit sont 
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont 
trop souvent difficilement accessibles au public. 


Les notes de bas de page et autres annotations en marge du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir 
du long chemin parcouru par l’ouvrage depuis la maison d’édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains. 


Consignes d’utilisation 


Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages appartenant au domaine public et de les rendre 
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine. 
Il s’agit toutefois d’un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les 
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des 
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées. 


Nous vous demandons également de: 


+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l’usage des particuliers. 
Nous vous demandons donc d’utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un 
quelconque but commercial. 


+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N’envoyez aucune requête automatisée quelle qu’elle soit au système Google. S1 vous effectuez 
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer 
d’importantes quantités de texte, n’hésitez pas à nous contacter. Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l’utilisation des 
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile. 


+ Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet 
et leur permettre d’accéder à davantage de documents par l’intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en 
aucun cas. 


+ Rester dans la légalité Quelle que soit l’utilisation que vous comptez faire des fichiers, n’oubliez pas qu’il est de votre responsabilité de 
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n’en déduisez pas pour autant qu’il en va de même dans 
les autres pays. La durée légale des droits d’auteur d’un livre varie d’un pays à l’autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier 
les ouvrages dont l’utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l’est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google 
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous 
vous exposeriez en cas de violation des droits d’auteur peut être sévère. 


À propos du service Google Recherche de Livres 


En favorisant la recherche et l’accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le frangais, Google souhaite 
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet 
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer 


des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l’adresse http : //books.gqoogle.com 


» 


an té ñ ES 


RE EN PER AT 


Digitized by Google 


AD, 


MÉMOIRES 


DE LA 


SOCIÉTÉ ROYALE 
D'ARRAS, 


_,POUR L’ENCOURAGEMENT DES SCIENCES, 
DES LETTRES ET DES ARTS. 


AR AARAAV AARAANARAARS 
6 


TOME QUATRIÈME: 


BIBLIOTHÈQUE ©. 4 
” Les Fontaines 
60 - CHANTILLY 


ARRAS, 


CT OPINO, Libraire , rue S',. Aubert. 


CRÉENT 


De l'Imprimerie de la V*. Bocquer, Libraire, petite Place: 


1821. F. 


je mme le En 


| 


Lai 


+ 


,). 


+ 


Lt 
CE 


SOCIÉTÉ ROYALE 


D’ARRAS. 


AAA AAA AAA mur ini 


SÉANCE PUBLIQUE 


DU 27 AOUT 1821. 


DISGOURS 


D'OUVERTURE | 
De Mowsrœur LALLART, PRÉSIDENT 


fr 


MESSIEURS, 


Lo. les peuples, avançant dans la carrière de la 
civilisation, purent apprécier les améliorations qui en 
_ résultaient dans leurs besoins, dans leurs jouissances 
et dans leurs intérêts, ils ne tardèrent pas à reconnaître 
que c'était principalement au développement des facultés 
intellectuelles, c'est-à-dire au progrès des sciences, des 
lettres et des arts, qu'ils en étaient redevables ; que par 
tout où ce développement s'arrêtait, la civilisation rétro- 
gradait et que la prospérité des nations disparaissait bientôt, 
lorsqu'elle n’était appuyée que sur les formes matérielles. 
Dès lors, on dût chercher les moyens de conserver 
un élément aussi important de la félicité publique, et 
l'expérience ne tarda pas à trouver, que l’un des plus 
puissans de ces moyens était de multiplier les commu: 
nications entre les hommes qui cultivaient les sciences 
et les lettres, et de faire de Jeur réunion un foyer 
Tom, IV" 1° Livs 1° 


4 | MÉMoIRes. 


destiné à recueillir et à répandre des connaissances qui 
auraient pu rester ignorées pendant long-temps et ne 
produire aucun bien général, si les hommes qui les 
possédaient étaient restés isolés. | 

Aussi vovons - nous que les gouvernemens les plus 
éclairés sur les véritables intérêts des peuples qu’ils admi- 
nistraient, ont toujours favorisé ces réunions sous 
quelques titres qu'elles existassent, et qu'ils en ont 
provoqaé la création, lorsqu” il gen existait pas. : 

C'est ainsi que dans notte patrie, Charlemagne, tant 


supérieur à son siècle et le devançant de si loin, établit. 


dans son propre palais une Académie dont il se glorifiait 
d'être membre. | | 

Aiasi, le brillant rival de Charles-Quint , se consolant 
des malheurs de Pavie au milieu des savans et des artistes 
qu’il avait appelés en France, contribua si puissamment 
à la renaissance des lettres, et mérita d'en être sur- 
nommé le père; ainsi, enfin ce Roi, à qui la postérité 
a conservé le nom de Grand, qui le fut réellement 
dans ses succès et dans ses revers, et qui imprima son 
caractère à tous Jes actes de son règne, ainsi, dis-je, 
Louis XIV agrandit la sphère des Académies qu'il 
trouva établies, en créa de nouvelles, et donna l’exemple, 
si bien suivi par ses descendans, de compter au nombre 
de leurs plus beaux titres, celui de protecteur des 
sciences, des lettres et des arts. 
- C'est à cette grande et généreuse protection que 
l’ancienne Académie d’Arras devait son existence; eh! 
vous savez, Messieurs, combien elle ambitionnait de la 
justifier, combien elle désirait remplir l’utile destination 
qu'elle s'était donnée! | 
_Renversée, comme la plupart de nos anciennes ins- 


4, 


l 


MÉMOIRES. | ÿ 


titutions, par les violentes commotions qui nous ont 
si cruellement agités pendant plus d’un quart de siècle, 
cette Académie s’est relevée à l'aspect du fils de Louis 
XIV, du Souverain que la providence nous a rendu, 
lorsqu'elle a voulu fermer pour nous l’abyme des révo- 
lutions; non, jamais une plus belle, une plus utile 
Carrière ne s'était ouverte devant elle. 
‘. La France, rendue au seul gonvernement qui puisse 
la rendre heureuse, forte de sa position, de la richesse 
de sou territoire, du nombre et du caractère de ses 
habitans, placée, par ses progrès dans toutes les bran- 
ches des connaissances humaines et par l’universalité de 
sa langue, à la tête de la civilisation européenne, la 
; France n’avait pour réparer ses désastres qu’à développer 
les élémens de prospérité qui existaient en elle-même, et 
les Français, portant, dans les sciences, dans les lettres 
et surtout dans les arts insdustriels, le besoin de gloire 
qui leur est naturel et l’activité qui fait la base de 
leur caractère, ouvrirent cette nouvelle carrière qu’ils 
parcourent depuis la restauration avec tant de rapidité. 
C’est dans cette grande et belle carrière que vous êtes 
entrés, Messieurs, lorsque vous avez rétabli l’ancienne 
. Académie d'Arras; vous avez entrepris de contribuer en 
général au perfectionnement des connaissances et vous 
vous. êtes particulièrement imposé lutile devoir de pro- 
pager ces connaissances dans le département du Pas-de- 
Calais, de les approprier aux usages et aux, besoins de 
ses habitans, d’en développer les avantages, d’en faci- 
liter la pratique, enfin de n’épargner aucuns soins pour 
que Le département ne reste pas en arrière dans le vaste 
et rapide mouvement qui surtout, sous Île rapport du 
perfectionnement des seiencçes et des arts, entraine les 
nations de l’Europe. 


— 


| | 
6 MÉMOIRES. 

Eh! qu’on ne croie pas, Messieurs, qu’il y ait dans 
Je département du Pas-de-Calais, une seule branche 
des connaissances humaines qui ne présente une vaste 
carrière d’études et de grandes espérances de succès. 

Combien les hommes qui savent parler le noble et 
sublime langage de la poésie, ne trouveront-ils pas de 
sujets pour leurs chants dans l’histoire d’une province 
qui fut tant de fois le théâtre des évènemens les plus 
importans, soit que, déplorant les funestes efforts des 
discordes civiles, ils disent tout ce que notre province 
eût à souffrir pendant les longues et cruelles. guerres 
que les descendans d’Éléonore d’Acquitaine firent à 
ceux de Louis VII; soit que, détournant les yeux des 
malheurs de Ja patrie, ils célèbrent, avec le noble 
enthousiasme de la gloire nationale, et les succès da 
grand homme qui élevant si haut la puissance de Louis 


XIII, nous rendit le nom de français; et ceux du 


grand Roi qui nous le conserva; soit enfin que, 
_répétant des accens d'allegresse qui retentissent encore, 
ils retracent les sentimens que nos compatriotes firent 
éclater lorsqu'ils apprirent que la providence, comblant 
leurs desirs, avait permis que le Roï, qu’elle rendait 
aux vœux de Îa France, descendit sur îles côtes du 
département. * du 

Combien eeyx de nos’ concitoyens, qui se livrent à 


l'étude de l’histoire de notre province, n’y trouveraient- 


ils pas de sujets dignes de leurs méditations, si, aban- 


donnant la route trop suivie par leurs devanciers, et 


ne croyant pas avoir écrit toute l’histoire d’un pays, 
pour avoir raconté des faits jsolés, des batailles ét des 
sièges, its cherchaient qu’elles étaient les lois et les 
institutions de ce pays, quelle ‘influence efles ont dû 


V ee 


= en ee - 


MÉMOIRES:- 7: 


exercer sur les. évènemens, sur les mœurs ef. sur les 
usages, et, qu elle a pu être la réaction de ces choses 
syr les institutions mêmes, | 

Si vos travaux et votre influence peuvent être ‘utiles | 
au département, sous le rapport de la littérature ; ; is 
‘peuvent l'être. bien davantage, Messieurs, , sous celui. 
des sciences et des arts 

Dans la littérature, et surtout depuis la “&écouverte 
de l'imprimerie, les résultats des progrès sont en quelque 
sorte communs à tous les peuples civilisés; ils le sont 
du moins, quant à la littérature française, à toutes 
les provinces du royaume, et s'il en était une qui 
ne contribuât pas à ces progrès » il serait impossible | 
_ qu’elle n’en connüût pas du moins l'existence ; elle pour- 
rait donc en suivre le. mouvements. le suivre lentement 
à la vérité; mais, dans l'état actuel de la France, elle. 
ne pourrait pas rester absolument SE ” 
pourrait encore moins rétrograder. 

. IL en est tout autrement, Messieurs, dans Jes sciences | 
et surtout dans les arts; là, il ne suffit pas d’être 
informé de ce qu’on fait ‘ailleurs ; il faut encore le 
pratiquer chez so, et souvent il le faut non pas seule- 
meut pour accroître sa prospérité » mais presque toujours, 
_il le faut sous peine de perdre celle qu ’on a précédem- 
ment acquise ; car l’expérience et le raisonnement dé- 
montrent que, toutes les fois que dans une branche 
d'induatrie, on découvre un procédé qui donne à celui. 
qui l’emploie un avantage quelconque sur. ses concur- 
rens, cette, cause. de succès, quelque petite qu'on la 
suppode d'ailleurs. doit , en agissant toujours, produire 
L'effet inévitable de détruire toute concurrence. 
-.Ajesi, nas aucêtres ônt. vu disparaître el ces manu- 


8 /___ MÉMmoTrREs. 
factures si renommées de tissus de laine, objets da luxe 
des maîtres du monde, ét celles de ces tapisseries qui 
encore, dans le 14.° siècle, ornaient les pains des roie 
et payaièniE la rançon des princes. 

Ainsi, nous avons enlevé aux Belges ce commerce 
d'huiles ; que nous pourrions à notre tour voir diminuer 
beaucoup, si, en nous efforçant constamment de les 
obtenir meilleures, plus abondantes et à moindre prix 
que celles que l’on obtient ailleurs, nous ne parvenions à 
conserver l'avantage que’ nous avons eu jusqu’à présent. 

.Aïnsi dans l'agriculture , dais ce premier des arts, 
celui qui pour ja France et pour notre département 
est le plus important il est indispensable de porter à 
la connaissance des cultivateurs les résultats des décou- 
vertes et des progrès faits dans d’autres lieux, et de 
Jeur démontrer combien il peut souvent leur être 
profitable d'abandonner les anciennes routines. 

Ainsi enfin, il importe dans les arts industriels de 
connaître et d'employer ces puissantes et ingénieuses 
machines, avec lesquelles on abrège et Fon multiplie 
si prodigieusement le travail. 

"Je n’examinerai pas, Messieurs, s'il a été bien de 
donner à ‘cette partie des arts industriels la vive im- 
pulsion qui les entraîne; s’il est bien vrai que cette 
impulsion ait été donnée , et si elle n’est pas le résultat 


nécessaire des progrès des sciences physiques et surtout 


de leur application aux arts; il suffit que ce mouvement 
existe, qu'il ne soit probablement plus au pouvoir d’au- 
cune puissance de l'arrêter, encore moins de Île faire 


rétrograder , il suffit que sous peine de voir cette industrie 


anéantie, il faille suivre ce mouvement pour que ce 
soit. un devoir pour vous, Messieurs, d’en étudier atten- 


Rs n mme = D + 


. MÉMOIRES 9 


tivement le développement et les conséquences; de faire 
connaître à nos concitoyens les avantages que cés consé- 
.quences présentent, et de les garantir des inconvéniens 
qui peuvent en résulter. 

En même temps, Messieurs, que nous portons notre 
attention sur les modifications perpétuelles qui survien- 
nent dans les sciences et dans les arts, et que nous 
excitons souvent nos concitoyens à les adopter pour 
ne pas en souffrir, nous bannissons de nos travaux 
toute discussion qui supposerait seulement la possibilité 
d’une variation dans lés choses qui se rattachent aux 
principes de la religion, de la morale et du gouverne- 
ment. / 

Nous regardons les dogmes de la religion , comme hors 
de toute discussion par leur céleste origine, et nous 
sommes convaincus que si dans l'ordre physique tout 
est variable et incertain, tout au contraire , dans l’ordre 
religieux et moral, doit être immuable comme l'Étre 
éternel qui en est la source et la fin. | 
: Nous nous imposons également la loi de nous abstenir 
de toute discussion sur les principes politiques de l’or- 
ganisation des états, car nous croyons que ce n’est 
jamais impunément que.les peuples agitent ces dange- 
reuses questions; nous regardons le dogme politique de 
la légitimité et toutes les conséquences de ce principe, 
comme notre meilleure garantie contre le fléau des 
révolutions, et satisfaits du bonheur dont nous jouissons 
sous le sceptre paternel des fils de S'. Louis, nous 
rendons graces à la providence qui nous a donné à 
la fois le devoir de leur obéir et le besoin de les aimer. 


—)029ttcxe—— 


10 MÉMOIRES. 


. RAPPORT 
SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ 


EEE FAIT 


: : À LA SÉANCE. PUBLIQUE 


LÀ 


du 27 Août «821 ; | 


Par M. T. ConnirLzz, Secrétaire perpétuel. 
CE L jm EN ui = 5 
 …. … MESSIEURS, 


e) 


J r dois à votre indulgence l'honneur d’être appelé, 
aujourd’hui, à rendre compte des travaux de ha Société 
royale d'Arras, pendant Pannée qui vient de s’écouler.: 
En me nommant Secrétaire perpétuel, vous aveA accordé 
à la confiance seule ce que l’on ne donne ordinairement 
qu’à la confiance et au mérite. Vous avez moins’ 
considéré ce que je suis, que ce que vous désires de‘ 
me voir devenir par fa communication de vos lumières 
et de vos principes; cette idée me rassure et m’anime; 
elle m’a fait accepter, parce qu’elle me dénne l'espoir: 
qu'avec du zèle, de l’étude et l'amour du bien public, 
je pourräi parvenir un jour à justifier voire choix. 
Ma position est plas difficile, en ce que je succède” 
X un collègue dont vous avez eu chaque jour l’éecesion 
d'apprécier les talens et la vaste érudition; en s’éloignant 
de vous, il a laissé un vide qui se fera sentir long-temps; 


MÉMOIRES. 1 


éette perte devient même D par le choix que 
vous avez fait. 


La Société voyait, dans dti qu’elle rstetie, un 


= membre qui joignait à un mérite rare, un goût passionné 


pour l'étude, un amour ardent pour les sciences, les 
lettres, tous les arts, enfin une activité et un ‘zèle 
infatigables: ses vœux et ses soins ont été multipliés 
pour la Soeiété , il a puissamment contribué à sa forma 
tion, et ce n'est pas exagérer de dire qu’elle lui doit 
de la reconnaissance. _ ; 

Je m'abstiens de tout éloge, eelui que je pourrais 
faire de notre honorable collègue , sous tousces rapports) 
serait au-dessous de ce que vous en pensez; et d’ailleurs; 


il ne satisferait ni mon esprit, ni mon cœur, 


puisque 
les bornes de ce rapport ,- exclusivement re à 
d'autres objets, ne me permettraient pas d’en parler 
aveé toute l’étendue convenable. 
_ Vous êtes institués pour encourager les sciences, les 
lettres. et les arts: je dois vous ‘rappeler ce que vous 
avez fait cette année dans chacun de ces genres, pour 
tendre et arriver au but honérable de votre institution. 
Je fixerai principalement. votre attention sur les sciences 
qui tendent d'une manière plus. directe à conduire les 
hommes à la vertu et aa bonheur, car ce sont celles 
qui attirent plus particulièrement votre sollicitude, et 
que vous . vous plaisez surtout à encourager. 


| Eu SECTION. == SCIENCES, 
PHYSIQUE. 


Depuis le compte qui vous a été renda dans votre 
dernière séance publique, de l’opinion de. M. Vène, 
tiembre honoraire , les nombreux travaux des physiciens ” 


13 MÉMOIRES. 


ent eonfirmé sa doctrine. Les expériences faites et 
publiées en septembre 1820, par le savant Orsted, 
professeur de physique à l’'umiversité de Copenhague, ont 
donné l'éveil à des physiciens de divers pays qui se 
sont empressés de répéter les expériences d'Orsted, en 
variant les appareils voltaiques et se servant aussi des 
machines éleetriques ordinaires; il en est résulté r.° que 
Pélectrique et le magnétique peuvent être re 
tomme identiques dans leur manière d’agir. 2.° Que le 
fluide magnétique et le calorique semblent Re à la 
gomposition -du fluide électrique. 3° Que l'électricité 
ordinaire et le galvanisme ( appareil voltaique ) peuvent 
également aimanter des barreaux et des aïguilles d’acier, 
quoique ceux-ci soient placés à une distance considé- 
rable. 4° Que M. Ampère se croit autorisé à faire 
provenir de la zone équatoriale, où Ja chaleur et la 
* Jumière agissent avec le plus d'intensité, action: directrice 
.de la terre sur l'aiguille aimantée, et qu'il est parvenu 
( à Paidé de la seule combinaison des conducteurs 
électriques ) à produire un appareil dans leqael il n'entre 
que des fils de laiton, et qui est susceptible, comme 
Ja boussole ordinaire, d'indiquer la direction du méridien 
magnétique. 5.° Que M.° Arago, membre du bureau des 
longitudes et de'l’académie des sciences, a reconnu que 
la pile de Volta et la bouteille de Leyde, peuvent 
désormais servir à réaimahter à saturisation les aiguilles 
des boussoles marines, lorsqu'elles se trouveront avoir 
perdu ünhe partie de leur vertu magnétique. 

Nous pensons que des expériences ultérieures feront 
découvrir d’autres rapports entre les forces -électriques, 
magnétiques , caloriques et {ucifères qui ne sont, si l’on 
peut se permettre de parler ainsi, que des modifications 
d'un même principe élémentaire, | 


MÉMOIRES. 3 
CHIMIE. L | 

Vous avez reçu de M.° Tordeux, membre correspon- 
dant , un Résumé d’analyses chimiques de quelques eaux 
de sources. 

Il a analysé l’eau d'un puits de la ville de Cambrai ; 
il a reconnu dans cette eau la présence des nitrates 
de soude, de chaux et de potasse, ce qui est un 
phénomène assez remarquable, ce genre de sel ayant 
paru Jan présent très-rare dans les eaux; dl n’en 
existait qu'un seul exemple dans une liste de près de 
300 eaux minérales, contenues dans le-dictionnaire des 
sciences médicales. | 

MÉTÉOROLOGIE. 

Plusieurs de nos collègues se sont occupés du soin 
de recueillir les observations faites sur les variations 
-journalières de latmosphère dans la ville d’Arras, ile 
espèrent pouvoir vous en présenter un tableau qui, par 
sa simplicité et sa clarté, sera propre à faire saisir d’un 
coup d’œil les changemens de la température; ils osent 
croire qu’il leur sera possible de vous en faire connaître 
la moyenne pendant trente années; il serait à désirer 
que des tableaux semblables à celui auquel ils travaillertt 
fussent exécutés dans .les principales villes de l’Europe, 
ils fourniraient par leur comparaison des rapprochemens 
utiles à la physique et à la météorologie; dans celui 
que nous vous ‘présentérons, vous remarquerez entre 
autres choses que les phases de la lune qui y seront 
marquées, ne s'accordent point avec les grands mouve- 
mens de température si actifs, pour amener ceux de 
Vatmosphère. Ces observations contredisent l'opinion 
vulgaire d’après laquelle les phases lunaires produiraïent 
les changemens de temps, et même influeraient sur les 
maladies et la végétation. 


4 MÉMOIRES, 
_ Mépscine 8T CHIAURGIE. 
-_ Vous devez à M. Duchateau, membre résident, deux 


ébservations, la 1." sur une Métastase purulente dané 


l'œil; la 2° sur un Fœtus monstrueux. Cette dernière 
présente des caractères curieux et tout-à-fait extraordi- 
aires. M." Duachateau doit y donner des développement 
dans un Mémoire qu'il se propose de présenter à la 
Bociété, et dont le but est d'examiner les maladies des 
enfans avant leur naissance; les recherches et les obser- 


vations que notre collègue à faites jusqu'à ce jdur lui 


font entrevoir, sur cette partie de la science, des résultats 
qu'il croit être d’une certaine importance, 

M. Barbier, inembfe correspondant, est auteur d'un 
ouvrage en trois volumes ayant pour titre: Traité élé- 
_ ‘mentaire de matière médicdie. Cet ouvrage, généralement 
connu, est du petit nombre de ces compositions qui 
Peuvent se passer d’éloges et qui ne doivent pas craindre 
la critique. 

Il vous à été adressé par M.° Regnault, membre 
‘correspondant, trois Mémoires ; lun, sur VÉtat de la 
Médevine en France, jusqu'à nos jours ; l'aatre, sur /es 
ZAltérations et l'influence du Foie dans plusieurs maladies 3 
le troisième , sur l’Hydrocéphale. 


1L."° SECTION. — LETTRES. 


J 


M." Desmarquois, membre correspondant, vous à 


envoyé divers morceaux de poésie, | 
M.' Sauvage, membre résident, a composé deux Fables 


qui, viennent d'être insérées dans vos mémoires; l’une, 


intitulée: les deux Lézards ; l'autre, le Pouvoir de la 
dbersé, ou Milon et Fis-fis. 


. M.'le Baron d’Ordre; membre- orrepondsat, a adressé 


“ T3 Le 


MÉMOIRES. “19 
à la Société son Poëme sur Xe Exilés de Pdroë , ainsi 
que ses poésies diverses. 

M." Auguste Cot, membre ent. vous a lu une 
Élégie, composée par M." Cot aîné; elle. est nous 
Éginard et Emma. 

M." Hécart de Valenciennés, membre a 
écrit ‘une Notice historique sur la vie et les ouvrages 
de Jean Molinet. Cette notice a pour objet de, faire 
connaître un compatriote qui s’est acquis une réputation 
comme poëte et comme historien. 

J. Molinet, né à Desvres, dép." du Pas-de-Calais, vers 
fe milieu du 15.° siècle, fut aumônier et bibliothécaire 

de Marguerite ss et bistoriographe de Maximi- 
Yen 1: 

Des écrivains disent qu ïl était de son terqps un 
“excellent poëte, an bon historien et un orateur estimé, 
‘D'autres le citent comme l’an des hommes les plys 
‘illustres de Valenciennes, et le qualifient de grand poële 
‘et de chanoine vertueux, et Marot lui-même en parle 
‘dans les termes les plus honorables. 

M. Hécart, à qui nous devons ces renseignefsens ; 
donne aussi des détails très-circonstanciés sur les diffé- 
_rens ouvrages de cet auteur. J. Molinet à traduit le 
_ célèbre roman de la Rose; en lui donnant un but moral, 
c'était rendre un grand service aux mœurs ai étaient 

de te temps-là fort dissolues. 
© fl à aussi fait imprimer la. Chaine de 6on des 
‘en 3 vol: in-folio, rapportant tous les évènemens 
: depuis l'an 1454 jusqu’en 1516. La notice de M." Hécart 
“est terminée par deux pièces de vers de J. Molinet qui 
" sont restées inédites. 
| _M° | Charles Ruissart , membre. résident, à fit how: 


LES 
w 
LS 


16 ._ MEÉMoIREs. 

mage à la Société dé plus de 4o volumes manuscrits 
sur l’histoire de l’Artois. Rien ne pouvait vous intéresser 
‘davantage que cés immenses matériaux, dans lesquels 
vous pourrez puiser des documens précieux pour la 
statistique de ce département , et tous les renseigne- 
mens nécessaires pour l’histoire du pays. Vous avez su, 
Messieurs, apprécier l'hommage qui vous en a été fait 
par votre honorable collègue ,; et vous vous êtes déjà 
occupés des moyens d'utiliser les matériaux qui vous 
sont confiés, et que vous n'avez ds que dans 
‘cette résolution. | 

Il vous a été envoyé par M: Willaume, membre 
“correspondant, l’Éloge qu'il a fait de M.".Coste, décédé 
membre du conseil de santé, et médecin en chef des 
invalides. Cet écrit, consacré à la louange d’un homme 
de bien, d’un ami des lettres, d’un médecin cher À 
l'humanité, a un mérite réel; pour le prouver, il me 
suffira de vous rappeler que de tous les ouvrages qui 
‘ont été faits sur le même sujet et prononcés à Lille, 
celui de M." Willaume a opens: Ja Sd pour 

‘limgression. 
-IIL®° SECTION. _ ARTS. 
AGRICULTURE. 

De tous les arts, celui qui mérite d’être le plus protégé 
et encouragé, est l’agriculture; c’est le premier, le plus 
utile, le plus étendu et le plus essentiel de tous. 

Un ‘écrivait’ célèbre a dit, et l’on ne saurait trop 
‘répéter avec lui: » éout dépend et résulte de la culture 
"#» des terres; toute jouissance qui vient d’ailleurs que 
» de la terre est artificielle et précaire, soit dans 1e 
» physique, soit dans le moral. L'industrie et le com- 
-» merce qui ne s’exercent pas en premier lieu sur 


l’agriculture 


à 


MÉMOIRES. 17 


» l'agriculture d’un pays, sont au pouvoir des nations 
» étrangères...*Mais un état: bien défriché, bien cultivé, 
» produit les hommes par les fruits de la terre et les 

» fruits par Les hommes. » tr) LL 

Ces vérités, dont vous êies pénétiës, ‘ont redoubté 
votre ‘ sollicitude pour un ‘art qu'on ne saurait trop 
honorer; vous avez accuéilli tout ce qui pouvait amé- 
biorer l'agriculture dans ce département , et j'éprouve 
un bien vif plaisir à à retracer ici, ce que vous avez fait 
sous ce “rapport. Le | Do; 


ULsis rats 


. Vous avez reçu uh ouvrage imprimé , ayant pouf 
litre: système d agriculture süivi par M.°° Coke. 

Après l'avoir examiné avec toute la réflexion” qu’ exige 
l'importance de Ja matière vois” avez reiiarqué qué 
fauteur entrait ‘dans ‘de tongs développemens sur Ja 
grande culture et sur l'influence de la grande propriété. 
Sans. discater cette ‘question d'économie politique, vous 
vous êtes coutentés d'observer que ce système d'aggré- 
gations des fermes a trouvé beaucoup d'opposition en 
Angleterre; ‘et a été viveiient combattu par les plus 
célèbres “économistes qui ‘te regardent ; avec ‘raison , 
‘comrhe la’ ‘plaie de. Pagricultüre, et comme une des 
causes ,de l'état de italie : da peuple Anglais. Ces 
considéralions vous ont “adteritiés À n'exträre et à ne 
publier de cet ouvrage. poûf Âes récoïnmiander aux 
‘eultivateurs ,” que le$ méthodes dônt l'application vous 
2 paru la plus facile, et qui ‘réunissent T'éconômie aux 


° °Kt),u. Ornium réruñ. 65 ;quibus: aliquid enpuiritur nihil est 
egriculiur& melius , nihil uberius , nikil. dulcius, A ‘homing 


bero dgrius. & ° 


7 red U 
, Let éloge de; Cicéron n est _Pas ‘Augore ‘& la force de, celui 
| que Xénophon fait de l'égricu ture. . | 


Tom, IVe: we Liy Pal He Cg 1. ED + ne 


_ 


18 LE MÉM OIRES. 
autres avantages qu ’on en pourra retirer pour le’ per= 
fectionnement dans ce département. 

L'an de vos membres résidens, M. Harbaville, a 
appelé votre attention sur la culture du blé de Pologne. 


Des faits et des observations recueillies, ‘il parait évi- 


demment résulter que ce grain, qui a été mis en parallèle 
avec les espèces de blé qui passent pour les plus utiles, 
est le seul qui conserve ses caractères spécifiques, 
quoique confondu avec d'autres qui éprouvent une 
dégénération plus.ou moins prompte; que la paille qui 
en provient, mélée avec le trèfle, forme un très-bon 
fourrage; que ce blé donne plus. de farine et moins . de 
son que les blés de saison, et qu'il présente un moyen 
assuré de remédier aux effets des fléaux, qui “menacent 
chaque année de détruire l'espérance de nos moissons. 
Le blé de Pologne, semé | au printemps ; console le 


. eultivateur par la certitude d'une récolte qui doit réparer 


les pertes occasionnées, soit par les ravages des vers. el 

des souris de terre, soit, par les bivers rigoureux, 
M."  Devred, cultivateur, à _Flines, département du 

Nord, vous a adressé un sappoik, aur un essai qu il a 


à de planter le blé au lieu de le, semer, 


shooter. 


“Non content de cetle première méthode, 1. a voulu 
en découvrir eten inventer une seconde _qui surpasse | 
la première, et qu'il nl la, pesfeation de. l’ sgriculinre, 
c'est de planter le Blé CRAN Te rieur, 

Ce n'est pas léconsie de la semence qui: fait en- 
visager à M." Devred la plantation dés blès’ comme la 
‘plus ” perfection qu'on puisse SÉsss dæ fous es 


t 


modes d'ensemencemens, mais. ce sont surtout le produit 
et la qualité qui ajoutent encore à l'abondance et à 
la bonté des récoltes. 

. Il se cullive en Irlande, en Ecosse ,: en Diner j 


en Hollande et en Allemagne un graminés, qu’on 
indique comme une ressource prodigieuse’ pour la nour- 


 riture des bestiaux; c’est le Goxin, agrostis stolonifèra, 

Le forin réussit dans tous les sols les moins fertiles, 
pourvu que la tevre ait été précédemment cultivée ; 
mais le suçeès sera plus. certain, en même temps qu'il 


demandera moins de travail et de dépense, lorsqu'on le 
_ planters dans, une bonne terre, plutôt légère qu'argileuse. 
: Un champ de fiorin, en plein sapport, produit une. 
quentité de fourrages bien plus considérable que les 
meilleures prairies naturelles; les chevaux et tous les. 
ruminans préfèrent cet aliment à tout autre du même. 


gerre.-seit en verd., soit desséché; et plusieurs expé- 


riences faites eu. Irlande et en: Angleterre, ont prouvé 
que les vaches nourries exclusivement avec ce graminée, 


donnaient du lait de meilleure qualité et en plus grande 
abondance, Les recherches que vous avez faites sur la 
exkture de nette plantr, vous ont convaincu qu'elle | 


sgrait. de la plus grande utilité pour ce pays; il ne 
tsndre pas .à.. vous. qu'elle ne 6'y introduise; vous y. 
encouragerez ous las cultivateurs Vous leur apprendrez 


Ja manière dent le fiorin doit être cultiyé, les térres 
qui. y sont-propçres, enbn vous leur donnerez tous les 
renseighF MERS: QUE. VOUS Avez pu vous procurer et dont. 
vous êtes redevables.. en. Barbe à notre die M. le 
Baron de Serel. 

: $op grains de blé & Tangarock vous ut été envoyés. 


par S. Es, le Miniatye, de l'intégeur, qui en à princie, 


2* 


« 


\ 


“ 


20 | MÉMorrEs. 

palement recommandé" Ja: culture aux agriculteurs qui 
font partie de la Société royale d'Arras. Ceblé à reçu: 
sa destination, et les plus grands soins ont été apportés” 
a l'ensemencer et à le cultiver; je regrette‘ de ne pou- 


voir maintenant vous apprendre les résultèts positifs que: 


sa cultare aura produit sur notre sol; ‘toutefois, je 
puis déjà vous ‘les faire pressentir ,” en vous’ annonçant : 
que les apparènces surpassent tout te qu’ on ‘avait “osé 
en “espérer , et: promettent une aboñdance incroyable. 1 
M. Thouin, Professeur de cuitüré : au “Muséum “du : 
jardin du Roi; vous a fait remettre une ‘caîissé contenant : 
les graines d’une infinité d'espèces de végétaux; ‘dônt la 
nomenclature serait trop longue: ces graines. ont été 
distribuées à plusieurs de nos collègues ; kes seinis ‘en ont. 
été faits de la manière indiquée, et ou Bous ne à. 
croire qu'ils réussiront. : A É 

* On vous a fait aussi remettre un ti d'une poeère 
dont da verta est dit-on d'empêcher la carle:des grains, ! 


de les présérver des insectes et même d'eh mineur 
F. v “ 


L 
LA Le CE 
à : ; 
? ‘ a CE Vos Dion CL ss st 


le produit, 
‘Rien ne pourrait ‘vons paraître” plus “utile qu’une. 
découverte qui eut Pefficécité qui vous ‘ét#it annoncée: 
La carie du’ blé est ‘un véritable’ fléau , et! ce’ seraît- 
avoir des -droits à ‘la recorinäissanke :publiqué.'ique de 
trouver le remède à° cétte ‘terrible iialaié ‘qui infette’ 
trop souvent la plus précieuse de: nos récôltes. * 

Vous avez voulu vous assurer si la poutre qui vous” 
a été envoyée avait la verta qu'on lui” doërie; et vous’ 
l'avez distribuée à ‘divers cultivatetrs: Bientôt vous 
pourrez indiquer ce qu’on doit espérer dé cette” pére’ 
ou du moins qu'elle en ‘aura été l'efficacité ‘dans: les 


différéntes éxpériencés que: vous avez-prôvéquées. ‘°  ; 
es | 


AM ÉMOIRES. EL 
e Vous avezcreçn, de S: Exec. le Miaistre de Pintérieur 
un ouvrage intitulé: Traités divers d'économie rurale 
alimentaire ef domigstique ;, par. Cadet Devraulx.…. Me 
_<par ordre.du gouvernement: ., : + | 
” L'importaice- que : cet Re er avoir, vous a 
! fait concevoir. l’idée’ d'en extraire tout ce, qu’il. peut 
. présenter de plus ’utile pour les habitans de ce pays, 
vous. vous-en êtes déjà. occupés, et vous.auriez pu 
aujourd’hui faire connaître vos observations, si les tra- 
‘vaux qui. sont relatifs au concours n'avaient absorbé 
tous ves ‘instans. | HU 
, Un négociant de cette ville, M.° Legavrian » s’est 
appliqué à trouver la solution d’une question d'économie 
agricole que:vaus aviez mise au concours en 1819.’ 
“est parvenu à inventer .une espèce de couverture, au 
| moins aussi, économique que celle en chaume, et qu'il | 
- appelle ighifuge , parce qu elle ne craint pas la commu- 
nicalion. du feu. D. 
.. Cette: couverture ayant été, soumise à votre none 
: vous :avez commencé vos expériencés par le feu. La 
paille dont vous l'aviez revêtue s’est entièrement con- 
-sumée et réduite en cendres, sans qu’il en soit résulté 
.la plus légère altération dans l’enduit sont elle était 
recouverte. 

Voulant reconnaître si les Hide qui Hiérsicnnent 
par bourrasques dans les orages ne la détérioreraient pas, 
vous avez soumis la même couverture à une violente 

-injection d’eau, et cette seconde épreuve a été aussi 
satisfaisante que la première. 

Une dernière épreuve restait encore à faire,” c'était 

.Ja plus importante, celle de la saison rigoureuse. Il . 
fallait s'assurer si ce genre de couverture pouvait résister 


Su 


g2 MÉMOIRES. 
“à la gelée, ‘à la beige ‘à la gréle et Don dus contifiues 
‘de l'hiver. 

Des échantillons en ont été déposés chez l'un de nes 
collègues, où ils sont restés constamiment «exposés sops 
“une gouttière, depuis le 15 novembre, jusqu'au mois 
‘de mai; depuis ils ont été remis sous vos yeux, et 
vous avez reconnu qu'ils n'avaient point’ été . altérés 
‘par l'intempérie d’un biver aussi rigoureux que celui 
d'où nous sortions.. : * 

Alérs , vous avez examiné avec le plus ni soin cette 
découverte, vous êtes entrés dans tous: les “détails; d'éco- 


‘momie et la facile exécution des procédés de M." Legavéian, 
vous ont surtout frappés, et vous avez cru devoir li 
"idééerner #ne médaille d’or à titre d'encouragement, . 


M. Lefebvre, caltivateur à Bucquoy, à ‘présenté à 


‘Ha Société un Mémoire fnanvscrit, contenant des projets 
‘le construction d’ane mécanique à usage de battre toute 
espèce de grain, et d’un four et foyer économique, 


La imétauique ‘battrait, dit M." Lefebvre, en un ‘ins- 
tant ( moins d’ane winate ) ds us de 7n conps 
de fléau. 

Les ‘foyers et le foar ia opendralent de 
faire ‘usage du charbon de hois qui est fort cher, ‘très- 
désagréable ‘et souveut pernicieux par l'effet de l'acide 
‘rbonique, et surtout du gaz hydrogène carbonné qu'il 
fournit pendant la combustion, et qu sont FAUFReNIeAL 
délétères. 

M." Crespel, thetnbre résident, èn vous remettant une 
asser grande quantité de feuilles d’ane plante, eonnée 
sous le nom de ighaphalinm fætidum, vous à fait 
reterquer que ces ‘feuilles éfaient filarnenteuses et 


soyeuses, et qu'il burait péat-être té püssiblé -disn 


MÉMOIRES, | 25 


extraire. unç espèce de filasse propre à faire du coton. 

Vous vous êtes à ce sujet livrés à quelques expé- 
riences : vous avez effectivement obtenu de la filasse, qui 
a été soumise aux procédés employés pour filer le coton; 
mais les différens essais qui en ont été faits, n'ont pas 
produit de résultat satisfaisant, par la raison que la soie 
a trop peu de longueur et de résistance; cependant vous 
avez pensé qu’il serait peut-être possible d’utiliser le . 
duvet cotonneux de cette plante, soit en l” employant : à 
la filiation des. ‘huiles ou de tont autre liquide, soit 
même en le faissant entrer dans le feutrage des chapeaux. 

M. Louis Jacques, Président de Ja Société d’agri- 
‘culture. de Calais, vous a fait hommage d’un discours 
‘{dont il est l’auteur } sur, les avantages de la pêche. 
© Nous vous. parlons volontiers de cette production d’un 
citoyen estimable, qui voudrait prouver combien fa 
| pêche, par son utilité inconstestable, mérite de figurér 
dans la nomenclature des arts qui, chez tous les peuples, 
sont considérés comme les principales sources de la richesse 
des États. , 

M: Louis. Jacques, dans cet écrit, cherche à démon- 
‘trer que ai plusieurs ports voisins trouvent dans la pêche 
du bareng, un aliment à leurs spéculations et des 
ressources précieuses pour la classe indigente, Calais, 
comme ces ports, pourrait avec non moins de succès 
exploiter la même mine, et augmenter d'autant la 
prospérité commune. 

Le projet. de l’auteur n’est pas uue atopie ou le rêve 
don homme de bien, c’est un calcul qui paraît ètre 
certain et fondé sur la raïson et l'expérience. 

M." Legayrian vous a communiqué on appareil ioni- 
salve de son invention , destiné à soustraire aux incendies 


4 MÉMOIRES. 


les personnes ou les “objets précieux qui y seraient 
exposés, il y a joint une explication ; comme il ny 
a encore, de la part de M. Legavrian , qu ’uve simple 
communication, vous ne pourrez réndre poblies nj Sa 
nouvelle invention, ni les observations qu elle A dû vous 
faire naître. "4 
_ Il vous.a été présenté, de la part de. M ù ‘ de Rbeims, 
Pharmacien à S'. Omer, un Traité sur l’art de inoirer. 

L'art de moirer, comme beauçoup d’ autres ;, a êté 
découvert par l'effet du hasard. Un ferblantier qui ayait 
déposé une bouteille d’acide œuriatique sur une feuille 
de fer blanc, en épancha par maladresse : sur cette feuille 
qu il prit de suite et*jetta dans un vase rempli d'eau, 
afin de prévenir l'effet dissolvant. Lorsqu'il fa retira, il 
‘8 ’apperçut qu’elle était couverte d’une multitude d’écailles 
.ça et là, ressemblant à la nacre de perles, il fut telle. 
ment émerveillé de cet effet, qu il ne put efoire que 
acide eût la propriété de Le produire ; à l'instant même 
il recommença par expérience ce qu’il avait fait d’abord 
par maladresse, et obtint les mêmes résultafs : depuis 
.cet art a acquis la perfection que nous lui connaissons. 

L'ouvrage re M." de Rheiïms n’est pas un traité raisonné 
de l’art de moirer, mais bien la pratique de cet’ art 
‘qui est décrit avec le plus grand soin et dans les détails 
les plus circonstanciés. 


TOPOGRAPHILE. n | 


Vous devez à M." Deschamps, membre correspondant, 
‘un précis sur l'ile de Java. 

Peu de pays offrent un spectacle aussi intéressant 
pour la géographie physique, que cette île. 
Elle est séparée en deux parties distinctes par une 


- 


MÉMOIRES. 25 


vaête ‘ébaîne” de montagnes, dont la plopart sont 
7 E 
Cette ‘chaîne présente on ru qui: ‘parait. être 
‘unique jusqu'à présent: il consiste dans uñe one de 
volcans rapprochés les uns des autres. * : 
. M Déschamps a visité lui-même la plus grande: arte | 
‘de ces volcans, déterminé kar hantear et les posa 
‘de leurs éruptions. #5 | 
l assure qu'il n'existe at pas dans ke pays 
‘ure ‘haute "montagne qui n'offre les traces d’un ‘ancien 
‘cratère ; ; en’ ajontañt”le nombre de ces inontagnes à 
“celui des volcans ‘qui brûlent encore, il prétend que 
‘Pile de Java en renfermerait: plus: de ‘vingt. 
| M: Deschamps parle de’ la montagne de Bapañ 
Daïau, qü’il' a rencontré à l’ouéét du mont Tugaz. Ce 
‘yolcan paraissait éteint depuis long-temps, lorsque, saris 
‘aucune cause apparente , une partie de son sommet 
‘s’étroula tout à ‘coup. Quinzè villages furent détruits’, 
‘et la plupart des habitanñs' écrasés sous les débris de’la 
moritagrie qui _comblèrent le: lit* d’une rivière, dont le 
«débordement ‘vint ‘encore ajoutér-à la désolation da 
‘pays. . Le’ cratère de ce volcan, dit M." Deschamps, 
 Srbsetite un tableau effroyable du cahos où tous les 
élémens semblent confondus. | 
L'auteur après s’être/livré à une affrsyarite description, 
indique ‘la ‘division physique du pays, la culture du so, 
les diverses ‘rivières et fontaines, la température, les 
‘saisons ‘et les vénts régnans, les tremblemens de terre 
qui sont très-fréquens les ‘productions ; parle ensuite 
des habitans de l'ile, et finit par faire connaître les 
causes de l’insalubrité du climat, à Batavia et aux-environs. 


< 


” 4 


+ M" Beurard, membre correspondant, est auteur d’un 


26 x AT noce ES 
Alxégé -historiqne sur Ja vills d'Hambourg. -Cefte rille, 


que l'étendue et l’universalité de son commerce onl:rendug 
sélèbre parmi les négooians des quatre parties du monde, 
offre, un dablean ‘intéressant par les. vicissitades qu'elle 
a éprouvées pendant une série de plus de dix siècles, 
. æest-ce tableau que M° Beumvd #est attaché à retracerc 
Notre bonemble collègue, M Martin, vous a lu .le 
3.° chapitre de sa Notice sur la topographie de PEgypte. 
Le but, vraiment louable, de cet Æerit est.de, donner 
an abrégé dun ouvrage iès-valumiueux et, trop pen 
connu, à çause de son prix: excessifs. celte. police, 
 dépouillée de tontes explicetions hypothéliques est 
une description suecincte, æt cependant assez: détaillée, 
des. sestes vénérables de ce mapgmens ai nombreux, 
si gigantesques, qui attestent à la fois Ja magnifieençe 
#t la vaste insiruction des anciens habitans -de, l'Egypte 
de cette terre célèbre par tant de souvenirs, où tous. 
les sages de lantiquité avaient élé s’instruire dans. la 
amonle, les costumes religieuses, ioutes les açiances , et 
ans l'art de gouvemmer les hommes et de les rendre 
heureux. Personne ne pouvait mieux, que notre collègue, 
retracer les traveax de ‘cœtle. commission . d'Egypte; 
composée -d’hpnames doués de grands talens et dant il 
avait mérité l'honneur de faise partie. 
… Les travaux dont je viens de vous offrir l'analyse, ne | 
sont pas Jes seuls qui vous aient. ocçupés ; il en est 
d'autres, non moins imporlans,, que vous n'ayez pas 
æucore rendus puhlies, Vous avez donné cette année, à 
vos séamees, une activité .qu'elles n'avaient pas epe jus- 
qu’alers. Voulant encourager les sciences, les leiires et 
Jes arts, et répondre au but de votré institution, vous 
arez.senbi. combien à} était essentiel de vous faise andre 


:MÉNOIRES 127 
-eetnpte des éarits qui paraissent:dans ces différens genres. 
Tous les ouvrages de science et d'utilité publiqne vous 
ont donc été ‘analysés; des rapports .sur chacun des 
articles qai:les. composent ont..été faits; et. vous avez 

. consacré une partie de vos.séances à les discuter et. à les 
apprécier. Je n'ai pas besoin de vous développer les ‘avan- 
tages qui doivent résglter de cette manipre de travailler. 
Par-là, vous pourrez répandre plus facilement parmi vos 
concitoyens les ‘lumières .qui doivent, le: plus certaine- 
ment influer sur leur bonheurs yous \poucrez les mettre 
. auniveau, des epnnaïssences humaines, et, vous -parvien- 
. rez peutiétre, sans doute même, à. keur inspirer le : goùEt 
der: lettres, dont l'étude givilise, les. hommes, . on 
leur caractère et épure leurs mœums... : : 
C'est pey -que la tèrre dans, ces contrées Sd 
d'immenses récoltes, vous apprendrez. comment on :pent 
augmenter. .ces HORS par A nR commereiale et 
agricole. Cut 

Le commerce a “beaucoup is dans: ce | pays : . il 2 
essentiellement besoin: d’être encouragé et. protégé à. il 
réclame toys vos soins et vous les lui devez 

L'agriculture sans doute est portée à un haut point, 
. a-t-elle. épuisé taus les moyens de perfection? ne serait- 
il pas vrai de dire que nos riches moissons sont dues 
autant à la fertilité naturelle du sol, qu’à l’industrie. 

Quoiqu'il en soit, les moyens d'ajouter à cette ferti- 
lité existent à l'infini, et vous les développerez. 

Je ne terminerai pas sans. vous parler de ce que vous 
avez commencé et de ce qui vous reste-encore à faire 
pour notre département. Jusqu'à présent l’ancienne pro- 
vince d'Artois a été trop peu connue; des histoires, ou 
infidèles ou mal écrites, ont donné à peine quelques 


‘58 / MÉMOIRES, 
-nôtions sur cette téri£''jadis célèbre sous plus d’ün titre: 
 Souffrirez-vous qué des! écrivains obseuté ayent tronquèé, 
hutilé lhistoire ‘de votre pays, et n'’appreñdrez-vous 
“pis à ses habitans son ancienne .glôire et-14 cause de 
ses” malheurs. : Ne vengerezivoué pas enfin les Æérebates 
"de Téspèce d’éubli où ‘on Jes a''laisééo de soin vous 
‘appartient; il est digne de’ vons 4 ile déjà excité volie 
‘añoür’ } prôpre et votre zlle.i; Ainsi, nous pouvons 
“fâire espérer à nos voncitéyens que ‘bientôt vous Hear 
‘révélerez quels’ étéient léurs ancêtres ,' quètle état. ieur 
industrie tant‘ enviée par les maîtres du moride, par'ee 
“qu'étaiént” leurs: pères, ils appreridront * _ “qéils peuvent 
devenir ‘eux-mêmes, ét'ce he serdit pas ‘un ‘Nger ien- 
_fait que de leur-donner cette ebhvictiort, “27 """{ 
“Ces ‘trévatux' qué vous continuerez avec persévérance, 
“obtiendront ‘tes ‘ résultats 'qué' "vous ‘Hesitez.: Le ‘bien, 
quand'‘on le 'vent fermement, est toujours suivi .des 
plus heureux effets. Ici, vous n'êtes pas abandonnés à 
“vos seuls desirs, à vos propres fortes; le gouvernement 
qui eonnait et apprécie vos’ effbrts, les seconde ; et c'est 
alors que le bien est toujours possible et' doit être 
espéré: Il ge ‘réalisera donc, et cette téalité sera pour 
” vous la plus’ douce récompense , parce qu elle est l’uni- 
‘que ‘ohjet de votre Lo | | 


MÉMOIRES | 29 


anime hdrdrnride tar héts 
l'A 


TR A PPO RT._ E 
SUB LES CONCOURS DE L'ANNÉE tar; 


FAIT 


! e. : : 
VON { 


x LA: BÉANCE PUBLIQUE pu 27. | AOÛT | 
Par M: Bat, , Membre résident de la Sociéié royale 


ï 


Les 


NO ES 


d Arras. ‘ 
hr. r. ER ., £a — He. € n 
; : Le, 
ne t. net 
F MeSsrE Un, no e La 
he .: RE SET ROSE Né h cs 


Cotéénsésinine aù” desir que vois avez “exprilie,' 
noûs venons abjourd’ bui vous présenter l'analyse ‘succinète) 
dé tous‘les ouvragés qui: vous ont été adressés pôbr el 
concours de cette année. DR 

“Les différentes opinions des commissions particulièies 
que voüs avez nommées, pour ‘Péxamen de chacun de” 
cés ‘oüvrages, ‘serviront de base à üotre rapport. 

Les. mémoires qui vous ont été adressés , ‘et‘cèut 
qu 1” vous. ‘était permis d'espérer sur l'économie rurale, 
sont une “preuve toujours vivante de’ yos efforts pour” 
tout ce qi se rattache à l'utitité publique. Fa 

“Je vais suivre ‘dans ‘mon rapport, sur les diférehs” 
ouvrages" dé ce concours, Toidre à que vous avez vous 


Lu - & > PR à; à 
mêmes établi par “ÿôs ‘précédens: . 0. 
L'iiaou Or. } k RS DIET as is. ! D RS 


Le SUJET. — AGRICULTURE. CR 


PDT T IN Te 


Un thiothé célèbre à ‘dit que Je premier des arts était 
l'sgriculture; en effet; 1élle entretient :la vie, elle donne 
Jectraudit de: oorps:,: source de santé, de bonheur, de. 


30 : _ MÉAOFrRES. 

vertu, heureuse occupation, ‘exércée en quelque sorte” 
soùs l'œil de Is Divinifé, se milieu de”ses bienfaits ; 

prière continuelle ef la plus agréable au créateur, puis- 

met demapdent, elle aide à obterbr; état sagernent- 
calculé de l’homme, dans lequel la fortune n'apporte 

presque jamais de superflu : vicieux, les pertes compensant, 
l'excédent des beœins; état enfis où ‘lé tavail ; toujours 

renaissant et, nécessaire 1 trace dagcement le sentier 
uniforme et varié de la vie par les simples moyens que 

Ja nature indique, et dont la science native est au fond. 
de nos. cœurs. | 

Jaloux de prendre part aux améliorations mombreuses 
_dont l’agriculture est encore susceptible dans le départe- 
ment. du, Pas-de-Calais, vous. aviez. J'anuée . dernière 
(dans votre séance publique du 28. août ) proposé un 
prix. de. 300 francs à ? auteur qui traiterait le mieux la 
question suivante : 

Rechercher les moyens d de mppléer Les E, ngrais «4 usage 
dans le département du. Pas-de- Calais , et quel. serait le 
meilleur parti à tirer de la chayx 2 en Le employant à 

cel objet? 

| Nous avons : à regretter . n’ avoit reçu aucyn mémoire 
sur ce. _sujet ; 3, cependant la chaux , employée comme . 
engräis , serait d'ane grande utilité pour l'exploitation 
des terreins , froids dé, ce département. Elle est em ployée 
avec succès en Angleterre et. en Irlande, Combien il, 
eut été à desirer d' avoir sur ‘cet engrais ‘des notions 
se , et pe eut Éÿ mettre à exécution parmi 
nous. 57 

Cet SUJET. .— TT ANDUSTEIR, a 

À La Bortété rayale d ban wotilant aontribyer au déve’ 

op prveeut. dé l'isduatrie, notamment on:ce qui concerne! 


MEmôrres. oo &r 
celle de ce: département, avait voté ( pour’ être décerné 
dans la Séance publique de cette année ) un: 2° prix 
de la valedr de 300: francs, aa méïfleur mémoire sur 
cette question: Zndiquer Le Mode à suivre pour perfec- 
tioriner da fabrication des Dentelles d'Arras. ‘ ‘! 

Cette question ne nous x prodait qu’urr seut mémoire: 
Si Pauteur de cet ouvrage avait donné: plus détendue 
au développement de ses idées, qui paraissent génére- | 
lement justes, it aurait pu prouver que les moyens par 
lui indiqués étaient sinon lès meilleurs, mais au moin# 
susceptibles d’être mis facilement à exécution, : --* 

H aurait dà également s ‘attacher à combattre les obs- 
tacles qu’ane aveugle rouline ne manque jamais d'opposeé 
au développement et à la perfection de l'industrie: Tel 
qu il existe, ce mémoire ne peut être considéré qu 
comme le texte d'un excellent ouvrage sur matière ÿ 
ü contient néanmoins quelques détaits intéressans. 


LIL® SUJET, — ÉLOGE HISTORIQUE, 


: Vous avez ‘voulu payer votre -détte à la ‘mémoire 
d'un savant naturaliste à qui la ville d'Arras donna-lé 
jour, en proposant une médaïlte de la valeur de. 200 
francs, à l’auteur du meïlleur éloge historique ‘de Palisot 
de Beauvois, membre dela section de botanique: dé 
l'Acadéthie royale des sciences, né à Arras le 27 juflet 
1952, et mort à Paris te or janvier 1820. El eut té 
difficile de faire un meilleur choix, et vous avez pe 
vous en applandir em recevant qur ce sujet un ouvrage 
marqué au coin du plus beau talent. 

_ Comme là Condamine , . Pälisot de Bbauvois a fini 
comme al avait vécu, en se sacrifiant aux -8ciences uatir- 
selles et cù satisfaisant sû curiosité an mitieu de tou. 


Ed 


32 | MÉMOIRES. 


les hasards et de tous les Foi Diveres exüia - el, 
desertas querere terras. 

. Pour apprécier avec justice les immenses Lasate de 
Palisot de Beauvois ; il faudrait en quelque surte vous 
lire en entier son éloge ; si une critique sévère peut. 
trouver quelques longueurs et de l’uniformité.. dans le 
ton de cet ouvrage, en l’examinant dans son ensemble, 
ou y trouve un style régulier qui n'est aucunement 
embarrassé par des expressions particulières à l'étude des 
sciences naturelles. Nulle part, on ne verra la prétention 
de mettre de l'esprit, dans ce que dit l’auteur, ou d'en 
singer au moins la physionomie; il a banni l'afféterie 
recherchée des termes et le ridicule, si souvent étrange, 
ges acceptions dans lesquelles en les emploie. ‘pour 
paraître neuf. Son ouvrage est une narration: élégante 
et. Beurje, où l’histoire naturelle tient la première placé, 

Quand M." de Fontanes prononça l'éloge de Wasingthon, 
il cru ne pas devoir recourir au prestige de l'éloquence, 
et se contenta, pour louer dignement ce grand homme, 
de raconter, dans un beau ee les services qu ‘il avait 
rendus à son pays. 

L'auteur de l'éloge historique de Palisot de Beauvois 
ous a paru avoir suivi un. plan à peu près semblable; 
il a semblé dire à Ja dignité de:l’éloquence de s'éloigner, 
comme incompatible avec les détails auxquels il devait 
ve: livrer, pour faire PUISE toas les travaux du 
NAN Palisot. 


CI = 


PARDERSS À 'Ans SUJET. a LL 


-Camme la ppésie est Lun des plus nobles | délassemens 
A l'homme après qu’ l a consacré ses travaux à l'utilité 
publique, comme elle - est interprète de da gloire et 

| qu’elle 


M É MOIRES. 33 


qu'elle fait vivre dans la postérité ceux qui ont mérité 
 Fadmiration et la reconnaissance de leurs concitoyens , 
vous avez voulu, Messieurs, payer ce tribut à la 
mémoire du héros et de ses dignes soldats, qui ont jadis 
préservé la patrie d’aue invasion, et vous avez proposé 
le sujet éminemment patriotique d'une Ode sur la 
bataille de Lens... 

Sept coucurrens se sont présentés dans la lice, mais 
il n’est pas facile de chanter dignement le grand Condé ; 


à 


et tout en rendant justice à leurs sentimens et à leur 
zè'e, vous avez à Lu de ne pouvoir couronner 
 Jeurs eForts. ..... 

Avant de vous faire connaître ceux qui ont le plus 
approché du but, nous allons vous rappeller très-succinc- 
* tement les observations auxquelles ont donné lieu fcs 
différens ouvrages soumis à votre jugement. _ ! 
; De tous les, poëmes, peut-être le poëme lyrique est 
celui dont il est le plus difficile d'atteindre la perfection; 
resserré dans un -cercle étroit, dicté par l’enthousiasme, 
rapide, majestueux, suhlime; plus ses beautés doivent 
être hardies, plus ses défauts en sont voisins. | 

Nous exigeons du poëte que, malgré les entraves qui 
l'enchaînent, malgré les abimes ouverts sous ses pas, 
il marche intrépide et fier et s'élève dans les cieux. Que 
d'écueils l’environnent !.. | 
: Îl veut employer le langage d’une noble philosophie, 
et il devient raisonneur; il aime la simplicité, et ïl ne 
s’apperçoit pas qu'il descend jusqu’à la bassesse, A côté 
du sublime, il rencontre Venflure et tombe dans le 
ridicule. Il doit être éclatant d'images, et il entre dans 
le domaine de la poésie descriptive, enfin il doit exploiter 
une mine nouvelle, et pour chanter sur un ton inconnu 

Tom. IV 1." Lin, _3 


= 


Re 


34 = MÉMOIRES. 


des héros et les combats tant de fois célébrés, que 
incroyable fécondité ne lui faudrait-ïl pas! 

* Nous avons cru,’ Messieurs, devoir rappeller ces prin- 
cipaux écueils, parce que c’est contr'eux qu'ont échoués, 
d'après vos décisions uuanimes, les auteurs des différem 
vuvrages qai vous ont été présentés. Nous allons en 
signaler les beautés et les défauts, en suivatit l'ordre 
de lear réception. 


er 


Le n° 1“, a pour ne 
Pour lui, voir l'ennemi, c'était lavoir dompté. 
THOMAS ..... PÉTRÉIDE. 


Get ouvrage se recommande par la chaleur, l'harmonie 
vt la rapidité du style, on y desirerait peut-être un peu 
moins de ces vers communs qui ordinairement hérissent ‘ 
les récits de bataille; du reste, si cette Ode n’atteirt 
pas à une très-grande hauteur, elle est néanmoins 
généralement bien éorite, elle annonce de la maturité, 
et l'on y trouve moins que dans les autres cette inégalité 
de touche assez ordinaire aux jeunes gens. 


Le n.° 2, porte pour épigraphe: 
» Sunt quos curricuo pulverem. olympioum 
« collepisse juvat. » Honace, 


- L'auteur de cette Ode, qui paraît posséder assez de 
talent pour la poésie, s'est westreint dans an cefcle 
beaucoup trop étroit, et n'a pas même exisi le ton 
d'inspiration qui doit régner dane le poëme lyrique. Seæ 
strophes sont plutôt des stances élégamment versifiées, et 
Jes détails qu’il donne sur la bataîlle de Lens, vont telle. 
ment communs, qu'on pourrait les appliquer à toute 
autre, Nous croyons aussi devoir Lai faire observer ; 


Le 


MÉMOIRES: . 39. 


qu’une journée aussi décisive pour le salut de la France, 
demandait quelque préambule, et que, même dans l’Ode, 
il n’est pas permis de jeter son lecteur au. milieu d'un 


champ de bataille, sans l’instraire de la graude LD | 


qui va s'y décider sous ses yeux. 
Reed 


Le n.° 3, ayant pour épigraphe : 

« Littora tantum. » sn 
Réunit quelques-unes des qualités du genre, on. _ 
trouve de la verve, des réflexions philosophiques assez 
bien fondues dans lé sujet, de belles pensées et des 
images nobles; mais il a aussi ses défauts: son rythme 
peu favorable, dont les cadences coupées ét contenant 
de petits vers, détruit les efféts de l’harmonie, un débit 
trop grave et les deux dernières strophes, entièrement 
inutiles; en outre quelques néghigences de style, décëlent 
le travail d'un jeuae homme. 


Le n.° 4, ne porte aucune oo: 

L'auteur manie fort agréablement le pinceau descriptif 
dns les huit premières: strophes,, miais il ne s'est pas 
apperçu qu'if était au-dessous de son sujet, if fait en 
vain plasieurs efforts pour se. relever, et après plusieurs 


passages où l’on trouve de la chaleur, il tombe sensi- 


blement et touche même quelquefois au ridicule par la 
hizarrerie des images Cette Ode n’a pas été dictée par 
un goût pur et bien formé. 


L Le n.° 5, a pour épigraplie ces deux vers de Boileau: 
‘s Condé. dont le seul nom fait tomber les muraiiles 
- « Force les escadrons et gagne les batailles. » 


Get bursagr, généralement faible, nous à, paru péni- 


3% 


‘1 


56 MÉMOIRES. 


blement versifié: il présente néanmoins quelques éclairs, 
qui font regretter que le talent de l’auteur ne se 
soutienne pas. On y voit des choses bien pensées, et 
je crois qu'il serait difhcile de trouver un plus beau 
sentiment plus délicatement exprimé que celui que 
renferme la strophe suivante. L'auteur y fait allusion à 
l'arbre qui fut planté dans la plaine de Lens en mémoire 
de cette glorieuse journée , la voici: 


Dans ces beaux champs où de la France 


Le prince immortalisa les drapeaux, 
Planté par la reconnaissarice , 
Un arbre étendait ses rameaux, 
Symbole heureux de la victoire 
=. Des Condés retraçant la gloire. 
Il croissait. . . .. +... regrets superflus! 
La tige à leur sort attachée 
Languit aujourd’hui desséchée 
Leur noblé sang n'existe plus. 


{  - 


Le n° 6, a pour épigraphe:'» Le voyez-vous eomme 
j «il vole où à la victoire où à la mort. » 


‘ Comme morceau de poésie, cette production tiendrait 
un des premiers rangs, comme Ode, elle est froide et 
faible et sort entièrement du genre ; c’est une belle Élégie. 

Les récits dans la bouche d’un interlocuteur nous ont 
paru ne pas convenir au poëme lyrique, ils entraînent 
trop de longueur, une marche ‘trop. méthodique et 
bannissent le feu qui doit vivifier l’Ode. D'ailleurs, quoique 
ce soit une idée fort heureuse de la part de l’auteur 
c’ayoir amené un vieux guerrier sous l'arbre au pied 
duquel le s'en Condé se reposa, on est. forcé de ‘con- 


Mémoires. 2% 


venir que Îles paroles qu’il prohonce sont peu naturelles 
dans sa bouche, ce n'est pas lui, c’est le poëte qui 
parle. 

Le n.° 7 est rempli de nombreux défauts qui ne sont 
rachetés par aucune beauté ; l’auteur ne parait même 
pas familiarisé avec les règles de la versification française , 
il a besoin de lire J. B.'° Rousseau et Lebrun ; comme 
cet. ouvrage est sans doute l’essat d'un auteur bien 
jeune encore, nous pouvons espérer que plus tard st 
talent, en se développant, nous permettra de rendre 
de seç poésies un compte plus avantageux. 
| Telles sont, Messieurs, les différentes questions que 
- vous avez proposées pour le concours de cette année, et 
dont je viens de vous présenter une bien faible analyse. 
Je termine maintenant en vous rappellant ceux de ces 
. Ouvrages qui ont fixé vos regards d’une manière toute 
particulière, et que vous allez couronner ou mention 
ner honorablement. Sa ri 

INDUSTRIE. Re CE. 
* ‘Le ‘mémoire sur- le meilleur. nibde à: suivre poor 
perfectionner : la: fabrication des: dentellés' d'Arras , ne 
réunissant pas les conditions exigées, sous le rapport 
des moyens. à employer, nous n’avons pas pensé devoir 
lui décerner le prix; mais, malgré sou imperfection, 
vous avez cru qu'il méritait une mention : bonoralle , 
pour .quelques détails utiles qu'il contient et du à 
da confection actuelle des dentelle. -.,.;: ,1 4: 


ÉLOGE HISTORIQUE: ‘ 


L'éloge historique de Palisot de Beauvois réunissant 


toutes les conditions exigées, vous avez unénimement 


décidé qu'il metal Je prix proposé. 


} 


/ 


38 MÉMOFRES. 
| POÉSIE 


i , ns e ; ‘ fs . : ‘ 
“Si vous avez jugé que plusieurs défauts assez mar- 


quans se faisaient remarquer dans toutes les Odes qui 
"vous ont été adressées sur la bataille de Lens, et que 
‘par ‘suite le prix proposé par vous ne pouvait être 
décerné cette année, sépenrant vous avez distingué 
parmi ées Odes, celle n° LS ayant pour épigrapbe: 
ie Pour lui voir l'ennemi, c'était l'avoir dompté. » 

"Et vous avez décidé qu’elle méritait, à titre d'encou- 
Tagement , ‘une médaille d'argent. 

Vous avez aussi décidé que lOde n°3 > qui # pour 
‘épigraphe : ‘ Litiora tantum , méritait une preinière men- 
tion honorable, ‘ 

.Œnfin, vous ‘avez aussi aceordé une seconde mention 
Mousrble à l'auteur da poëme n° 6, ayant pour épi- 
graphe : Le voyez-vous comme il ss où à la victoire 
où à la mort. ‘° cu 0 

Vous allez entendre, Messieurs, uhe nouvetle lecture 
des mémoires et morckaux de poëñe que vous venez de 


.mouronnet ou ‘.mentiouner henorablement, et cette 


féance sera terminée par la Léo aus les 2esn de 
ét auteurs. Fe 

_ Nota. Le Maimdire sur des dentelles, est de M; !Benge 
aïer fs, d'Ârias, Élève: en droit. DE. 

 L'Étoge historique de M Palisot ‘de Beauvois, est de 
“7 À, Thiébaud de Berneaud , io FRANS 
de la Société royale d'Arras. 

L'Ode, n° 5° , est de M.°. P. &. Disdbens de la 
Rochelle. 

Celle n° 3, est dé M." H. Corne , étudiant en droit, 

Et enfin celle n° 6, est de M. Charles de S'. Maurice 
de Paris. h oo : 


MÉMOIRES 39 


VV EUR ALU VEUVE VE LUL VVLUVE LULU UV LUVUIA VUE eV 


:. ODE 
SUR LA BATAILLE DE LENS; 
Par M. P. G. BDROUINEAU de la Rochelle x 


Couronnée dans la Séance publique du 37 apit 1821. 


tn 

Poyg lui, vois l'envemi c'était Vavoir dompté. 
| . Thomas, PÉTRÉIDE. 

aan manner 


PT ces hordes guerrières, 
Ces innombrables soldats, | 
Et ces armes meurtrières, 

Qui vomissent le trépas? 

Les guerriers de l'Ibérie, 
Viennent-ils, ô ma patrie, 

Te braver, te conquérir? 

Vain orgueil! folle espérance! 

Les nobles fils de la France 
Sauront lés vaincre ou mourir. 


Fiers défenseurs de l'Espagne, 
Vos ‘superbes pavillons 
Couvrent au loin la campagne, 
Et fatiguent nos sillons. 

Déjà votre aveugle rage, 
Médite un affreux . carnage 
Et croit nous avoir surpris. 
Le soleil vous voit encore; 
Demain la naissante aurore 
. Ne verra que goes débris 


40 


MÉMOIRES. 


Mais déjà la charge sonne; 
Je vois les drapeaux flottans; 
La terre tremble et résonne 
Sous les pas des comhattans. 
Docile au frein qui le guide 
Le coursier, de gloire avide, 
Vole au-devant du trépas; ‘” 
L'airain tonne, l’air s’embrase, 
Le bronze à grand bruit écrase 
Et disperse les soldats. 


Enfin l'Espagnol s’avance 
Couvert d'insolens lauriers. 
Une multitude immense 
Presse, accable nos guerriers. 
Grammont en vain les rallie; 
C'en est fait, le Français plie, 
Tout redouble son effroi, 
Condé paraît, plus d’alarmes: 


« Marchez, dit-il, frères d'armes, 


Souvenez-vous de Rocroi. » 


Tel qu'on voit l'aigle intrépide, 
Parmi les feux, les éclairs, 
Sur l'autour, d'un vol rapide, 


_ S'élancer du haut des airs. 


Tel et plus terrible encore 
Des Espagnols qu'il abhorre 
Condé disperse Îles rangs, 

Et tout fumant de carnage 
Se trace un noble passage 


. Sur leurs cadavres sanglans. 


MÉMoIRezs. 

‘Sur une terre enflammée 
Le sang ruisselle à grands ‘flots. 
Dans notre invincible armée 
Tout Français meurt en héros 
Si j'osais, nobles victimes, 
Célébrer vos faits sublimes 
Et les peindre à l’anivers, 
Poëte heureux de la gloire, 
_En chantant votre victoire, 
J'éterniserais mes vérs. 


L’'Fspagnol perd son audace ; 
Et fuit jusqu’en ses remparts; 
Son front n’a plus de: menace; . 


Ses yeux n’ont plus de regards . 
Léopold en: vain l’excite, "A 


Et trois fois le précipite. . 


Parmi la flamme et les traits; 
Trois fois Condé. .dans la plaine, , : 


Le fer à la main, ramène, 
La victoire et les Français. 


U s De RE "ER ÿ td # - 


Ta meurs à la fleur'dé (l'âge, 
Beck, espoir de tes guerfiers, 
Victime de ton courage, | 
Tu tombés sur tes' lauriers. : ‘: * 
Ta mort vaut une victoire; i 
Les’ souvenirs de ta gloire ‘ ‘ ‘+ : 
Attendrissent tous les cœurs. 


CN 210. 


O destin digne d'envie!  " ? . 


Tu vois, en quittant la vie, : 
Condé te donner des -pleurs. . 


A Si 


L LE 


4 


De noirs tprrens de fumée, … 
. Les dérobent à nos GOUPR.. , ..! : 


Les poursuivent en coupraux. _ 


MÉMOIRES 


Tout s'enfuit ; et dans la plane, 
Foulant aux pieds les MOWANA, .] 


Cette armée immense entraine.  .; 


Ses plus braves, çombattans, +, 
Une poussière enflammée » Ce 


Sur leurs tranes gémigsantes | a 
Nos cohortes frémissantes 


en + 4 re nent] nu " 


La victoire, à ma patrie, 
Couronñe “enfin tes: guerriers; 


Reverdir tous les lauiers 


| Vois de:ta gloire flétrie ‘: RS 


Vois ces soldats. gü'on ppanen F 


Ces bronzes muets qu'eri tratne 0 
Ces vastes ref parts Géterts, oo 
Que l’active renommée, : ie M 
D'une voix. iccoutüumée se DRE 5) 

ER"üétruise Yénivers # HE Le PRE 


LR 3 1. 
es. ei ) me? "2 à À LE 


. Sur mes “ebantss France chérie ; 


Daigne abpiqur.tan regards à... , 

Un couped'æil de La patrie 7 
Anime ,, enfantg des.arts : Mot 
À ta voix MAUR. SAmG NES cs 
Un noble feu me consume, : ,, , : 


Mon luth frémit spus:mes, doigls; r 


E 


D'un Diey je. .suis l'interprète, .:.. 


Tout Français: devient poële , 1 .» 
En célébrant Les exploits. . 


‘ ; ! . Q ue 4 
.‘ re fève-r | une, MEN 


MÉMOIRES. 43 


L'ILLUSION POÉËÉTIQUE. 


IDYLLE, due à la Séange publique du 33 août 1821: 


Le doux printemps à fui; le chantre des bocages, 
De sa brillante voix sous les rians ombrages 

Ne charme déjà plus notre oreille et nos sens: 

La fleur ne reçoit plus les zéphire caressans : 

Et des feux du midi sous l'ardeur indiscrète 
L’ornement da vallon, la tendre violette, 

À cessé d’exbaler ses parfums enechanteurs. 

L'été revient orné de riantes couleurs, 

Et la ferre étalant sa plus riche parure 

Offre à l'homme ravi, les dons de la eulture; 

Le luxe. des moissons brille de toutes parts, 

Et la contrée en&n déroule à mes regards 

Un site. romantique, un paysage immense. 

Je m'arrête, f'admire, et contemple en silence 

Ces lieax si variés, qui présentent sans enoix, | 
Des monts lointaine, des champs, des hameaux et ai bois, 
Un troupesu eependant se déploie à ma vue, < 
1 blanehit da colline, ainsi l’ent voit la nue, : 
Se répandre en flocons et parsemer les eleux: 

De sa flûte un berger tire des sons joyeux ; 

Plus. ioin le laboureur d’un docile attelage 

Presse Îles pas tardifs, termine son ouvrage, 

Æt dans un champ voisin, la féconde Cérès, . 

Sous sa faux bienfaisante applanit les guérets; 

La gerbe g'amoncelle; à source de richesse, 

Des fragiles humains tu combles l’allégressel 

Mais an léger repes suceëde À ses iravaux, 


44 .MÉMOTRES 
‘Le moissonneur suspend sa fatigue et ses mat, 
À de folâtres yeux un pur instinct le guide; 
“Une jeune bergère a d’une voix timide, 
Chanté de quelqu’amant. le tragique destins 
La troupe a répété le rustique refrain. 

Simple bonheur ‘des chämps, plaisirs de la retraite, 
Votre aspect me ravit; que ne suis-je, poëte ! 
Je pourrais sous ma plume animer ce tableau, 
Et du ton. pastoral enfler mon chalumeau!  ‘ 
Ce penser me sourit: une douce magie, - 
A réveillé ma Muse, échauffé mon génie: 

Ce berger. que je vois, est le beau Lycidas, 
Auprès de lui Glycère a dirigé ses pas, 
Son maintien est modeste, elle est tendre, elle est belle: 
. Son jeune amant lui jure une amour: éternelle, 
Cent fois çe doux serment est par lui répété, 
_ Le cœur de La bergère a cent fois palpité : ., 
D'une vive rougeur son beau front se colore, 
» Je t'aime, a-t-elle dit. » Elle rougit encore. 
Le plus vif entretien succède à ces aveux, 
D'an bymen desiré, d'un avenir heureux. 
… Hs parlent sans contrainte; et l'astre du mystère. 
Les eut trouvés encor sans pouvoir les distraire, 
Lorsque survint Cléon, ce vieillard inspiré, 
L'oracle d’on hameau, ce barde révéré: 
Des anciens jours, il sajt la merveilleuse histoire, 
Aime. à conter, il aime à montrer sa mémoire; 
D'on pas, grave il s’avance, et près d'eux s’est assis; 
+ De les trouver ensemble à sourire il:s'est pris. 

Mes amis, leur dit-il, un songe prophétique 
Cette nuit m'a bercé d’un charme fantastique. 
Je vis pn jeune enfant dessous mes arbrisseaux ; ; 


__ MÉMOIRES 45. 
Qui d'une main légère abaissant Jeurs rameaux , 
Cueïllait tantôt la pomme et la grappe Fermes 
De sa rare beauté j'admire la merveille, 
Et le pouipre et le lait se mélaient sur son teint, 
Je m'élance vers lui, mais quel Dieu l’eût atteint! 
Le folâtre m'échappe, et dans sa course agile, 
Se coule entre les fleurs, rend ma peine inutile. 
Tel, l'oiseau disparaît, dans les plaines de l’air. 
Ah! pourquoi suis-je, hélas! blanchi par maint biver! 
Fatigué je m'arrête, et d’une voix affable, 
» Duquel de nos voisins es-tu l'enfant aimable, » 
Lui dis-je,.et sans répondre un souris délicat, 
A de ses traits chartnans relevé l’incarnat. 
Il s'approche, et me jette uue rose effeuillée: 
D'un. désordre inconnu. mon ame est travaillée, 
Ce simple mouvement a ramolli mon cœur. 
» Je te pardonne, .ami, viens à moï sans frayeur, 
» De 'mes fleurs, de mes fruits, viens disposer en maître, 
» Pourvu:que d’un baiser... » Dais-je te le permettre, 
. Me dit-il avec grâce, et du ton Je plus doux, 
» Ah!.de te refuser je ne suis point jaloux, 
.» Et jamais je ne fus de caresses avare. 
» Mais qui peut t'inspirer ce caprice bizarre? 
. » Crains ‘plutôt ce. baiser comme un mortel poison, 
> L'amour n'est pas un fruit de chacune saison,  ‘’ 
» Et de me suivre, en vain tu concçois l'espérance. 
» Je ne suis point enfant si j'en ai l’apparence, 
»' J'ai fait naître le monde, et je.brave le temps: 
».Je te connus toi-même à la fleur de tes ans, 
» Quand servant sous mes lois une femme adorée, 
» Tu brülais d'un beau feu pour la blonde Nérée, 
» Lorsque dans ce marais conduisant ton troupeau, - 
» Tu soupirais tes vers, assis sur cet ormeau: ‘ 


46 MÉMOIRES. 
» Je Vinspiraîs, sans cesse à ton culte sensible : 
» Ton athante à tes vœux ne ft point inflexible, 
» Tu l'obtins, et ta vois tes rejettons nombreux 
» Sous ton ombre fleurir, tu vas revivre en eux ; 
» Je protège tes champs, ton verger, ta cabane, 
» Tu me dois tous ces biens; à ton desir profane 
» Je ne veut point céder; et par l’âge glacé 
» Cesse de nradresser un mmage insensé. ” 
s L'encens de la jeunesse à seul droit de me plaire ; 
» Je gouverne en ce jour Lycidas et Glycère, 
» Ces aimables bergers méritent ce bienfæt. » 
I dit, et dans les uirs aussitôt disparait. 
Tel on voit de l'éclair le brillant métécre, 
. Sillonner l'horizon. Je n'éveille et l'aurore 
De. ce songe flatteur me troave encor sarpris. 
Mais il. eontient pour vous un excellent avis: 
O voss que le bel âge entoure de ses roses ;. 
. Chaque instant les flétrit; les fleurs à peine écloses, 
. Périssent sous l'effort du fougueux aquilon;, 
Et dans son cours, le temps aïnsi qu’un tourbillon, 
Disperse nos beaux jours, et dévore sa proié;  - 
Goûtez dans la jeunesse, et l'amour et la joie, 
Tout retard est perdu pour la fécilité. | 
. Qu’avec plaisir, Cléon, nous Vavons écouté 
Loi répond Lycidas, j'accepte ton augure: | 
Du ruisseau qui bondit, lagréable murmure, 
Le broit plaintif des vents à travers la forêt, 
Les ébents de Philomèle, ont pour moi moins d’attrait. 
. Par M. Han SAVILLE, Membre résident. 


N. B. Ua Épisode du roman grec de Longus, ( Daphnis 
et Chioë ), m'a fourai Fidée première du songe de Cléon ; 
ais je me suis donné ane telle liberté en traitant ce sujet, 
que cette partie do mon laylle 3 est à pGne une imitation. 


* 


MÉMOIRES. y 


EE EE EE ET TN eau 


LE date ET 1 LIERRE 


Su sc 
LL hRARLE, | 
Lue à la Séance pubtique 4 de 7 août Bar, 


. Elèves des arts, #ü sd de mémoire ‘ 
‘Se phaignient, tassemblés autour de leur patron, 
De n'avoir recueilli, dans ke sacré vallon, 
Qu'un pea de vent qu'on nomme glbire, 
=» Mes amis, teur dit Apollon, 
» Voyez, dans da fotêt prochaine, 
» Cet arbuste grimpant, soutenu pat un chêne, 
» Dont il pare aujourd'hui, le front majestueux ; 
» Ne vous souvient-il pas de l'avoir vu naguère, 
» Faible, rampant , traînant ses rameaux tortueux, 
» Au pied de l'arbre officieux, 
» Qui, l’aidant à quitter la terre, 
» Lui fraya la route des cieux? 
s Un jour; il l’aborda d'un air respectueux: 
—» Toi, qui prêtes aux fleurs ton ombre hospitalière, 
| » Et qui, dans les feux de l'été, 
» Conserves aux gazons leur fraîcheur printanière, 
» Et leur verdoyante beauté, 
» Âcoorde-moi l'appui de ton bras tutélaire. 
» Je puis braver les vents avec toi dans les airs, 
» Et, libre du poids qui m'atterre, 
» Suivre ta téte au séjour du tonnerre, 
» Et tes pieds au fond des enfers. 
» Ce chêne n'était pas de la race orgueilleuse 
» Du chêne, qui, jadis, insultait au roseau; 


\ 


48 MÉMOIRES. 


‘» Et le discours de larbrisseau 
». Toucha son ame généreuse : 

—» Prends ce bras, lui dit-il, il sera ton appui. 
—» Notre arbuste, à ces mots, trésaille d’allégresse, 
L Saïsit son bienfaiteur, le presse, le caresse, 

» Et s'élève avec lui. | 
> Soit amour ou reconnaissance, 
» Tous deux sont demeurés unis depuis ce jour: 
_….» Le lierre est satisfait; et. le chêne à son tour 
» S’applaudit de sa bienfaisance ». 
C’est ainsi que parla le disert Apollon. 
Chacun se reconnut soû%s l'image du lierre; 
Mais, pour mettre à profit cette sage leçon, 
Où chercher, où trouver le chêne tutélaire. 


Par J. N. SAUVAGE, Membre résident. 


ELocx 


+ 
«e 
» 


\ 


MÉMOIRES. 49 


CV VEUVE VU UVE LULU UUUE VUS VUE VUS VAL VU L'UVUVLEEVRUNM 


ÉLOGE HISTORIQUE 
DE À. M.J.F. PALISOT pe BEAU VOIS, 


MEMBRE DE L'INSTITUT DE FRANCE. (*) 


DLL VUE VUVUUE VEUVE VU MU UE VUS LUV 

S'il est mort à la vie, il existe à fa gloire! 

La tombe rend son nom et ses travaux plus chers, 
(LEGOUVÉ.) 


AVS VUS LASASA VUS VU LAS LAS VUS LUS LAS AA VUALAIANS 


| A PRÈS que tous les corps savans, auxquels ses travaux 
TJ'avaient associés, ont payé un juste tribut d’éloges à 
un homme, dont les sciences en deuil déploreront long- 
_tems la perte, me sera-t-il permis de faire entendre ma 
faible voix, d'élever à sa mémoire un monument sans 
faste , mélant aux larmes, dont sa tombe est mouillée, 
.des guirlandes de ces mêmes fleurs qu'il prit tant de 
soins à étudier, à bien décrire à naturaliser parmi nous ? 
L'amitié m'en impose le devoir : elle sera mon excuse, 
si, en Jouant un savant qui fut estimé de tous ses 
concitoyens, vénéré des doctes, dont il fut l’émule et 
‘le confrère, chéri de tous ceux qui le connurent, je 
_reste au-dessous de mon sujet. J’aurai à le montrer tel 
qu'il fut, observateur fidèle, voyageur infatigable, homme 
_juste, ami sincère, patriote zélé; je le suivrai dans le 
. monde civilisé et au milieu des peuplades sauvages , dans 
_Jes déserts et au sein de sa famille, dans l'agitation 


* Par M. Thiébaut de Bernéaud, Membre correspondant de la 
Sosiété royale d’Artas ; ouvrage qu’elle a couronné dans sa 
"séance publiqüe du 27 août 1821. 
Tom, IV." 2% Lis, PMU 


- So Mésornss 


- perpétuelle des vovages et dans le silence studieux da 
cabinet; je le considérerai comblé des dons de la fortune 
æt accablé par le malheur ; eu tout tems et en tous lieux, 
occupé de la g'oire de son pays, des progrès de la science: 
Je simple exposé de ses travaux, de ses opinions , de ses 
doctrines est le plus beau trophée que je puisse élever 
à sa gloire. 

PALISOT DE Brauvois ( Ambroise -— Marie - François- 
Joseph ) naquit à Arras le 27 juillet 1752. Issu d’une 
très-ancienne famille, célèbre dans la magistrature, il 
comptait parmi ses ayeux trois premiers présidens an 
conseil supérieur de l’Artois : son père était receveur-général 
des domair.es de cette province et de la Flandre. Ce fut au 
collége foudé à Paris, en 1280, par Raoult d'Harcourt, 
qu’il fit ses études. Doué d’une âme ardeute, d’une imagi- 
nalionu facile à céder à l'enthousiasme et d’une mémoire 
prodigieuse , il se signala par des succès qui étaient autant 
le fruit de l'étude qu’une suite des heureuses dispositions 
qu'il avait recues de la nature. 

Au moment où les passions viennent s'emparer de 
toutes les facultés de l'âme, et quelquefois décider à 
pos du malheur de la vie, si le génie tutélaire d'un 
bon père n’est point là pour enchainer la fouge et leur 
donner une direction utile, le jeune de Beauvois se 
sentit tout à coup dévoré par une fervente dévotion ; 
la vie coutemplalive des premiers solitaires chrétiens 
sourit à son imagination vive et fougueuse; il voulut 
s’enfermer pour jamais dans un cloître de lordre dés 
Chartreux, qui lui parut le plus austère, fut l'objet 
de son choix. Sa famille combattit cette résolution', fruit 
de lectures, peu en rapport avec son âge, et d'insinua- 
tions dangereuses. Quoiqu'il se montrât déjà inflexible , 


\ 


MÉMOIRES. 5r 


ne pliant ni devant les hommes, ni devant les circons- 
tances , l'extrême mobilité de son esprit et de ses projets, 
ne lui laissa pas la force de lutter long-tems contre les 
remontrances des auteurs de ses jours, contre les sollis 
citations de toute une famille, dont il était tendrement 
chéri, et qu'il chérissait lui-même au-delà de toute. 
expression. L'idée de la solitude une fois sortie. de. sa’ 
tèle, ïl se jetta dans une. autre route, également 
extrême; il entra dans les mousquetaires, mais il n’y: 
resta que fort peu de tems. 

Semblable à ces noires tempêtes .qui soulèvent les 
flots, plongent le marin dans un affreux désespoir et. 
portent la dévastation sur les plages cultivées, mais 
qui s’appaisent bientôt pour amener une longue suite 
de beaux jours , son caractère bouillant, changeant de 
direction ; il rentra dans le sentier des études pour s’y. 
livrer toujours. 

Les vues du jeune de Beauvois se portèrent dès-lors 
vers la carrière du barreau; il fit son droit, et en 1772, 
il fut reçu avocat au parlement de Paris. La même année, 
il perdit son père d’une attaque de paralysie. Deux ans 
après, il contracta un mariage de convenance ; il venait 
d’être pourvu de la charge de receveur-géréral des do- 
- maines, vacante par la mort de son frère aîné. La finance 
n’était pas de son goût, il ne céda qu’à de fortes con- 
sidérations de famille, prévoyant en quelque sorte que 
sa nouvelle charge serait supprimée, comme elle le fut 
effectivement, en 1777, lorsque Necker, de Genève, 
fut appelé au ministère. : 

De Beauvois se coûsola facilement de la perte qu'il | 
éprouvait, Depuis quelque tems l’histoire naturelle occu- 
paîit toutes ses pensées, fixait ses goûts et lui procurait : 

4* 


ë2 MÉMOIRES. 
d'utiles plaisirs; il vit dans la liberté qu'il acquerrait 
un moyen -de s’y livrer tout entier. Il était déjà parvenu 
à des connaissances peu communes, lorsqu'il se sentit 
entraîné comme par enchantement vers la botanique: 
il. se lia très-intimement avec le docteur J. B.. Lesti- 
boudois qui, depuis. 1770, professait cétte science à 
Lille, et s'était fait un nom cher aux amis de la nature, 
en révélant, dès 1737, les ‘propriétés de la pomme de 
terre, et en devinant Îles grandes ressources que Parmen- 
lier devait plus tard découvrir dans ce tubercule ,: auquel 
lMignorance venait d'attribuer les effets d’une épidémie 
désastreuse. | | 

: Alors ;-une révolution mémorable avait arraché la 
botanique. à l'instabilité d’une nomenclature vague, aux 
tristes livrées que lui avaient imposées le XVI° siècle, 
Linné‘dictait les lois qui devaient la -régir, lui frayait. 
une route nouvelle dont ïl sut rendre l’accès agréable 
et facile; autour du genre créé par Tournefort, il ran- 
geait des groupes de plantes qui lui révélaient elles-mêmes 
leurs aimables analogies dans le mystère de leurs amours, 
dans Fe mode de leur reproduction: sublime dans son 
entreprise, et cédant à son imagination brillante, pleine . 
de feu , il donnait aux confidens de Flore, pour s’en- 
tendre entr'eux, un langage technique, simple -et. d’une . 
énergique précision, que d’indiscrets disciples détruisent 
de nos jours, pour lui substituer la barbarie. et ‘écraser 
la plus aimable de toutes les sciences, sous un déluge 
de mots inutiles, de détails :sans critique, sans goût et 
sans nécessité. Une ardeur extraordinaire s'était -emparé . 
de tous les botanistes; l’Europe ne suffisait plus à leurs 
recherches ; ils veulent constater sous toutes les latitudes 
le phénomène si curieux, si piquant de la vie végétale: 


MÉMOIRES. - | 59 


‘is veulent, par des travaux remarquables, par des con- 
quêtes utiles à l'humanité, par le rapprochement de 
toutes les plantes, confirmer ce que-J. J. Rousseau à 
dit de la botanique et les apperçus ingéuieux du philosophe 
d'Upsal: Pallas explore les steppes les plus élevées et les 
plus vastes de l’ancien continent, depuis l'embouchure 
de l’'Oby, aux rives toujours glacées, jusques à la Mer 
caspienne, dont. les eaux ne connaissent ni le flux ni 
le reflux; Solander et Banks, les deux Forsters et 
Sparmann ‘visitent les côtes du grand Océan, et toutes 
les îles qui le peuplent, et présentent: par-tout les restes 
d’une nation puissante, dont l'existence remonte :au- 
delà des cippes de l’histoire ; Sonnerat et Koenig étudient 
les grandes Indes; André. Michaux, la Perse; Bruce, les 
bords de la Mer rouge, la Nubie et l’Abissinie; Sonnini, 
PEgypte et la Grèce; Martin Wahl, netre savant ami 
Desfontaines et Poiret, l’Atlas et les terres sur lesquelles 
pèse le joug bumiliant des Barbaresques; Ruiz, le res- 
pectable Pavon et Dombey, le Pérou; Commerson, les 
terres Magellaniques. et le Brésil; Richard, la Guyane, 
Saint-Thomas et la Guadeloupe; Schwarts, la Jamaique 
et les îles voisines. De toutes les extrémités de l'un et 
l’autre hémisphère, l'Europe s'enrichit de plantes nou- 
velles; leurs tribus éparses se rassemblent sous les yeux 
de :Linné pour recevoir leur nom, publier la gloire du 
grand homme, et marier un jour tous les climats, 
confondre tous les:pays, et réunir dans un seul toutes 
les productions de la terre. 

: Comment ne pas aimer la botanique, quand on jette 
un : regard ’attentif-suyr : le globe, quand on voit cette 
multitude : de plantes qui lui forment une. parure 
infiniment variée, gracieuse et touùjoûrs renaïissante, qui 


54 MÉMOIRES. 


fournissent à tous nos besoins, qui nous procurent de 
si douces jouissances? Une science de qui l’agricullure, 
Ja médecine, Îles arts reçoivent de si puissans secours, 
üne science qui inspire les plus grands sacrifices, une 
science qui ne laisse jamais la curiosité tranquille, parce. 
qu'elle ne cesse jamais de l’intéresser, ne pouvait que 
séduire , qu’entraîner l’âme active de Palisot de Beauvois. 
Il s’y livra en effet sans réserve, parcourut, avec son 
véuérable maître, la Flandre, le Brabant et le nord de 
la Fra ice, embrassant tous les prodiges de la création. 
Chaque phénomène déroulait à ses yeux de grandes vérités, 
et à chaque pas qu'il faisait dans le domaine de la 
science, le tableau de l'univers devenait plus vaste, 
plus sablime. Les routes frayées n’ont bientôt plus rien 
à lui offrir, 11 revient, examina, approfondit, et c'est 
lorsqu'il s’apperçoit qu’il existe dans la chaîne systéma- 
tique des végétaux une classe dont la manière d’être, 
de végeter et de se reproduire est encore problématique, 
qu'il la choisit pour l’objet de ses travaux. Il veut 
découvrir la verité, il se livre à sa recherche avec un 
zèle au-dessus e tous les éloges; rien ne le rebute, 
ni la difficii raturelle à l’objet qui l'occupe, ni la 
complication le l’appareïl reproducteur, ui le peu d'intérêt 
que l’on donne aux cryptogames, ni l’autorilé des savans 
qui l'ont precédé dans cette carrière épineuse. Trois 
années d’études suivies, d'expériences délicates, d’obser- 
vatious microscopiques ne peuvent fatiguer sa patience. 
Il faut, par des faits irrésistibtes, combattre la théorie 
généralement adoptée, et, comme ces novateurs dangereux 
qui déshonorent la science, ne pas couvrir la nature 
d’un voile obstur en s’arrêtant à une simple hypothèse, 
en multipliant des distinctions inutiles, en subordonnant 


MÉMOIRES. 55. 


les Jois éternelles des choses existantes aux lois bizarres . 
d’un système mal fondé. La vérité luit enfin à ses yeux, 
son cœur palpite, il court à Paris, se présente à 
l'Académie des sciences et fort de ses découvertes, il 
déclare hautement que les cryptogames, sur-tout les 
champignouns, regardés par Necker, de Manheim, comme 
une nouvelle réunion du tissu cellulaire des autres 
végétaux, sont absolument des plantes organisées comme 
toutes les autres, ayant des fibres, des vaisseaux, des 
racines, une fleuraison, des attributs mâles et femelles, 
des semences, sans le concours desquelles elles ne peu- 
vent essentiellement se reproduire; qu’elles offrent, en un 
mot, un premier développement, uu accroissement et 
un dépérissement , qui ne s'effectue d'ordinaire dans tous 
les corps organisés, qu'après avoir laissé, en mourant, 
des êtres semblables à eux et qui éprouveront les mêmes 
révolutions. | 

A l'appui de cette découverte, il met sous les yeux 
de l’Académie un herbier naturel portatif contenant plus 
de 700 sujets, et un cahier de ces mêmes plantes dessi- 
nées par lui-même, avec le détail des phénomènes qu HE 
a observés. Le tout est examiné en détail par Duhamel- 
Dumonceau, l’un des hommes Les plus extraordinaires 
du XVII!L* siècle ; par Guettare, qui décrivit, avec une 
exactitude scrupuleuse, les petits corps vésiculeux qui 
couvrent diverses parties des plantes, et cette sorte de 
filets, plus ou moins déliés, qui les protègent contre 
l'intempérie des saisons, et auxquels on a donné les 
noms de glandes et de poils ; par Fougeroux de Bondaroy, 
dont l'esprit observateur embrassa, éclaira, vivifia toutes 
les branches de l’histoire naturelle , et par. M. de Jussien, 
qui venait de créer une méthode nouvelle, dont les 


, * 


56 | MÉMOIRES. 


bases reposent sur l'absence, la présence et le nombre 
des lobes séminaux ou cotylédons, corps charnus, d’une 
forme particulière, ne ressemblant en rien aux feuilles 
proprement dites, quoïqu’on leur en donne parfois le 
nom, et qui sont le point de départ de la végétalion. 
Ce; savans reconnaissent, constatent la découverte, 
volent res encouragemens au jeune botaniste, et l’Aca- 
démie le nomme, dès 1781, son correspondant. | 

Jaloux de justifier de plus en plus l’honorable suffrage 
du premier corps savant de l’Europe, Palisot de Beau- 
vois soumit à un semblable examen toutes Îles crypto- 
games, et fit voir les erreurs commises par Dillen et 
par Linné, relativement aux organes de la reproduction 
dans les mousses, les lycopodes, les hépatiques, les 
algues et les lichens. Il combattit avec forre le système 
proposé par Hedwig, qui tend à priver de sexes les cham- 
pignons,.et à les assimiler aux polypes et à certains 
autres animaux qui se reproduisent par bulbes, ou par. 
de simples bourgeons. Enfin, il n’a cessé de continuer 
ses premiers essais, de les eurichir de nouvelles et nom- 
breuses. observations pendant 30 années, comme nous 
aurons l’occasion de le dire plus bas. | 

Il s’occupa également de plusieurs autres questions 
très-difficiles de la physiologie végétale, sur lesquelles 
nous reviendrons, en parlant de l’époque où il leur 
donna les plus amples développemens. Nous citerons 
seulement.ici un mémoire qu'il lut à l’Académie des 
sciences , en février 1786, sur les moyens d'améliorer 
les bois et d'en retirer un plus g'and profit. L'objet” 
qu'il s'y propose a trait à la manière de les exploiter. 
"Al avait observé dans le nord de la France que les 
arbres se dégradaient insensiblement , parce qu’on n’avait 


MÉMOIRES. | 57 
pas soin d’élaguer les baliveaux. Un préjugé s'opposait à 
cette opération sur le chêne et sur quelques arbres verds  ‘ 
résiueux : il voulut le combattre par des conseils, par 
sa propre expérience, par l'autorité de l’Académie des 
sciences. Il se montra dans cette circonstance bon phy- 
siologiste, cultivateur éclairé et ami de son pays, il ne 
fallait pas tant de titres pour recueillir le suffrage des 
savans. 

Déjà les végétaux indigènes, et ceux que la culture 
soigne avec tant de frais dans nos jardins, ne pouvaient 
plus suffire à l’ardeur que notre jeune académicien avait 
de s’instruire; les herbiers de plantes étrangères qu’il 
visitait, celui formé par Tournefort dans ses voyages 
au Levant, ceux qu'expédiaient, au jardin des plantes 
de Paris, les botanistes français qui parcouraïient diverses 
contrées de l'Asie, de l'Afrique et des deux Amériques, 
enflammaient son imagination , ef lui inspiraient le desir 
de fournir aussi à son tour à la science de nouvelles : 
richesses. La lecture du voyage de Niébubr l’avait sur-tout 
intéressé; et tout en déplorant la perte de l’infortuné 
Forskaël, qui, après avoir été pris et impitoyablement 
dépouillé par les Arabes, mourut jeune encore dévoré 
par la peste; il conçut le projet hardi de terminer l’en- 
treprise périlleuse de son voyage, mais le ministre, 
auquel il'soumit cette idée, ne lui permit pas de le 
réaliser. Il'allait se charger d’un voyage autour du moude, 
quoiqu'il sut Lien qu'ils sont réellement manqués par 
l’histoire naturelle et particulièrement pour la botanique ; 
il allait courir la chance malheureuse de Lapeyrouse, 
quand une occasiün imprévue Le ses regards sur Ja 
côte de Guinée. 

‘Use trouvait alors (en 1785) à Paris, sous le nom : 


58 | MÉMOIRES. 


dé fils du Roi d'Oware, un nègre chargé par son gou-. 
vernemeut d'obtenir de celui de France une redevance 
annuelle par la cession d’un vaste terrain, destiné à 
former un établissement francais à l'embouchure de la 
rivière Formose. l'alisot de Beauvois fait eonuaissance 
avec ke prétendu priuce Bondakan, se lie avec le capi- 
laine du vaisseau qui, devait le conduire sur la côte de 
Guinée , el, comnie aueuu naturaliste m'avait encore 
exploré les états d'Ouare et de Beuin, if sollicite et 
obtient la permission d'êi:e du. voyage. En s'imposant 
 wn exil volontaire, eu sacrifiaut ainsi sa vie dans la vue 
de coutribuer par ses recherches et son. dévouement aux 
progrès des sciences naturelles, il pouvait, il devait 
espérer que le gouvernement céderait aux iustances. de 
PAcadémie des sciences, et qu'it se chargerait des frais 
de cette entreprise hardie; mais il en fut tout autre 
ment , et ce qu'il put obtenir d’un ministère inepte et 
spéculateur, ce fut l’avance de quatre années d’arrérages 
d’une rente qu'il avait sur l’élat, et qui lui produisit 
environ 32 mille francs. 

Sourd et insensible à toute idée de fatigues, de crain- 
tes et de dangers, il se sépare de son épouse, à qui 
il donne les pouvoirs les plus étendus. pour gérer ses 
biens; le 5 juillet 1786, il quitte Paris, et le 17, il 
s’'embarque à Rochefort sur la flûte le Pérou, comman- 
dée par le capitaine Landolphe, montée par 300 hommes 
et percée de 56 pièces de canon. | | 

De ce moment date pour lui une nouvelle existence; . 
son activilé redouble, et dans ce qu'il observe il cher- 
che à déméler ce qui a pu échapper aux savans. Toutes 
ses heures sont pleines, il ne perd aucun instant. I 
profila d’une relâche d'un mois pour visiter Lisbonne, 


LS 


/ 


MÉMOIRES. 59 


étudier Îes rives pittoresques du Tage, dont les eaux 
troubles inondent et fertilisent régulièremeut chaque 
année les vertes plaines de Santaren et de Villafranca, 
recucillir une foule de plantes et d'insectes curieux dans 
les Lizirias ou îles cultivées, dans les landes tristes et 
dépouillées de l’Alemntejo , sur les rochers à pic de Cabo 
da Roca, dans les montagnes très-escarpées d’Arrabida. 
Ces récoltes précieuses expédiées en France, le vaisseau 
mit à la voile. | | 

Notre voyageur apperçoit d'abord l'ile de Madère, où 
la végétation a tous les caractères européens; l’Archipel 
des Canaries, ancien théâtre de la nation Guanche et 
premiere palrie du mouton-mérinos; le pic de Thénériffe, 
dont la couleur blanche a long-tems fait croire que la 
neige y était perpétuelle, tandis qu'elle est due aux 
pierres ponces qui recouvrent le câne de ce vieux volcan, 
et qui réflétant d’abord une couleur rougeâtre aux pre- 
miers rayons du soleil, passe ensuite, par gradation 
rapide, au blanc le plus éclatant. 

Entré dans les mers du Tropique, il s’est assuré que 
le goëmon flottant ou raisin du Tropijue, a;rellé par 
les botanistes, fucus natans, et dont les ramifications 
‘ nombreuses offrent dans leurs entrelacemens de petites 
îles flottantes qui disparaissent , soit qu’elles deviennent 
Ja proié des poissons, ou que la putréfaction les dé- 
truise. Ce fucus est muni d’une sorte de tige rameuse, 
de feuilles lancéolées, alterues, dentées, en forme de 
scie, et de petits tubercules axillaiies, contenant dans 
l'intérieur des filamens soyeux, que des botanistes ont 
pris pour un des organes de leur régénération, mais ces 
globules ne font que des vessies aériformes, à l'aide 
desquelles la plante se soutient au-dessus des eaux. La 


Co MÉMOIRES. | 
fructification du fucus natans, consisle dans des amas 
de tubercules rangés autour d’un corps tout différent, et 
qui renférment plusieurs capsules dont les petits grains, 
sont ou doivent être les organes de la repro:luction ; 
quant à ceux de la fécondation, analogues aux étami- 
nes, Palisot ne put les découvrir. 

A la hauteur du Cap -Verd, où Adanson fit de sr 
amples récoltes, et où Golberry mesura le tronc d’un 
baohahb, le géant des solitudes, dont l’âge épouvante 
l'imagination , quand elle calcule les siècles par le long 
accroissement qu’exige sa grosseur: monstrueuse ; Palisot 
de Beauvois vit pour la première fois le requin marteau, 
squalus zygœna, lespèce la plus audacieuse et la plus 
vorace, et le poisson-scie, squalus priotis, l'ennemi le . 
plus ackiarné de la baleine et qui périt en même tems 
que sa victime. 

‘ Le phénomène de la phosphorescence de Ia mer, si 
parfaitement décrit par Marchand, dû, selon les uns, 
aux méduses ou bien au frai des poissons; aux insectes. 
lumineux, aux mollusques et aux zoophytes mous, selon 
les autres; au frottement et à l’électrieité des courans 
marins, suivant ceux-ci, et enfin à des substances 
animales et végétales en putréfaction, suivant ceux-là, 
fixa son attention, et, comme la question était difficile 
et demeurée indécise, il voulut en pénétrer‘le mystère. 
Fut-il plus heureux que les autres? Je l’ignore, mais 
il estime que toutes les causes alléguées jusqu'ici agissent 
toutes, tantôt isolément, tantôt ensembleet concurremment, 
et que, à raison des localités, de l’état atmosphérique 
et des circonstances du moment, elles contribuent plus 
ou moins à produire ce spectacle. magnifique et imposank 
En effet, si nous analysons ce phénomène, nous voyons 


» 


; MÉMOIRES. Gt: 


À une lueur pâle, continue et pour aïnsi dire perlée, 
succéder une lumière vive, scintillante, semblable à un 
nuage d'argent; elle suit le sillage du navire ou des poissons 
qui nagent avec rapidité ,-et est accompagnée de points. 
jaunes très-multipliés, les uns isolés, les autres mêlés, 
confondus dans la masse brillante. Nous sommes dès 
lors autorisés à croire que des substances animales et 
végétales en putréfaction , produisent cette sorte de nappe 
argentée ce tourlillon phosphorique, et que les petits 
points saillans sont ou doivent : être des anuimalcules de 
la famille des scolopendres et des polypes vivans, d'une 
mobilité étonnante, très-lumineux, et le devenant encore 
plus par l'agitation et le frottement. 

La traversée fut presque habituellement contrariée 
par de mauvais tems, par des calmes, par de violens 
orages; le vaisseau souffrit tellement qu’on fut obligé 
à plusieurs relâches, à l'embouchure de la rivière Me- 
zurado, dans le pays de Foulahs, qui font un grand 
commerce de poivre; à Sestre-crou, sur la côte des graines; 
au. Cap-Lahov, sur la côte d'Ivoire; à Hapan, à Chama, 
improprement appelé Sama, et à Kéto ou Kéta, sur, 
Ja. côte d'Or. Dans ces différentes stations, uotre intré- 
pide voyageur enrichit ses cartons d’un grand nombre 
de: végétaux et d'insectes, dé graines et de ‘coquillages, 
de minéraux et de fossiles curieux; il fit des remarques : 
intéressantes de divers genres sur les mœurs et les 
habitudes des tommes, sur les nie les productions ‘et 
les. ressources du pays. à 

-À Sestre-crou, la tribu des _. qu'il observa est 
d'une haute et belle stature, d’un noir d’ébène très- 
prononcé, ayant les cheveux longs et plats, le nez aquilin 
et.les lèyres moins saillantes que les autres tribus de la 


62 MÉMOIRES. 


Nigritre et de la. Guinée. Cette race, en tout semblable 
à celle que l’on trouve dans les îles du grand Océan 
équatorial, pourrait bien ètre, selon nous, les restes 
d’une antique nation dispersée par les révolutions reli- 
gieuses et politiques, qui précédèrent ou suivirent les 
expéditions des premiers Malais dans l’un et laatre 
bémisphère, ou celle des vieux Éthiopiens sur toute 
l'Afrique. 

À Chama, il trouva très-abondamment le magnifique 
coléoptère, connu sous le nom de capricorne odorant , 
cerambix moschatus ; son odeur de rose est -encore plus 
prononcée que dans les espèces européennes qui vivent: 
sur le saule blanc, salix alba. On croit communément 
que ce parfum suave est puisé par -l'insecte sur l’arbre 
_ qu'il affectionne de préférence, cependant il n’y a pas’ 
de saules sur la côte de Guinée, et les autres insectes 
que nous voyons sur nos saules indigènes, tels que les 
alises, les chrysomèles, les galeruques, les taupins, 
etc., ne sentent pas la rose. Cette odeur est donc propre 
au capricorne. Deax de ces insectes, renfermés dans une 
bouteille, donnent au tabac un goût très-agréable et sans 
aucun inconvénient , au dire des amateurs de cette poudre 
nénséabonde. 

En visitant la mine d'où les. ue extraient la 
poudre d'or, il a remarqué que pour la peser on se 
sert des graines du balisier d'Inde, canna indica, qui . 
sont d’une grosseur et d’un poids assez uniformes. 

Près da fleuve Volta et de la petite ville de Hapan, : 
ainsi qu'à Kôto, il vit des bandes considérables de sin- 
ges de l'espèce appelée macaque, cynus cynomalgus, des 
petites perruches à tête rouge glacée de bleu, et sur-tout 
beaucoup és’ vautours -et- dé grosses fourmis. Il est ex- 


MÉMOIRES. 63 
pressément défendu de tuer ces derniers animaux, parce 
qu'ils détruisent les rats, les souris, les araignées ét 
une foule d'insectes malfaisans, qui pullulent dans ces 
contrées essentiellement insalubres. 

Enfin, après de longs efforts, le vaisseau jeta l'ancre 
à l’emhouchure du fleuve Formose, le 17 novembre 
1786. Palisot passa la première nuit sur les terres d'Oware 
dans une cahane entourée de ketmies, hibiscus cancel- 
datus, aux fleurs purpurines nouvellement épanouies, 
et dès le lendemain, ïl prit en quelque sorte possession 
des plages intéressantes qui n’avaient encore SLA ‘vues 
ni visitées par aucun observateur. 

Le pays de Jakeris, connu vulgairement sous le nom 
d'Oware, occupe, sur la côte occidentale de l’Afrique 
équatoriale, une vaste étendue de terrain entre les V.° et 
VII: degrés latitude nord, bornée au septentrion par 
les états de Benin, au sud par celui de Gulbar, ä l’est 
par les brülaus déserts où l’on cherche les sources du 
Niger, à l’onest par l'Océan atlantique. Le sol est bas, 
coupé en différens sens par des bras de rivières, et sub- 
mergé. presque sur tous les points par lés hautes marées 
qui laissent après elles un limon fangeux et pestientiel, 
repaire des crocodiles et d’une jafinité- de serpens mons- 
trueux. Cette terre, où la chaleur est excessive, où 
tout contribue à la rendre le lieu le plus malsain 
qu on counaisse', est habitée par des hommes Lons, 
doux et hospitaliers, gais , vifs, ‘spirituels et généreux, 
ayant horreur’ des sacrifices et de l’effusion du sang 
bumain, ! usage affreux qu’on trouve chez les Africains 
“dès la plus baute antiquilé. Quoique soumis à un Roi, 
“Jeurs jours et leurs propriétés n'ont rien à redouter de 
ses _Saprices; ; lès lois veillent sur eux; ; elles ne sont pas 


64 _ MÉMOIRES. 
écrites, mais pour cela elles n'en’sont pas moins reli- 
gieusement observées , jamais on n’y porte la plus légère 
atteinte. Dans aucune circonstance, le chef de l'état ne 
peut se trouver juge et partie. L'assassin à la tête 
tranchée et son corps, privé de sépulture, est jeté dans 
Jes forêts pour y servir de pâture aux fourmis et aux 
bêtes féroces. Le voleur, atteint et convaincu, devient 
la propriété de celui qu’il voulait dépouiller. De pareilles 
dispositions font regretter l’usage où ce peuple est de 
vendre les jeunes gens les plus robustes, les femmes 
Les mieux faites et les malheureux réduits à l’esclavage 
par le sort ou par le besoin. Ce commerce barbare, 
faverisé par un horrible système, contre lequel l’Europe 
se prononce enfin après l'avoir établi, a rendu les peuples 
‘de l'Afrique étrangers à l’agriculture, le premier de tous 
les biens, aux sciences et aux arts qui tempèrent ce 
que les climats ont de fâcheux ; ils ne savent tirer aucun 
parti du sol et de\ses productions naturelles. . 
. Les Jakéris admettent deux êtres suprêmes, l'un, noir 
et bon, auquel ils ne rendent aucun culte, parce qu ”il 
sait ce qui leur convient et n’a pas. la pensée de leur 
faire qu mal; l’autre, blanc et essentiellement méchant, 
ils linvoquent sans cesse, pour l’engager à ne pas leur 
nuire, Entre ce-second Dieu et les hommes , le fanatisme 
sou la politique. a établi un être intermédiaire qui peut 
être un arbre, un. oiseau de proie, un lézard, un 
monticule, un champ cultivé, etc. Ils ont conservé 
quelques traces du christianisme que les Portusais 1 ten- 
4èrent d'introduire parmi-eux au XVHI° siècle; ils vénèrent 
une grande croix de.bois placée dans un carrefour de 
Ja ville d'Oware, et ne passent jamais devant elle sans 
faire le signe, des . chrétiens avec une petite callebasse 
creuse 


= 


MÉMOIRES 65 


creuse qu'ils portent suspendue à leur col et. qu ‘ils 
remplissent de bourdon ou vin de palmier, d'eau-de- -vie +. 
de terre et de. sang de cabri ou de poulets. 

Une coutume hideuse., repoussaute, qui offense la nature 
et ne trouve même pas d’excuse dans le délire de la ‘supers- 
titioa, c'est. d'enlever l'enfant qui vient de mourir, de 
l'envelopper dans une natte de jonc ou de palme ; de le 
porter eñ courant sur le bord de la rivière, de le déposer 
sur une grosse pierre; . et A, de réduire à coups ‘de bâton, 
ses chaïrs et ses os à l'état de pâte que l’on enterre alors 
soigneusement. À tout autre âge, les sépultures ge font 
avec respect au milieu des cris. et des pleurs. 

Les fêtes religieuses consistent à se réunir le matin 
dans des huttes situées au milieu des bois, où. (les 
étrangers ne peuvent être admis; après les prières, on 
joue et fon danse. Au mois de décembre, les Owares 
ont. un carnaval assez semblable à celui des Européens, 
et qui peut-être leur vient des Portugais: ces saturnales 
durent trois jours, pendant lesquels ses jeunes gens se 
déguisent avec des étoffes et des feuilles de palmier, avec 
des peaux d'animaux et des herbages diversement tressés. 

Ils ont plusieurs genres d'industrie remarquables ; mais 
dont les secrets nous sont inconnus. Avec certains fruits, 
ils préparent un savon liquide, noirâtre et supérieur 
au nôtre; ils fabriquent de très-jolies pagries ; espèce 
de toile de coton, dont les dessins sont tracés : avec des 
fils blancs, et d’autres teints en bleu ou en rouge, ils 
extraient la fécule d’une ‘espèce d'indigotier, indigo fera 
endecaphilla, qui croit naturellement dans le pays, 
mais n’y est cultivé en. aucune manière, et de la pulpe 
de l’'avoira, eais pente, une huile bonne : à _maïger, 
et qui ne demanderait qu ‘uné manutentioii mieux en- 


Tom. 1% 2 me Liv. ; : 5 Fr + 


66 MÉMOIRES: 


tendue four: rivaliser avec nos meilleures huiles d’ofives. 
Quant à la couleur rouge, comme on ne trouve point 
de roucou, ‘bixa orellana, dans toute la contrée, il 
est À présumer qu'ils se servent d’une terre trés-rouge, 
espèce d’ocre dont le peu de solidité de la teinte rend 
la süpposition assez vraisemblable. Ils ont l’art de bâtir 
des maisons assez commodes , de creuser des pirogues 
avec le feu, de façonner des pägaiés, sorte de rames 
fort légères, de séparer les ‘fibres de plusieurs plantes 
de la famille des cypéracées, de les unir et d’en faire 
des ficelles très-bonnes et de longue durée. Un joli 
coquillage nommé cauris, connu en Europe sous le 
nom de pucelage, leur tient lieu de numéraire; c'est 
en échange qu’ils donnent non seulement leurs esclaves, 
mais encore du morphile, de l'or, des ignames, etc. 
Sitôt son arrivée à Oware, Palisot de Beauvois fut 
présenté au souverain du pays; il en fut bien accueilli; 
ñ le trouva agenouillé aux pieds d'un grand vase de 
terre glaise, cuite au soleil, sans goût et rempli de 
bourdon , qu’il avait adopté pour son fétiche, Ce souve- 
rain passe sa vie occupé de plaisirs, plongé dans la 
mollesse, au milieu des nombreuses femmes de son 
sérail et entouré d'environ cinq à six mille esclaves, 
Notre voyageur qui, pendant ses rapports à Paris avec 
Boudakan, et pendant la traversée, s'était initié dans 
la langue du pays et familiarisé avec les sons forts que 
les Owares tirent du -gosier, instruisit le Roi de son 
projet de visiter l’intérieur des ferres et lui demanda 
&es güides pour l'accompagner. Sa demande lui fut accor- 
dée, et pour lui montrer tout l'intérêt qu'il lui portait, 
le Roi ordonna au principal officier de ses gardes d'in- 


CRE 


MÉMOIRES. 67 
commande le silence à toute la cour, frappe la terre 
à plusieurs reprises âvec une pefite baguette dé mimose 
sacrée , et peu d'iñstans après parut une grosse couleuvre 
du genre boa ; il lui jétte quelques morceaux de bana- 
nés, d'ignames et de chair d’hippopotame. Pehdant que 
le serpent miangeait fort paisiblement, Okoro avait les 
yeux fixés contre terre, les bras croisés sur la poitrine 
et marmottait dè longues prières pour préserver l’Oibo 
de tous dangers. Le repas fini, le teptile leva la tête 
._en signe de contentemient et regagna sa retraite inconnue. 
Tout le tems que dura cette cérémonie, lé Roi tenait 
sou fétiche particulier embrassé et paraissait prier à 
voix basse. On se fit ensuite mutuellement divers pré- 
sens Six nègres et l’un des fils da Roi furent désignés 
pour servir d'escorte à notre voyageur. 

. Dans l'enthousiasme du bonheur, Palisot dé Beauvois 
parcourt le pays en fous sens depuis Îes terres du 
Gaibar, où les nègres mettent à mort leurs prisonniers 
et en vendent les tristes débris dans les marchés publics, 
jusques à Buonopozzo , un des derniers établissement : 
_ du royaume d'Oware , s’enfonçant dans les bois, remon- 
tant les rivières, se frayant un chemin à travérs un 
désert immense peuplé de lions, de panthères , de léo- 
pards, dé hyènes tigrées qui s’entredéchirent, de chakals 
et de serpents géants, les plus redoutés de ces animaux 
féroces. Tout semblait répondre à son avidité de con- 
naître; le succès lui faisait oublier les fatiguès et les 
dangers; il souriait aux victoires qu'il remportait sur : 
une nature toute vierge. Mais, à fatale destinée! ses 
vœux ne devaient point s’accomplir entiérement. Tout 
à coup il est arrêté dans sa marche. Les nègres refusent 
de le suivré plus loin; des difficultés en tous genres 
5e 


\ 


a T 


68: | MÉMOIRES. 


et sans cesse renaissantes les découragent , et pour comble 
de disgrâce, la présence des jos, les remplit tellement 
de frayeur que le fils du Roi et un nègre, voyant que 
Palisot persistait à pénétrer plus avant, se jetèrent dans 
le fleuve voisin et disparurent sur la rive fangeuse, 
s’exposant ainsi à un danger réel, la rencontre d’un 
crocodile ou d’un serpent-géant , pour en éviter un 
imaginaire. Pendant deux jours entiers, il fit de vains 
efforts pour. vaincre la résistance qu’on lui opposait. 
Les menaces, ni les promesses ne peuvent plus décider 
personue à obéir, et après être arrivé à plus de 150 
\myriamèlres ou 300 lieues de la côte, dans des lieux 
où jamais Européen n'avait pénétré avant lui, il voit 
ses projets déçus. Il frémit, il se trouble, et semblable 
au. nocher qui lutte inulilement contre la tempête 
mugissante, il cède à la vague qui le couvre, qui l’en- 
traine. Le désespoir dans l’âme, il porte un long et 
dernier regard sur. ce désert brûlant qu'il comptait 
traverser, s'irrite de son malheur et revient tristement 
sur ses. pas. chercher des hommes mieux disposés : il ne 
put en trouver. Ceux qui ne nourrissent pas de grandes 
pensées, qui sont incapables de grands sacrifices, d'un 
dévouement sans bornes pour le bien public se feront 
difficilement une idée du chagrin dont l’âme est oppressée 
dans une circonstance aussi fâcheuse; il faut l'avoir 
éprouvé soi-même pour en. concevoir toute l’amertime, 
pour en apprécier toute l’étendue, pour en sonder la 
profondeur. Ce contre-tems affecta vivement notre savant 
naturaliste, et pour ne pas succomber au découragement | 
prêt à s'emparer de toutes ses feu Mes il part pour les 
états de Benin. 
1 arriva dans la Capital en. mai. 1787» , et fut pré- | 


4 


MÉMOIRES. 69 


senté au Roi le jour même où l'on célébrait la grande : 
fête annuelle des ignames. ‘Ôn sait que cette plante, 
Je dioscorea sativa de Linné, est pour Îes Beniniens et 
pour tous les Africains des tropiques, ce qu'est pour 
fes nations de l'Europe la graminée qui les nourrit. Le 
bat de Ja cérémonie est de réveiller l'indolence et l’apath'e 
naturelles aux nègres , de les exciter à cultiver la plante 
précieuse; ent conséquence le souverain parait en pablic, 
entouré des grands ou fidors et de ses femmes, il plante 
‘un igname de ses propres mains; le vase qui le con- 
tient'est salué par des danses, par des chants. La racine 
pousse aussitôt, et grâces aux substitutions faites 
‘habilement, l'arbre atteint bientôt une hauteur remar- 
quable , et donne des signes non équivoques de fécondation. 
Plus ces signes sont ‘extraordinaires plus it y a de 
‘certitude que la prochaine récolte sera abondante. Le 
peuple admire cette sorte de miracles, il se livre à fa 
joie et ne-doute pas de la puissance légitime de son 
souverain, qui a commerce avec Île ciel, qui peut vivre 
sans boire ni manger, qui est sujet à mourir, mais 
destiné, au bout d’un certain tems, à reparaître sur 
terre pour y régner de nouveau. 

Autant les Owares ont horreur’ du sang , autant ceux 
du Benin ont de plaisir à le répandre. Jls ne célèbrent 
aucune fête politique ou religieuse, ils ne témoignent 
leur joie ou leur tristesse qu’en immolant auprès de 
leurs fétiches des victimes humaines et des animaux 
mâles. Soit égard pour un sexe faible, destiné unique 
ment à les servir et à satisfaire leurs plaisirs, soit pour 
ne point interrompre les lois de la génération, ils ne 
sacrifient jamais de femmes ni auchne femelle d'animaux. 
A la fête des ignames, on tue trois hommes, dont 


70 Mémoires. 


les têtes restent exposés sur l'autel; la chair des animaux 
immolés en même tems est distribuée au peuple. A la 
fête des cpraux, la seconde | fête nationale de l’année 
où le. Roi se montre hors de son palais, on immole 
15 hommes, 15 boucs, 15 beliers et 15 coqs, et l’on 
plonge dans leur sang les colliers de corail qui doivent 
orner, en plus ou moins grand norgbre, la poitrine du 
Roi, celle des femmes et des grands du pays. 

Les femmes sont jolies, très-bien faites ; leur couleur 
varie depuis le noir luisant jusqu'à !a nuance qui 
approche le plus du cuivré. Elles se couvrent ordinai- 
rement depuis les hanches jusqu'aux genoux de différentes 
étoffes placées les unes sur les autres avec beaucoup 
d'art. Autour du sein, ondulent des tresses de corail, 

d’agates et de verroteries bleues, et dans leurs cheveux 
bouclés, elles placent des lames de corail, des plumes 
de héron blanc, ardea alba, et celles à reflet métallique 
de la queue de l’emberize, communément appelée veuve, 
embsrisa vidua. 

Quoique le ::euple de Benin soit avide, vindicatif et 
d'une superstilion excessive, il est essentiellement hos- 
pitalier. Il ne se fait aucun scrupule de chercher à à dérober 
pendant la nuit ce qu'il a vendu durant le jour. Jamais 
il ne levera la main sur un blanc, mais il l’'empoisonnera 
pour le voler ou pour se venger de lui. Tout étranger, 
mort dans le pays, est privé de la sépulture et son 
| corps; traîné sur les chemins, est jeté au milieu deg 
forêts pour y devenir la proie des bêtes féroces, Sur la 
route d’Agathon à Benin, dans un espace de six my- 
riamètres ou 14 lieues, planté d'arbres très-hauts et 
d'une grosseur extraodinaire, on a élevé des cabanes 
isolées pour servir d'abri aux voyageurs et où ils trouvent 
pour leur usage des fruits et du vin de palme, 


MÉMOIRES. | 71 


Les maisons sont basses : couvertes de feuilles de 
latanier , tenues avec une grande propreté et ‘la plupart 
ombragées de kolas, sterculia acuminata , arbre de 
moyenne grandeur, dont les fruits assez semblables aux 
châtaignes, ;sont mangés par les nègres avec une sorte 
de délice avant leurs repas, non point à cause de leur 
bon goût, puisqu ‘ils laissent dans la bouche une sorte 
d'apreté acide, mais en raison de Ja propriété singulière 
qu'ils ont de faire trouver bon tout ce que Von ! mauge 
après en avoir mâché, et d'imprimer particulièrement 
_à l'eau une saveur des plus agréables. Les rues sont 
_ larges, mais les marchés font reculer un Européen : or 
y êtale de la chair de chien et de zèbre que les naturels 
aiment beaucoup, de hideux maudrilles tout rôtis, dé 
grandes chauve-souris, des rats, des lézards , etc, 

En sorlant de la ville de Benia, on voit le vaste 
palais du Roi, fermé de murailles, orné de jolis appar- 
temens et de longues galeries soutenues par des piliers 
de bois; non loin de là, le puits profond et toujours 
ouvert qui sert de sépulture aux souverains, et dans 
lequel, lorsque le Roi défunt y a été descendu, on voit 
ge lancer volontairement ses serviteurs ; sé favoris, ef 
durant. trois jours y précipiter par force tous ceux que 

, Jes affidés du nouveau Roi rencontrent et peuvent 
attraper. 

Palisot de Eéauvois ne cessent d’admirer les productions 
des contrées qu'il explorait avec un zèle immodéré, de 
rassembler tout ce qui pouvait enrichir la science de 
données nouvelles, de poursuivre ses recherches, tantôt, 
sous l’ombrage impénétrable et bienfaisant du rotang, 
calamus secundiflorus, pour y observer les édifices des 
thermes , et une foule de petils animaux qui y trouvent 


f 


Pa. | MÉMOIRES. 

un cb assuré contre leur$ nombreux euneinis ; tantôt, 
dans lès” savanes où les touffes gigantesques de l'herbe 
de Guinée, , panicum altissimum, ‘présentent à l'œil l'image 
des forêts, c’est là que le nègre allume ces larges torreñs 
de feu, que le Carthaginoïis Hannon apperçut en visitant 
Ja côte d'Afrique. 

Bientôt des chaleurs excessives “embrasent Pair, et 
donnent une nouvelle intensité ‘aux miasmes délétères 
qui s'élèvent des marais; leur fatale influence accablé 
d'infirmités les naturels, elfe frappe de mort une grande 
partie de l’équipage, et ne tarde pas à envelopper notre 
voyageur ‘lui-même. Le scorbut le plonge dans une 
prostration de force complete ; il gagne la fièvre jaune, 
mai grâces à sa robuste constitution , à sa présence 
d. esprit , et à cette force d'âme : qui. ne l’abandonna jamais; 


et semblait au contraire grandir avec les circonstances - 


Jes plus fâcheuses ; il échappe à ‘deux reprises à ce fléau 
qui moissonne avec la plus grande rapidité les Européens 
de tout âge et de toutes soites de tempérament. Trois 


fois, il essuye des maladies graves, auxquelles il: échappe 


par miracle. ‘ ependant le mal augmente, le scorbut 
ne le quitte plus, il mine les dernières ressources. de 
ses’ forces  délabrées, et comme sa sensibilité s’affecte 
. profondément de la perte récente d’un beau-frère et du 
domestique fidèle qui s'étaient attachés à ses destinées, 
le capitaine de la Flûte l'oblige , par ses pressantes' solli- 
citations. à se refugier sur un vaisseau négrier qui 
‘faisait .voile pour Saint-Domingue, aujourd'hui äppelé 


raiti.. Palisot n’a pas la forcé de résister, il réuferme 


* däns plusieur caisses les précieuses récoltes qu'il avait 
fvites sur le continent de l'Afrique, en garde quelques- 
unes ; confie les autres à l'Établissement ffänçais qui 


\ 


MÉMOIRES. 75 
se formait à l'embouchure de a Formose, et se sépare 
(le 22 janvier 1788 ) pour toujours d’un pays qu'il : 
voulait énuquérir à la science, et du vaisseau qui Lu 
amené sur ces plages lointaines. 

Depuis quinze jours il avait quitté cette terre de 
désolation , quand un vent de sud-ouest s'élève impétueux , 
eouvre l’horizon'de nuages épais, agite les flots et pousse 
le vaisseau au fond du golfe de Guinée, et l’oblige à 
jeter l'ancre à l’île du Prince, située en face du pays 
des Calbongas. Cette île, très-précieuse par sa position 
et le parti qu'on pourrait en tirer, est très agréable ; 
l'air : y est pur, l'eau excellente; elle est couverte: d'o 
rangers, de citronniers, de figuiers, d’ignames et dé 
palmiers, dont la quantité est si: considérable qu'elle 
devrait faire donner au piyÿs te nom d'éle aux cocotiers: 
Une végétation aussi brillante, unie à des oïseaux ‘superbes 
et à des fontaines limpides , en fait un lieu de délices. 
Là, Paliéot recouvra en partie la ‘santé, et profita de cet 
heureux éhangement’ pour étudier Île pays et enrichir ses 
collections. Aprés une relâche d’an mois, il fit voité 
sur Saint-Domingue , où:il débarqua, dans la rade du 
Cap-Français; le 21 juin 1788. La traversée dura trois 
mois et denii; elle fut très-funeste aux nègres qni 
faisaient partie du transport, et sur-tout à notre voyageur: 
_‘ Je ne le montrerai point transporté à terre dans l'état 

le plus affligeant , n'offrant au chirurgien qui le recueille 
‘aucun espoir, tt cependant rendu à toute la vigueur 
de sa bonne constitution après deux mois de soins 
genérenx; je fe le suivrai point dans les courses nom 
breuses qu'il fit à pied dans toutes les parties de: cette 
fle, la ptus belle, la plus fertile et la plus riche de. 
toutes les Antilles, colligeant des plantes, des animaux 


LE MÉMOIRES: | 

et jusqu'à des instrumens et des fétiches des Earaihes, 
ss plus anciens habitans.. Admis successivement au 
nombre, des membres de la Société des sciences et des 
arts du Cap-français, de l’Assemblée provinciale du nord 
et de la deuxième Assemblée coloniale, enfin élu censeiller 
au Conseil supérieur du ap, il se fit également distin- 
guer par ses.travaux, par son imtégrité, par.son patriotisme 
comme savant et comme administrateur. Les secousses 
politiques dont la Colonie a été le théâtre du moment 
que..la Révolution française y fut connue, mirent de 
grands obstacles aux. études favorites de Palisot. Obligé 
de. prendre part à la guerre terrible des blancs et des 
aaira, il se prononça contre l’affranchissement de ceux- 
Gil publia même, en »790, un éerit dans lequel, 
tout.en s’élevant contre la traite que repoussent égale- 
meut la raison, la prudence, La justice éternelle el même 
la politique, il improuve sou abolition eomme intempertive. 
_ H en accuse les anglais qui, voyaut avec peine Je haut 
degré de splendeur et de prospérité des Colonies, veulent 
arracher à la France, à l'Espagne et au Portugal les 
moyens de les conserver , s'emparer du monopole genéral 
de leurs denrées et s'établir en maîtres sur les côtes da 
PAfrique comme ils l’ont fait sur les plages de l'Inde, Il 
‘en accuse Wilberforce qui, le premier, en 3188, se 
aopstitua l'appui des noirs; il en acouse ceux qui, 
oubliant les plus chers intérêts. de. la patrie, eousentent 
aux plans des anglais, ses plus cruels. ennemis, et ne 
voyent pas qu'ils. abusent des principes sacréa de la 
pbilanthropie, non pas pour défendre les droits de l’opprimé,, 
mais, pour. détruire. les_revenus de la Françe, Il, consent. 
kien, à ce que la. traite goit prohibées. mais il. vept 
- qu’elle le soit partiellement et. graduellement, em balan-- 


MÉMOrRES. Fo 

gant, en cenciliant les diverses convenances sociales, 
les intérêts des Colons, et eeux de l’Africain lui-même, 
que l'abolition subite exposeraît à des maux incalcalables. 
Plus ‘familiarisé avec les mystères de l’histoire naturelle 
qu'avec ‘les lois d’une haute philosophie , Palisot de 
Beauvois s'est laissé entraîner dâus une erreur grave; 
elle fat platôt un écart de son esprit que celui de son 
cœur ‘essentiellement bon, essentidliement généreux .et 
ami de fa liberté. Il ne caleula point les suites que 
pouvait voir et qu'amena malheureusement la résistance 
des Cojons à une doi de la mère patrie. Une ‘collettion . 
d'individus dont la difection', dont les intérêts, dont les 
passions varient sans cesse, ne peut ni.ne doit jamais 
s'oppbsér” à %a volonté générale, dont la puissance: est 
perpétuelle et régulière, dont Fénergie est incommensü- 
rable.: Lé spectacle hideux: de Pesclavage sur la côte 
occidentüle d'Afrique avait: donné à Palisot de faussas 
idées sut lés nègres. On né peut: pas- jugèr -saimement 
d'un:être ‘abrüti par le plis dur sérvage; ses: facultés 
engonrdies le ravaleht au” rang des -animaux les plus 
stupides dont le sort est moins cruel. Délivrez-le du joug 
qui le dégrade sans .césse y qu’il connaisse la propriété, 
qu'il acquerre :lés droits d'époux'b de père, -qu'il. vive 
en ‘u#imèt pour lui, pour les siens, -et voue le verrez 
porter avec honneur da dignité de l’homme. Maiïsj paree 
que le-nègra est ‘victime du: déspotisme le plus atwotn 
sous la: zone ‘torride de là Nigritie:et du Congo, parce 
qu'un: trafic infime sacrifie une population nombreuse .k 
Yintérêt-d'uné ou deux castes k privilèges, eroit-on être 
en dréït dxiger que.les infortunés, arrachés'aux plages 
qui les-ont ve: maître, S'estiment henreax de: passer: souis 
un autré êiél ponr y culfiver la terre eù eéclaues, pour 


76 MÉMOIRES. 

Y être- condamnés à-servir..les caprices d’un blanc perdu 
dans :la mollesse ? Et paree que l'abandon de la traite 
pourrait généraliser chez iles Afrieains Fhorrible pratique 
d'immoler en holocauste les esclaves et les prisonniers, 
faut-il sur cètte conjecture, les .conduire aux Aatilles 
‘pour .y. subir un autre joug? Calculer ainsi, s'est ou 
trager à-la fois. et la raison. et les septimens. naturels. 
Si Palisot eut eu :le .tems de réfléchir,.il peut. pas 
publié cet écrit; mais A,fht entraîné par. les évènemens 


‘qui se pressaient, par les fonctions publiques.qu'il avait 


spett-être ineonsidérément acceptées .£t par quelques 
æbnisidérations qu’il lui. ll ia ns tout :autre 
de: mépriéer. °° RY re 

4.: Envoyé à Philadelphie s le: 6 icbiée en. , qualité 
de Commissaire. de l’Assémbléé coloniale, pour! implorer 
contre! les Noirs. les secours des États de l'union 4 il rem- 
:plit sa mission, qui n’edt',pas le succès qu'attendaient 
ses cnmettans ,.eb reparut.à St Domingue; le 20 juin 
:2793, pour être -témoin du Lens ‘des:.-blances., . de 
Tincendie de leurs habitations .de Ja: porte -irréparable de 
-ses coHections, de ses manusarits, et du délire. des noirs 
-quise livraient à .des axcès inonis. ::2. : sai 


Arrêté, trainé en prison;;‘f) ad Je. ns ses 


amis, torsqu'une ,mnlâtresser en faveur de : laguglle. il 

‘avait précédemment’ rohpu:les' fer -de. l'esclayage , parle 
:pout:luistdemande-eteblisnt, oomme.upe grâce:spéciale, 
qu'il soit déporté suxiÉtats Unis.;, Ainsi au,;moment où 
he:glaive allait trancher ses. jours. la reeanuajissançe, le 


-soütient -dang- l'infortane . et protège :apn départ ;. qui 


#'effectna. le 49 .juillet :suiuamt. : En tous-téms:, pu.itous 
“heux:les fenimes sont: dos. phis' chers. appuis; laur.:cou- 
rage brave tout pour, nous,.et. lorsque tout espoir nous 


MÉMOIRES. 2 
échappe : elles trouvent encore dans teur Âme bienfaisante 
de nouvelles ressources pour nous attacher à la vie, 

‘De retour à-Philadelphie, le 4 août 1793, n'ayant’. 
pour’ tout bien que quelques effets et cinq gourdes ( où 
25 francs) dans sa poche, Palisot de Beauvois- voulut 
faire voile sur la France; mais,. d coup de foudre! les : 
portés de la patrie ne peuvent s'ouvrir pour lui ; son 
nom est inscrit sur la liste des émigrés, tous sés biens 
sont sous le séquestre ; en vain il. s'adresse à sa famille 
et aux agens auxquels il remit eù partant ses intérêts 
financiers, tout le monde l’abandoune. Trop fier pour 
accepter les secours que la République américaine offrait 
au malheur: trop juste, trop religieux envers l'amitié 
pour tomber à la charge dé ceux qui l'avaient connus 
dans l’aisance, il supporte l'infortune ‘avec ce ‘noble . 
courage qui ne laisse pas appercevoir_les privations et . 
se crée des ressources en tirant parti de sés talens. On : 
le vit donner le jour des leçons de :lanigue latine et de 
langue française, et le soir, rendu au théâtre, se mêler, : 
pour un modique salaire, parmi les artistes de la. masi- : 
que , tantôt embouchant le cor, tantôt jouant du basson, 
instraumens qu’il maniait dans la plus rare perfection: 
Les instans de loisir que ce genre d’occupations lui 
Jaïssait parfois, il les employait à faire des petits her- . 
biers et des tableaux d'insectes. Pendant deux années, 
il pourvat de Îa sorte à ses besoins; ses moyens 
pécuniaires s’accrarent du momient qu'il se vit chargé : 
de disposer, de soigner et d'enrichir le Musée de M. Péal, 
amateur distingué des productions de la nature. Bientôt. 
il se trouva ‘en état de donner suite à ses doctes recher-. 
chés, et de fairé à âes frais, un voyage dans li intérieur 
des États-Unis. | | 


LE 
1 


Là 


#. 


7m. MÉMOIRES 

. À cette époque, M. Adet, Chimiste distingné , déban 
quait à Philadelphie avec le titre de Ministre de France. 
A peiné instruit de l’entreprise de Palisot , il. vourt chez 


lui, l’encourage et veut y associer la patrie, en lui offrant, 
en on nom, les moyens d'éteudre ses recherches. Les . 


homnkes qui cultivent Les sciences s'entendent aisément; 
au premier abord, une bienveillance réciproque les unit, 
et, pour être amis , ils n’ont pas besoin des épreuves 
du tems. 


il- parcoutt à pied les États de l'union y du mord au 
sud, depuis l'embouchure de la rrvière d'Hudson, jusqu'à 


Sävannah, où l'hiver est regardé comme : la saison. la . 
plus agréable de l’année , et de l’est'à l’ouest ; depuis Les - 
bords de la mer jusqu’à l’Obio, derrière cette double 


chaine de montagnes que l'en suppose être une conti- 


nyation des Andès, et que l’on appelle les monts Ape- 
laches, Alléghanys et. Montagnes bleues. Des richesses. 
_ de tous les genres lui présentent à chaque pas un vaste : 
champ d'observations ; æs yeux lui suflsent à peine. Ici | 
des animaut partieners au sol, des minéraux de toutes 
les sarles et des plantes d’une végétation extraordinaire; 


à, des cascades gigantesques , des cours d'eau dont le 
volunie étaune l'imagination , des ponts naturels, des 
précipices et des ravines, où sont entassés des débris 
fossiles d'animaux marins et des coquillages de toute 
espèse j par-tout des traces non équivoques des vieilles 
révolätions que le globe a subies, des ruines antiques 
superpodées sut des débris plus anciens , et cachées elles- 
mêmes sons dés ruiñes d’un âge plus récent, qui ne 
tarderont pis: à servir de, It aux menumens - ls nier 
et de l’art que nous admirons. 


Arsr ps met en route, #, silent trois Te : 


| Mémorrers. _'  #à 

Près de Philadelphie et de Wilmington, entré Port- 
Growe et Reading ( État de Pensylvanie }, il recontut 
sur le bord des eaux courantes et même dans l’édu, uné 
plante nouvelle appartenant au’genre heterandra , de Ruiz 
et Pavon; il la nommée heterandra reniformis, et s’est 
assuré que les bestiaux la recherchent et la mangent 
avec sensualité. Cette plante est rampante, munie de 
feuilles en cœur et très-voisine du pontadera. ie 

Dans l’État de New-Yorck, il remarqua le doùbles 
. dent , pus americanus, espèce de lapin à oreilles coartes, 
qui ne se creuse point de terrier, et vit indistinctemerit 
dans les plaines et dans les bois. Sa chair est blanche 
comme celle du lapin, généralement assez tendre, mais 
peu savoureuse. La femelle met bas deux petits ‘à chaque 
portée ; la première a lieu en janvier, la seconde en 
juin ou juillet. Cette espèce, que des naturalistes réu- 
nissent au pika tapeti du Brésil, en est bien distincte; 
par l'examen de la tête des lapins’ et des lièvres, les 
différences ostéologiques , qui existent principalement dans 
l'élévation et l'épaisseur de l'apophyse : orbitaire, fa place 
du double-dent d'Amérique, est intermédiaire entre les 
deux espèces. 

Dané le comté de New-Kent, en Virginie, où it & 
découvert beaucoup de débris de cétacées et de poissons 
il s’est assuré que lé renard gris dé la Virginie, canis 
virginianus, comme Pappéle Linné, et canis cCinereo-argen- 
tens de gmeliri, n’est pas ane variété da renard d'Europe, 
quoiqu'il ait avec lui des ressemblances de taille et de 
forme, maïs Bien. utie ‘espêce très-distincte, Il vit. daus 
fe treux des arbres et quelquéfois dans des térriers. 

Aux environs de Salisbury, dans fa Caroline du tord, 
non foin de fa rivière Catavi bag * il éxamine fe premier 


8a Mémoires. 


et décrit avec exactitude une agrégation régulière et 
symétrique de roches basaltiques, ou du moins qui en 
offrent toutes les apparences. Les Indigènes lui donnent 
le nom de mur naturel (natural wall ); il est placé 
dans un monticule de quartz et de sable, au pied 
duquel un ruisseau promène ses ondes paisibles. Sa 
longueur est de cent mètres, et son élévation hors de 
terre, où il s'enfonce, est de quatre mètres. Toutes 
ses parties sont réunies par une espèce de ciment, qui 
donne, aux roches quadrangulaires dont il est formé , 
Y'aspect réel d'une muraille, Ce monument des âges, 
perdus dans la nuit des tems, est d'autant plus extraor- 
dinaire qu’il est isolé, et qu’on ne trouve aucune sorte 
de basalte, aucun vestige de volcan dans toute l'Amérique 
septentrionale. 

Les marécages voisins de la ville de Wilmington , , 
même état, lui ont facilité les moyens de faire quelques 
tation curieuses sur l’extrême irritabilité de l’altrape- 
mouche, dionæa muscipula,; dont les feuilles radicales 
un peu charnues, bordées de longs cils épineux, se 
contractent, se plient, se serrent de manière à servir 
de tombeau à l'insecte imprudent venu dans son sein, 
pour y recueillir la liqueur sucrée qu'elle distille. Cette 
plante abonde tellement auprès de Wilmington qu'elle 
y parait exclusive, et si l’on en rencontre parfois dans 
les endroits bourbeux et inondés de la Géorgie, de la 
Caroline du sud et de la Virginie, elle y est toujours 
fare et comme importée. L'irritabilité de la dionée devenant 
nulle ; lorsque la fructification est entièrement terminée, 
notre voyageur en conclut qu’elle. est due à une force 
interne qui n ’est point connue, et qui se lie étroitement 
au mouvément de la sève et à l'entretien de la vie végétale. 
Le Auprès 


MÉMOIRES 81 


- Aüptès de Charleston, dans la Caroline du sud, il a 
reconnu, sur les bords de la Santé, des os et des dents 
de l'éléphant que l’on ne trouve plus qu'aux Indes 
orientales; ils gisaient au-dessus d’un banc de coquillages 
fossiles, parmi lesquels se rencontrent des huîtres très- 
épaisses, circulaires et de 18 à 21 centimètres de diamètre. 
Ils avaient été mis à découvert par le débordement 
extraordinaire du mois de janvier 1796, qui éleva tout 
à coup les eaux de la rivière à dix fnètres au-dessus de 
leur niveau accoutumé. 

Sur les hauteurs bien boisées du district de Pendleton, 
(même état) et au milieu des hydraugées, des palmistes,, 
des tulipiers, des pavies et de bignones toujours vertes, 
la recueilli deux.espèces nouvelles de lobélies, le Zobelis 
dppendiculata aux fleurs d'un :bleu pâle, et le lobelia 
tenuis qui est fort joli; le solenandria cordifolia, très- 
belle bruyère. aux petites fleurs d’un blanc pur, qui se 
plaît sur Les points les plus élevés; le pleurogonis, 
arbrisseau à racine odorante et à drupe pyriforme dont 
l'amaude fournit une huile bonne à manger, et le 
trichospermum qu’on a, depuis les rectifications d’Ortega 
et de Canavilles, rendu au genre parthénie dont Palisot 
l'avait détaché d’après des caractères faussement attribués 
au parthenium hysterophorum. | 

Dans les lieux inondés des deux Carolines , , il a 
déceuvert, sous les troncs d'arbres abattus, une nouvelle 
espèce de sirène qu’il nomme operculée'; mais, depuis 
qu’elle a été trouvée également dans les lacs du Mexique, 
et rapprochée de la grande salamandre des monts 
Alléghanys, il parait certain que cet animal intermédiaire 
n'est que l'axvlotl ou larve d’une grosse espèce de 
salamandre. | L ; 

Tom. IV.®° 2° Liv, 6 


82 MÉMOIRES. 


Parvenu dans les marais salins du Kentucky, à très- 
peu de profondeur en terre, sur l’une et- l’autre rive 
de l'Ohio, il a ramassé plusieurs grosses dents molaires 
très-bien conservées , et deux mâchoires inférieures de ce 
éolossé animal, que l’on nomme vulgairement mammouth, 
et que les naturalistes appellent avec M. Cuvier le 
grand mastodoute ou mastodon giganteum. En examinant 
ces dernières, il s’est assuré qu'elles n'ont pas été 
exactement décrites. En effet, au lieu de 4 et même 6 
. dents molaires de chaque côté de la mâchoire, eomine 


on Île suppose, la mâchoire inférieure n’en porte que 


deux de chaque côté, savoir: la plus intérieure à & 
pointes mousses, et la plus extérieure à six seulement. 
Élle est privée d’incisives, mais une observation impor- 
* tante, échappée jusqu’à lui à tous'les voyageurs, c'est 
que, vers l'extrémité antériéure des branches des os 
maxillaires, se trouve de chaque côté, à quelque distance 
des motaires, une cavité très-petite et peu profonde qui 
parait avoir été occupée par unè très-petite dent canines 
Ce fait.achève de détruire l'opinion de Pennant, quai 
regardait le mammouth comme un éléphant, plus grand 
que ceux connus de nos jours. Une autre remarque non 
inoivs étonnante, c’est que parmi les mächoires ramassées 
jusqu'ici, il ne s’en est pas encore trouvé une seule 
supérieure. Cet animal, habitant des terrains mous et 
marécageux, portait des défenses courbes, pointues et 
longues de 32 décimètres, et se nourrissait à peu près 
éommelhippopotame et le sanglier, de racines et autres 
parties charnues des végétaux. 

Traversant ensuite le comté de Green-Brier , situé à 
l’ouest de là Virginie, Palisot de Beauvois vouiut visiter 
les grandes cavernes nitreuses, et réunir à sa belle: cdi 


| 


- 


MÉMOIRES. 93. 
lection de fossiles, des ossemens de l'animal trois fois 
plus gros que les plus forts lions de l'Afrique, que, 
quelque temps auparavant, l’illustre Jefferson y avait 
découverts , auquel il avait donné le nom de megalonyx ; 
et qu’il estimait avoir été i’ennemi du mammouth, comme 
le lion l’est de l'éléphant. Il réussit à découvrir un petit 
os du poignet et une dent à racine non branchue, 
terminée par une couronne creusée à la manière des 
incisives du cheval. Cette dent qu’il soupçonue être une 
melaire , est déprimée sur les deux faces; elle prouve que 
Je mégalonyx n'appartient pas aux animaux carnassiers, 
et qu’il se rapproche beaucoup, comme lestiime M.° 
Cuvier, du genre paresseux ou bradipus, qu'il était 
herbivore , et voisin du megatberium, dont les griffes assez 
semblables à celles des lions, des panthères, étaient 
 enveloppées dans une gaîne osseuse et très-saillante. 

Toutes ces observations annoncent le soin que notre 
voyageur mettait à bien voir; mais les plus capitales 
sont celles qui ont rapport aux serpens. Elles ont jeté 
un grand jour sur leurs mœurs, l'espèce de nourriture 
qui leur est propre, et sur la place qu'ils doivent occuper 
dans nos classifications. L'Amérique du nord en présente 
un très-grand nombre; c’est sur-tout dans le New- Jersey 
qu’abonde le boïquira ou serpent à sonnettes ( crotalus 
horridus ); c’est là que Palisot prit à la main, en février 
1797, les trois individys que nous avons vu vivans at 
Muséum d'histoire naturelle de Paris. Ce reptile, si 
redoutable, s’engourdit, se pelotonne et demeure sans 
mouvement pendant l'hiver ; aux approches du printems, 
il s’étend au soleil, fait resonner les grelots de sa queue 
et remplit l'air de ses sifflemens prolonygés. Il rampe 
très-lentement ; jamais il n’attaque les animaux dont 

G* 


64 MÉMOIRES. 


il ne se repaît pas. habituellement ; son caractère est 
doux et pacifique; on ne le voit se servir de sa force 
que pour se défendre et pourvoir à ses besoins. Sa 
morsure n’est mortelle que pendant les grandes chaleurs. 
Le boiquira recherche les lieux voisins dés eaux de 
source, et lorsque les fortes gelées arrivent, il se réfugie 
de préférence sous les gazons arrondis et très-épais de 
la sphaigne des marais (sphagnum palustre) espèce de 
mousse, dont les tiges portent de 28 à 32 centimètres 
d’élévation, et où le froid pénètre très-difficilement. Au 
moindre danger, la femelle du boïquira recèle‘ dans "sa 
bouche ses petits, dont le nombre varie d’un à cinq, 
ce qui l'avait fait accuser de les dévorer. Ce dernier fait 
est d'autant plus étonnant qu’il paraît en opposition 
avec les principes de la physiologie animale, sur ‘la 
respiration , et avec les mœurs des serpens qui tous aban- 
donnent leur progéniture au moment même de la naïssance. 
Cependant on ne peut en douter jusqu’à ce que des 
observations nouvelles viennent détruire celle d’un savant 
qui le premier a parfaitement parlé des boïiquiras, qui 
Jes a distingués et reconnus être, comme les vipères, 
.ovovivipares. 

Outre ces détails curieux, Palisot a fait distinguer, aux 
naturalistes de l’un et de l’autre hémisphère, une nouvelle 
_ espèce de serpent à sonnettes, jusqu'alors confondue 

avec le hoïquira, le crotale à losanges (crotalus rhombeus), 
qui se nourrit de lapins, d'écuréuils, de rats, de petits 
oiseaux ; sa tête est courte, son corps d’un gris jau- 
nâtre en dessus, avec deux raies en zig-zag, d’un brun 
rougeâtre, le long da dos, formant par leurs angles 
une suite de losanges: sa morsure est très-dangereuse 


en juillet, août et septembre. 


MÉMOIRES. 85 


I avait proposé de séparer da genre des couleuvres 
le nez- plat qui à la tête triangulaire et la mâchoire 
supérieure armée de deux dents plus longues que les 
autres, et auquel il avait imposé le nom de heterbdon 
platirhinos; mais les naturalistes n’ont par cra devoir 
regarder ces caractères comme assez importans pour 
créer un nouveau genre. Cette couleuvre est appelée 
cannelée ; elle se trouve auprès de Philadelphie et dans 
les deux Carolines. 

En examivant les serpens, il a. été naturellement 
amené à s'occuper de ce qu’on appele la fascination. 
Cette sorte de phénomène lui paraît due, non seulement 
À l'impression de frayeur dont tout animal est saisi à 
l'aspect imprévu d’un hideux reptile, et que son immo- 
bilité, la constante fixité de ses veux, ses sifflemens et 
sa gueule béante, rendent encore plus cruelle, ‘plus 
profonde; maïs il faut aussi l’attribuer à l’odeur forte 
et nauséabonde qui s'échappe du corps du reptile. Cette 
atmosphère plus ou moins ammoniaco-putride, est connue 
des nègres; et leur facilite les moyens d'éviter le danger. 
Elle l’est sans doute aussi des oiseaux, des lapins et 
autres victimes des serpens: mais une fois épouvantés 
par la vue de leur ennemi, asphyxiés pour ainsi dire 
par l'atmosphère pénétrante qu’il répand, ils ne peuvent 
plus fuir, ils finissent par + Phrocaer et par devenir 
victimes d’un malheur attaché à leur existence, 

Par-tout dans les différens états de l'Amérique septen- 
trionale, Palisot de Beauvois reçut l’accueil le plus cordial, 
L'Académie de Philadelphie voulut le compter parmi ses 
membres ; tous les savans recherchaient son amitié, 
mettaient à profit ses connaissances étendues dans les 
deux règnes organisés de Îa nature; ils prenaient 


+ 


85 | TÉMOIRES. 


plaisir à l’écouter, à suivre ses observations, à adopter 
_ses opinions. Dans ‘es lieux écartés des bords de la mer, 
où Îles hôtelleries ne se rencontrent plus, des colonels, 
des officiers de tout grade de la milire natiouale, tous 
avant servi g'orieusement dans la guerre de l'indépen- 
dance lui ouvraient leurs habitations, lui accordaient 
l'hospitalité la plus franche et l’aidaient dans ses utiles 
recherches. Par-tout il était fêté, par-tout son inquiète - 
euriosité interrogeait, sollicitait la nature dont il voulait 
démiéier les lois éternelles, dont il travaillait sans cesse 
à soulever le voile: rien n’échapyait à ses investigations 
hardies. Ses courses, ses travaux furent souvent accom- 
gnés de fatigues et de dangers, waïis il en fut amplement 
dédommagé par les nombreux et intéressans sujets 
d'observations qu'il rencontrait à chaque pas. 

Après avoir visité les nations civilisées, il descendit 
chez les peuplades encore sauvages qui habitent les 
rives de l’Alalaua, du Tombechy, de l’Oconnée et de 
FOakumgée, à l’est du Missisipi. El denieura plusieurs 
mois de suite chez les Creeks et les Tcherlokys où 
Cherokees; 1l véeut avec eux dans l'intimité; aussi ses” 
tablettes sont-elles chargées de notes intéressantes qu'il 
est bon de recueillir. | 
. Ces nations sont rangées sous le gouvernement d’un 
chef suprême, élu entre les vieillards les plus distingués 
par leur expérience, leur sagesse et les services rendus; 
son . autorité est nulle sans le concours des autres . 
vieillards qui régissent les familles et ont sous leurs 
ordres, comme chefs militaires, des jeunes gens braves 
et qui ont fait preuve de talens. Tous les crimes sont 
punis par la peine du talion. Le maïs est leur principale 
nourriture; ils en font du pain qu'ils ont l'art de varier : 


MÉMOIRES. 87 


en y mélant des haricots ou du giraumont, des pistaches 
de terre, des patates dauces ou des châtaignes. Ils font 
aussi, avec les grains du maïs, une boisson aiïgre et très- 
désagréable. Les moyens qu'ils emploient pour la culture 
et l'usage de cette plante précieuse offrent des détails 
curieux, puisqu'ils se rattachent aux mœurs. 

à l’époque des semailles .et des récoltes, tontes les 
femmes d'un canton se réunissent chez le chef qui les 
æonduit successivement sur les différens terrains que 
chaque famille a choisis. et préparés, et dont l'étendue 
est toujours proportionnée: an nombre de personnes qui 
la’ composent. Indépendamment des terrains, ainsi cul- 
tivés en oommun, il est libre à chaque famille d’avoir 
d'autres champs ou jardins particuliers, mais ils ne sont 
point placés sous la sauve-garde publique. Les terres 
en commun ne sont jamais pillées; les autres le sont 
au contraire, présque toujours. ” 

Les travaux de culture sont non seulement’ tous À 
la charge des femmes, elles sont encore obligées chaque 
jour d’écraser à plusieurs reprises et pendant des heures 
entières, la quantité de mais. nécessaire à Ja consomma- 
tion de la famille. Cette opération .se fait dans un 
mortier de bois. à l'aide d'un bâton terminé par une 
espèce de masse. La farine se passe dans des paniers 
qu servent de tamis ,. et lorsque le pain est cuit, celles 
qui j'ont préparé n’ont pas même la galisfaction de le 
manger en compagnie des hommes qu’elles sont obligées 
de servir, Pendant qu'elles s’exténuent de la sorte, Îles 
hommes sont toute la journée nonchalamment couchés 
sur une patte ou sur une peau de cerf ou d'ours, 
occupés à dormir, à fumer du tabac mêlé avec des 
feuilles de sumac-lentisque ( rAus copallimum ), légè- 


68 MÉMOIRES. 
rement grillées, ou bien à souffler dans une ffüte, pendant 
des heures entières, un air de Hniipenente de ces 
‘six notes : : | 


‘ 
: 
“7 « +. : 
+ CA , ° _. 2 # + LES . $ A 
< 4 


Durant l'hiver, ils font la chasse et lorsqu'ils reviennent 
‘chargé sde butin, ils 'le jettent sans mot dire aux pieds 
‘des ferarhes qui doivent dépécer les animaux, cüire les 
viandes, extraire les graisses, sur-tout celle d'ours, et 
étendre les peaux pour les faire sécher. | 

Les Crecks et les Cherokees font usage de ‘la racine 
de spirée à feuilles ternées ( spèræa trifoliata'), contre 
toutes les maladies; ce remède est: violent, il est en 
mérie temps vomitif et purgatif, se prend après un bain 
de rivière et une forte décoction de verge d'or à odeur 
de fenouil ( solidago odoræ ), queltés que soient les 
. époques ou la violence du mal: Contre la mersure des 
serpens. ou autres bêtes vénimeuses, ainsi que contre 
l’hydrophobie , d’ailleurs assez ‘rare, ils ont recours à 
© J'écorce du tuligier, à la racine très-laiteuse de. la 
prénaute blanche, ‘et aux feuilles de toutes les euphorbes. 

Là, comme par-tout ailleurs, "la coquetterie est un 
besoin pour les femmes ; elles portent un nombre indé- 
terminé de petites agrafes en argent avec lesquelles elles 
relévent leur chemise de mille mañières, et entrelacent 
dans 5és plis de longues tresses de leurs cheveux noirs. 
‘Elles garnissent le bord extérieur de leurs oreilles de 7 à 9 
petite anneaux ; quelquefois, mais plus rarement .que 
des homnies, elles'en mettent aux narines et aux lèvres; 
enfin, elles masquent lenr figure assez régulière avee 
du. vermillon et du noir. C’est:par ces. agrémens em 


{ 


MÉMOIRES. 89 


prantés qu’elles cherchent à plaire, et lorsqu'elles sont 
malheureuses en amour, ou victimes d’une faiblesse, 
‘elles se délivrent de la vie en mangeant des racines. de 
spirée-barbe de bouc, (spiræa aruneus). 

De retour à Philadelphie, Palisot de Beauvois mettait 
ordre à ses nombreuses collections de plantes, d'insectes, 
d'animaux , de fossiles ; il se disposait à traverser le 
pays des Miamis et des Illinois, pour entrer dans le ter- 
-ntoire du Missouri et, de là, pénétrer chez les tribus 
guerrières dés Osages et des Arkansas, quand il apprit 
sa radiation. de la liste. des émigrés et reçut de France 
‘des passe ports pour ÿ rentrer. La voix dé la patrie fut 

sacrée pour son cœur essentiellement français; dans &a 
joie, il oublie ses projets ‘et Je.17 juillet 1798, il 
_s'embarque, laissant en Amérique des souvenirs honorables 
de sa: présence. La traversée dura 35 jours, enfin, après 
plus de-douse:ans d’une abéence volontaire, il entre,à 
Bordeaux . ét. salue par ses. larmes Je sol auguste .de . la 
-patrie, après lequel il soupira, si long-temps.  — 

Hélas! de nouveaux chagrins,. plus cuisans. que ceux 
qu'il avait éprouvés: jusqu'alors, l'y attendajent. Sa 
fortune dilapidée par des agens infidèles, par . les 
.évènemens politiques, par :les emprunts qu'il avait faits 
“en pays étrangers, le jeta dans un dédale d'affaires qui 
troablèrent son repos. et lui ôtèrent tout espoir de. con- 
solation. Un malheur plus grand encore fut la nécessité 
-où il crut se trouver de provoquer la dissolution de son 
mariage, et les arrangemens de famille, qui naissent d’une 
telle démarche,. le contraiguirent à vendre la partie de 
ses biens qui avait jusques là échappé, comme par miracle, 
aux mains, des déprédateurs. Il se réfugia ensuite dans 
Jes bras de l'étude, qui les rendit bientôt à la paix, et 


:g9 “MÉMOIRES. 
‘k son caractère. Le bonbeur qu'il avait su. se créer an 
«sein imême de l’isolement, s’'accrat plus tard par une 
seconde union, dans la :compagnie ae femme non 
moins aimable que vertueuse. ns N 
Quand ÿ revint en France, Palisot trouva que la 
"botanique avait fait de grandes acquisitions, qu'elle s’était 
enrichie de flores nouvelles, de monographies intéressantes, 
“d'ouvrages nombreux; les plantes placées sur les limites 
‘du règne végétel et animal qui fixèrent ses premières - 
| études, avaient attiré l'attention des botanistes; les uns 
‘profifaient de ses découvertes sans lui en rendre hommage, 
‘les autres adoptaient Fopinion: d'Hedwid, ou  suivaient 
‘kes erreurs de Médicus, de Manheim, qui estime les 
‘champignons être le résultat. d’une décomposition de la 
moëlle et du swc des plantes, changés de nature au 
‘#noyen d’une certaine quantité d'eau et de chaleur, en 
"d’autres termes, uné simple cristallisation végétale. D’un 
‘autre côté, Gœrtner avait imaginé son systême-eomplet 
de carpologie, à l’aide daquel les plahtes sont rangées 
d’après leurs fruits; Link et Reichel, Rudolph, Sprengel, 
Bilderdyek, s’occupaient de ta physiologie qui naît qu 
développement des organes de leurs fonctions respectives; 
da Petit-Thouars publiait de nouvelles théories sur les 
‘bourgeons, Richard sommettait les fraits à ane analyse 
rigoureuse. Palisot ne pouvait ni ne: devait demeerer 
étranger à cette marche triomphale de la science, il 
‘reprit ses travaux sur les ‘cryptogames, et comme pour 
‘se’ délasser de cette étüde microscopique, il entreprit 
de ‘publier sous Îe titre de flore d'Owware et-sous celui 
‘d'insectes recueillis en Afrique et en Amérique, les 
‘plantes et les insectes qu’if avait observés à Oware, à 
Benin, à Haïti et dans les Etats de:PUnion.- - - - : 


MÉMOIRES. gt 

Quoique je. sois loin d'appronyer ces ouvrages, où 
par un luxe de gravure et de typographie, l'an porte 
atteinte à la science à cause du prix excessif qu’on est: 
obligé d'y mettre et du peu de profit que les professeurs 
et les. adeptes..en tirent, je dois donner des éloges à la 
fore d’Oware et de Benin. Elle contient une deseription 
et une ‘figure exactes de tous les genres nouveaux et de 
touies des. espèces nouvelles recueillies sur les plages 
. Africaines, unies à des réflexions et discussions impor 
tantes relatives à l’organisation particulière, anx usages 
que l'on fait'de la plante et aux moyens: à suivte. pour. 
Facclimater en Europe, surtout:dans notre patrie, quand 
_ elle peut être: utile à l’homme ou bien aux animaux associés 
à ses cultures. Sous le rapport dé la science, cet.ouvragé 
fournit, par les découvertes qu'il renferme , des données 
nouvelles pour compléter les familles établies ; pour imposer 
aux genufes .des .caractères:ceztains , des daractères fixes 
et pour remplir les lacunes existantes dans les affinités. 

Les insectes ,'qui font une auite nécessaire de la flore, 
ne méritent pas moins d'intérêt «par les détails qu’ils. 
fournissent aux entomologistes sur.les mœurs, les habi- 
tudes et les organes de ces pétits ahimaux , sur l'utilité ou 
la malfaisance des uns; sur la beauté, la vivacité et la 
variété de couleurs dont la nature a paré toutes les parties 
des autres, et sur. les étonnantes, les singulières méta- 
morphoses que tous’ subissent. dans le court espace qui 
s'écoule de leur naïssance à leur mort. 

C'est ici le moment de rappeler une méthode de clas- 
sification pour les insectes que Palisot soumit, en 1789; 
à la Sociétés des sciences et arts du Cap-français. Quoi- 
qu’elle n'ait pas obtenu l'assentiment de: la’ généralité 
des naturalistes, je la crois bonne, simple et très-naturelle, 


+ 


TN 


x MÉMOIRES. | 
du moins pour les caractères généraux des ordres qui 


. tendent-à rapprocher les änalogues de leurs types. Les 


entomologistes ont adopté ke genre aträctosère qu'il a 
proposé ; en 1B8or, d'établir: dans l’ordre des, aoléaptères. 
Ce genre est voisin des lymexylons, distinct: des. nycé- 
dales:'et se ‘rapproche beavcoup des staphylins : 

‘Le souvenir de ses#neiens. travaux, présentés à PAca- 
‘éémie des sciences de Paris-et à celle de Philadelphie, 


la connaissance positive de ses recherches. lointaines, 
‘érouvées par ses envois fréquens au Muséum. d’histoire 


taturelle et les observations en tous.gehres, insérées 
“dans sa, correspondance avec plusieurs. membres de -l’Ins- 
#tuüt,. lui avaient valu. pendant son: absence’, et dès 
Fannée. 1#95, le titre d’âssocié corresporidant. à ee corps 
#lustre. Aussi dès son retour.et après le -nétablissement 
‘de ses affaires particulières, Palisot.s’empressa-t-il d'assister 
äux séances, d'y bre des mémoires .et de montrer à ses. 
nouveaux collégues kes richesses. nembreuses qu'il avait 
rapportées. Cette collection “embrassait les trois. règnes 
de: la nature, sur-tout le règne is qui -& toujours. 
mérité sa prédilection. . | 
Ses observations sur les animaux lui- susrchrent l’idée- 
d’une distribution méthodique des quadrupèdes ;'il en divise 
Jes masses , d’après la, forme des: doigts et des. ongles, en 
digités ; en ungulés et en palmipèdes, et il en range les. 
‘individus par des caractère particuliers, puisés dans le- 
nombre et la forme des dents, la forme des ongles , ete. 
H exposa le plan de cette méihode dans: un-icours de 
zoologie qu'il ouvrit, en be ARR ce lnseres 
# Paris. Mar à Chen 
‘ Mais ‘plus me esent entrainé vers l'étude. des 
végétaux , il revint aux plantes qué Linné, a,:pour 


_. 


MÉMOIRES. 93 
æinsi dire, condamnées à former la dernière classe de 
son charmant système sexuel. Déjà , dès le mois d'avril 
1803, il avait entretenu l'Institut de la nécessité de 
‘changer le mot cryptogarnie en celui d'æthéogamie , comme : 
plus convenable et applicable à toutes les familles et à 
tous ‘les genres; et de diviser les æthéogamres en sept 
grandes farnilles ; savoir: les’algues, les champignons, 
les lichens, les hépatiques, les mousses, les. lycopades 
et les fougères. Dans ce travail long et difficile, fruit 
dé 30 années d’études et d'observations, on trouve là 
confirmation , ‘et des essais-nouveaux à l'appui du plan 
général que Palisot s'était fait; en. 1780, d'examiner. les 
cryptogames sous le rapport de leur organisation par 
familles naturelles et sôus-celui. de leurs : caractères 
‘apparens ‘et extérieurs, pour les äistribuer en genres 
‘constans et invartables. | ; : 

. Comme Ray, Morandi et Adanson, notre auteur ice: 
des algues en tête, comme Île terme de l'échelle végétale, 
ou si l’on veut, en sens inverse, le premier degré de 
a végétation, le point-où, si l’on pent s'exprimer ainsi, 
la matière tend à s'organiser. En effet, les algues sont 
‘aux autres végétaux, ce que Îles polypes amorphes de 
M. de Lamarck, sont aux autres animaux; elles sort 
dépourvues de racines proprement dites, de tige, de 
‘feuilles , de fibres ou tubes et de trachées qui composent 
en grande partie l’organisation des plantes phanéroga- 
mes. Réaumur, mon savant correspondant M. Stackhouse 
et Roth; Dillen, Muller, Dillevin, Draparnand, Girod- 
Chantrans et Vaucher, ont remarqué, les trois premiers 
dans le plus grand nombre des fucus, et les autres dans 
‘les conferves, des parties distinctes de la substance et 
qu'ils regardent comme’étañt leurs organes réproducteurs. 


GA MÉMOIRES: 

Palisot étudie les algues sous un autre point de vue; 
ü s'occupe de l’organisation intérieure de toutes les 
parties, et particulièrement de la contexture de leur 
substance; et, marchant toujours du simple au composé, 
il divise cette famille eu trois sections bien distinctes, 
les ikodées, qui. naïssent toujours ou au bord, -ou. au 
fond des eaux stagnantes sur la vase, et dont toutes les 
parties sont enveloppées par une matière molle, muqueu- 
8e; les érichomates, dont la substance, toute filamenteuse, 
herbacée, commence à prendre la forme arborescente 
que la nature ne doit plus abandonner, et les scutoides, 
à substance membraneuse et coriace, dont les organes 
xeprodacteurs sont presque toujours contenus dans des 
tubercules extérieurs, plus ou moins apparens.. 

Les champignons occupent la seconde. place et sont 
analogues aux polypes à rayons. Il est bon de se rap- 
peler ici que. Palisot de Beaavois a° le premier. en 
France préparé les progrès qu'on a faits dans cette 
partie de la botanique, et que ses recherches sont 
antérieures en publication à celles de Paulet et de 
‘Bulliard. E distingue les champignons parasites de ceux 
qui ne le sont pas; il compare à certain animaux inver- 
tébrés les premiers qu'il a remarqué tant sur la plumule 
‘des. plantes annuelles, que sur les jeunes pousses des 
‘plantes pérennes et sur les bourgeons des arbres, sous 
forme de petits grains, tantôt jaunes, tantôt bruns, et 
 tellenient fixés que l'immersion et l'agitation dans l’eau 
-nme peuvent les détacher. Les Champignons parasites ne 
” s'iutroduisent point par les racines avec les sucs nourriciers 
des végétaux sur lesquels ils vivent ; ils ne circulent 
. point dans l’intérieur: des vaisseaux à l'instar des vers 
inteslins, ainsi que le pense un botaniste célèbre ( M. 


MéMorres. 99. 


| de Candolle ), mais ils s’attachent. à l’épiderme qu'ils. 
traversent pour se loger dessous, ou bien, comme la 
roestelie, tombés sur les jeunes bourgeons, ils se fixent 
aux jeunes feuilles, et sont ainsi portés au haut de ces: 
végétaux. qui s'élèvent, en entraînant avec eux leurs. 
ennemis. Les champiguons non parasites, qui se déve- 
loppent d’une manière à peu près uniforme, mais plus 
ou moins sensible, ne sont, dans l’origine que des 
filamens très-minces et très-déliés, vulgairement appelés 
_ blancde champignon , qui, en prenant de l’accroissement , 
deviennent racines, poussent des tiges, portent des fleurs. 
et des fruits; ils se perpétuent par des graines dont le 
nombre, la situation, l'insertion, la dimensda, la forme. 
la couleur, aic., varient ainsi que dans tous Jes autres 
végétaux. Ces graines. que Gœrtner regarde comme des 
espèces de gemmes, transportées par les vents, s’attachent 
à différens corps au moyen du gluten dont leur surface 
est impréguée, et,.si des circonstances favorables secon- 
dent leur développement, de vastes surfaces sont bientôt 
couvertes de champignons. Des corps où la. graine se 
fixe, Palisot en déduit trois classes, savoir: 1° les 
champignons qui croissent sur la terre, et parmi les 
débris de végétaux, sans s’y fixer immédiatement; 2,° les 
champignons -faux-parasites, dent le nombre est très= 
petits, et que l’on trouve sur ‘des arbres encore vivans, 
3.° et les champigness qui naissent sur des boïs morta 
et sut des feuilles tombées, Ces derniers sont de deux 
sortes, les annuels et les vivaces. les uns sont mous 
"eu fugaces , secs mais fugaces., solides et durent long 
tems; les autres, en: très-pelit sombre , fournissent cette. 
sobstance d'un. usage si commun que lon nomme amadoue. 
.… Les. lichexis, dont les scutelles sont organisées intéris 


96 MÉMOIRES | 
_urement comme les pézizes, tiennent le troisième rang 
dans l’æthéogamie ; le quatrième est occupé par les 
hépatiques chez lesquels on commence À trouver les: 
indices d'une fructification mieax prononcée et plus 
analogue à celle des autres végétaux que nous nommons 
parfaits. Palisot leur reconnait, avec Linné, pour organes 
fécondans les urnes portées sur un pédicule que Hedwig. 
et ses partisans déclarent être les organes femelles. 
‘ La cinquième classe comprend les monsses Elles 
offrent de vraies racines, une tige, des feuilles , et des. 
organes particuliers et distincts, qui paraissent être: 
ceux à l’aide desqnels elles se régénèrent, La fleur, 
essentiellement la même dans tous les genres et dans 
toutés les espèces, ne diffère extérieurement que par 
Fe nombre et la forme des organes accessoires aux organes 
immédiats” de la génération. Micheli et Linné ont 
considéré l’urrme comme la partie mâle, et les rosettes 
éomme la partie femelle; Tournefort et Hedwig pensent 
que l’urne est au contraire une fleur femelle, et regar- 
dent les rosettes comme l'organe ‘mâle. Palisot, dont les 
travaux ont démontré qu'il s’est occupé des mousses 
d'une: manière toute particulière, à qui des analyses , 
suivies d'expériences nombreuses, ont donné le droit de 
faire autorité dans une matière pareille , assure que les 
deux organes se trouvent réunis dans les mousses. Ce 
qui confirme cette opinion, c'est que l’urne existe dans 
tous les individus de cette famille intéressante, tandis 
än’il est plusieurs genres auxquels on, n’a pas encore 
découvert de rosettes. La division méthodique des mous- 
ses est la plus exacte et la plus naturelle qui ait été 
proposée jusqu'ici. Bridel lui a fait de larges emprunts 
sans en nommer l’auteur. Palisot, en rendant compte 
du 


MÉMOIRES _ 97 


du Species muscorum a été plus juste, plus homme de 
_ bien, puisqu'il le proclame digne sous tous les rapports 
de l'élève de l’ami du célèbre Hedwig : » l'exactitude 
» des descriptions, dit-il, l'attention que M. Bridela 
» eue de décrire jusqu’aux plus petites parties qui peu- : 
» vent servir à distinguer des espèces très-voisines, et 
» qu'il serait aisé de prendre pour des variétés, rendent 
» cette nouvelle production précieuse pour les botanistes. » 

Les lycopodes, perdus jusqu'ici comme genre, tantôt 
parmi les mousses, tantôt parmi les fougères, prennent 
dans l’æthéogamie le pénultième rang, et deviennent 
intermédiaires entre les cinq et septième familles natu- 
relles des plantes à noces insolites. Les lycopodes 
croissent de la même manière que les mousses, dont 
ils ont à quelques égards le port et le facies, mais ils 
s’en éloiguent par la forme tout-à-fait différente des . 
fleurs ; ils ont plus de rapports à cet égard avec les fou- 
gères, mais ils s’en éloignent par la manièré de croître 
et par l'anneau élastique qui accompagne toujours la . 
fructification. Cette famille contient sept genres bien 
distincts, quant à la disposition des fleurs mâles. 

Les fougères forment lé septième et dernier échelon 
_des familles æthéogames. Comme toutes les plantes de 
cette classe, elles sont munies de sexes et ne se régénèrent 
point par des gemmes ou des propagules, ainsi que l’ont 
démontré MM. Lindsay, de Mirbel et Thouin. 

Le prodome d'æthéogamie est le travail le plus 
important qui ait été entrepris sur une classe nombreuse 
de -plantes difficiles à étudier, très-peu connues, et avec 
lesquels la plupart des botanistes les plus célèbres ne 
sont pas eux-mêmes très-familiers; c’est donc un service 
rendu à la science, et en même temps le plus beau titre 
Zom. IV 3.°° Liv, | 7 


98 : : MÉMOIRES. 

de gloire de Palisot. La table qui l'accompagne, et dans 
Jaquelle il décrit les espèces nouvelles, indique le nom 
que chaque auteur a donné à tel ou tel genre, et à telle 
ou telle espèce, offre la synonymie la plus complète, et 
an modèle à imiter pour arracher enfin la botanique 
à ce dédale de noms qui font le désespoir des maitres, 
et dégoütent l’élève de l'étude la plus aimable. Fe 


En 1806; Palisot de Beauvois publia quelques notions 


générales eur la famille des palmiers, dont le port 
imposant et majestueux, dont les formes agréables et 
les fruite délicienx les placeraient seuls au nombre des 
premiers bienfaits accordés à l’homme par la nature, si 
d’autres qualités non moins précieuses ne les rendaient 


essentiellement utiles aux usages et à la vie des peuples 


qui habitent les climats chauds. Ce mémoire n’est que 
l’'ébauche d’une monographie détaillée, dont Fourcroy 


l'avait engagé à s'occuper, et pour laquelle il se livra 


à des recherches Jongues et pénibles, mais qui sont 
loin d’être. complètes. Il a sollicité tous les savans pour 
qu'ils lui fournissent les moyens de fixer irrévocablement 
_ la place que les palmiers doivent occuper dans un 
système artificiel, et de faire cesser la grande confusion, 
le vague, l'incertitude qui règnent dans les caractères 
donnés jusqu'ici aux genres et aux espèces. : 

Au mois d'août de la même année, se trouvant alors 
à Douai, il eut l’occasion de remarquer une production: 


peu commune de la famille des champignons, apparte- 


gant au genre merulius ; il rapporte à ce sujet une 
anecdote fort piquante, nouvelle preuve de l’égarement 
des esprits qu’enchaînent la superstition et une dévotion 


irréfléchie. Peu de temps après, le 17 novembre 1806, 


ÿ fut appelé à l’Institut comme membre résident. En 


MÉMOIRES, 99 
s'asseyant dans le fauteuil académique, que tant d’autres 
regardent comme le siège d’un éternel repos, il sentit toute 
Vobligation que lui imposait un ti aussi honorable, 
et on le vit doubler encore de zèle. 


Toujours ‘et pour ainsi dire uniquement occupé à 
déterminer positivement si les mousses et les lycopodes se 
régénèrent comme les autres végétaux staminifères, et 
quelle est la nature des organes que l’on croit être ceux de 
Ja fructification de ces sortes de plantes, Palisot à offert, 
en 1811, sur ce problème important une solution qui 
ne doit plus laisser prise aux préjugés, aux préventions 
et à l'esprit de système. H répondit à toutes les objeo- 
tions qui lui avaieut été faites dans l'intérêt réel de la 
science, et démontra avec évidence, 1.° que, sous tous 
les rapports, la poussière des mousses et des lyÿcopodes, 
quant à la nature de ses substances, et quant à ses 
formes, réunit tous les caractères que les botanistes ont 
reconnus dans le pollen; 2.° que l’autre organe est en 
tout semblable à un fruit parfait composé d’un péricarpe 
et de semences, dans lesquels on reconnait les deux 
enveloppes qui les caractérissents 3.° enfin qu'outre 
ces deux organes qui sont les analogues des deux sexes, 
les mousses et les ‘Iycopodes sont munis d’un troisième 
organe, semblable à celui que l'on observe sur la dentaire, 
Ja bistorte, le lis, quelques graminées et certaines espèces 
du genre allism. 


Dans la même année, il a donné connaissance à 
YInstitut de ses recherches sur la physiologie végétale, 
Elles embrassent plusieurs questions du plus haut intérêt, 
Celles relatives à la marche de la sève el à la forma- 
tion du bois lui ont fourni les moyens de combattre 


+ 
/ 


100 MÉMOIRES. 
avantageusement l'opinion des savans qui supposent 
émaner de l’aubier ancien l’humeur glaireuse ou came 


bium , que l’on vcŸtranssuder horizontalement du tronc, 


et qu’on dit contribuer à la formation du liber. Il s’est 
assuré qu’en enlevant une portion d'écorce à un arbre, 
qu’en en frottant bien la plaie, de manière à n'y laisser 
ni liber ni cambium, jamais l'aubier ni le bois ne 
reproduisaient rien, mais que les bords de la solution 
de continuité faite à l'écorce, s’étendaient , recouvraient 
le bois resté à nu, et produisait alors du liber et de 
Y'aubier incontestablement émanés de l'écorce. Cette 
expérience, opposée à l'opinion de M. de Mirbel, qui 
veut que ke liber se transforme en hois, et à celle de 
M. Kinght, qui considère le cambium comme formant 


une couche, origine première du bois et de l'écorce, 


prouve la communication générale de toutes les parties 
du végétal, et comment elles peuvent se suppléer mutuel- 
lement dans leurs fonctions. 

Passant ensuite à l’examen de la moëlle des végétaux, 
suiet perpétuel de controverse entre les physiologistes, 


il établit en principe qu'elle exerce, pendant l'existence . 


des plantes, des fonctions, sinon d’une nécessité abso- 
+ lue pour leur cônservation, du moins très-importantes 
pour leurs progrès et le développement de leurs branches, 
de leurs feuilles, et surtout des organes reproducteurs. 
Ce qui le démontre d’une manière irrésistible, c’est la 
forme de létui médüllaire qui est en rapport toujours 
uniforme avec l’arrangement et la disposition des branches, 
ou des feuilles sur ces mêmes branches. En effet, dans 
les plantes à rameaux et à feuilles verticillées, comme 
le sapin et les autrés arbres congénères, l'aire de la coupe 
horizontale de l’étui médullaire montre autant d’angles 


à 


MÉMOIRES. ot 


qu’il y. a de rameaux à chaque étage et à chaque ver- 
ticille; dans les plantes où les feuilles sont opposées 
deux à deux, comme dans le frêne, l'aire de l’étui est 
oblongue ; dans celles où les feuilles naissent trois à 
trois à la même hauteur autour de la tige, comme 
dans. le lauxier rose, la. verveine odorante, eéc., l'aire 
est triangulaire; dans celles où. les feuilles sont alternes 
et en hélice, de façon qu’il faut cinq feuilles. pour faire 
le tour complet de la tige, comme dans le chêne, l'aire 
est pentagone; enfin, lorsque les feuilles sont en 
spirale, le nombre des. angles de l'étui médullaire est 
égal à celui des feuilles dont se composent les spirales. 
Grew avait observé des. formes très-variées dans l’étui 
médullaire, sur-tout dans celui des racines pivotantes 
des plantes potagères; mais il n'a point saisi. les rapports 
de ces formes avec les dispositions des rameaux et des 
feuilles. De son côté, Bonnet s'était attaché à distinguer 
les végétaux à feuilles opposées, verticillées, alternes, en 
spirales, mais il n’a point fait le rapprochement de ces 
. dispositions avec la forme de l'étui médullaire. La dé- 
couverte appartient donc toute entière à Palisot de 
Beauvois; elle montre le soin qu’il mettait à ses expériences, 
et l’étude approfondie qu'il avait faite de la nature. 

_ En jetant les yeux sur les graminées, qui sont tout 
à la fois la base de l’aisance pour le propriétaire, et 
J’'élément de la vraie richesse pour les états, il voit avec 
peine la confusion , je dirai même le désordre dans lequel 
se trouve leur famille botanique; il consulte les nom- 
breux ouvrages publiés sur cette matière depuis les plus 
anciens jusques aux plus modernes; ik assure que plusieurs 
auteurs ont donné lieu à quelques beureux changemens, 
mais qu'ils n’ont pas contribué dans la même proportion 


10% MÉMOfRES. 


à étendre les limites de la scienee, sous Île rapport de 
Ja partie dogmatique ; il conçoit alors l’idée d'établir un 
corps de doctrines, il y travaille pendant plusieurs années, 
et en 1812 il le livre à l'impression, Son but est de 
donner à la phylosophie botanique une méthode nouvelle , 
fondée sur l’étude approfondie des organes de la fructi- 
fication, sur des caractères constans déduits de l’organi- 
sation de chacuue des parties de ces mêmes organes. Ses 
bases tiennent principalement à la séparation ou à la 
réunion des sexes, à la composition de la fleur, et au 


riombre de ses enveloppés. Îl divise les. graminées en 


_ 


213 genres, dont 195, parfaitement distincts, ont été: 
étudiés sur la nature même. On y compte 62 genres 
nouveaux ; les autres sont ou peu connus, ou douteux, 
ou bien avaient été mal caractérisés par leurs auteuts. 
L'ordre àdopté tient à la fois à celui de Linné et à celui 
de Jussien. Comme Palisot s'y était attendu, son essai 
sür l’agrostographie a rencontré des critiques, les unes 
portent sur l’admission et l'adoption de quelques termes; 
d'autres sur la’ multiplicité des genres ; très-peu ou 
plutôt aucune ne s’est élevée sur la théorie ni sur la 
méthode, si l’on excepte la nouvelle distribution pro- 
posée par Robert Brown dans ses savantes remarques 
sur la botanique des terres-austraies. Yen a profité pour 
chauger, pour réduire ses genres, pour compléter et 
perfeclionner de plus en plus une méthode qu’on doit 
regarder comme très-heureuse, simple ; naturelle et facile 
pour létude des plantes qui intéressent le plus l'humanité. 

En 1813, le phénomène si connu de la chute des 
féuilles en automne, lui offiit un sujet nouveau de médi- 
tation. La chute des feuilles a lieu de deux manières 
sûr certains arbres ; il eu est qui se dépouillent par le 


/ 


MÉMOIRES. 103. 


haut de leur’cime, d’autres par le bas. D’où provient 
cette différence ? Palisot nous l’apprend; les espèces où 
la pousse automnale consiste en de simples prolonga- 
tions des. extrémités des rameaux , se dépouillent d’abord 
par le bas ,. tandis que celles dont la pousse se fait 
par des. petits rameaux latéraux, commencent à se 
dépouiller par le haut; en d’autres termes, les feuilles 


venues les dernières ‘sont aussi les dernières à tomber. 


Mais se demandera-t-on avec Duhamel, comment 5e 
fait-il que le froid et les. gelées. respectent davantage 
des feuilles tendres , toutes nouvelles, tandis que d’autres 
plus anciennes ne peuvent leur résister ? C’est que, dans 
ce cas, comme dans celui qui, malgré la douceur de 
la température, voit tomber les feuilles de nos chênes 
transportés au Cap de Bonne-Espérance , la saison des 
frimas n’est pas la cause essentielle de la mort des feuile 
les ; leur chute est un résultat nécessaire et co-ordonné 
à la marche de toute la végétation; soit que la cause 
provienne du développement des bourgeons, ou de 


Le 


l'endurcissement de lécorce, soit par la formation du 


bois ou l’altération intérieur lentement préparée par la 
nature, la feuille rougit ( comme dans le sumac, la 
vigne ), bruüit ( comme dans le noyer ), bleuit (comme 
dans le chèvre-feuille ) ou jaunit ( comme dans l’orme;, 
le chêne , le peuplier ), le pétiole se détache , et le tissu 
se dissout. 

- Un botaniste allemand, M." Schkuhr, ayant , en 1814, 


le premier observé dans le genre des laïches ou carex qu'il 


existait des espèces à deux et trois stygmales, et que 
le nombre de ces organes était constamment le même 
que celui des angles da fruit, cette découverte fixa 
l'attention de Palisot et fut pour lui l’objet d'un travail 


‘104 MÉMOIRES. 

nouveau autant que difficile. Il étendit l'observation à 
toute la famille des cypéracées. Le nombre des'stygmates 
Jui fournit aussitôt des caractères génériques , au moyen 
‘desquels il se promettait de débrouiller facilement cer- . 
tains genres de eette famille qui sont très-nombreux en 
espèces et ont fait jusqu'ici le désespoir des classifica- 
teurs. Il fut à ce sujet quelques observations ingénieuses 
. à l'Institut ; le temps ne lui a pas permis de les co-or- 
donner et de les terminer. 

De nouvelles idées ne pouvaient fe détourner de ses 
premières affections, elles ajoutaient au contraire à 
Vactivité de son esprit, à son infatigable patience, et 
doublaient le prix des conquêtes qu'il faisait chaque 
année sur le domaine mystérieux de la nature. D'ailleurs 
les difficultés qu'il éprouvait relativement à soù système 
de la fructification des mousses, l’excitaient à ne rien 
‘négliger pour ramener, par des faits, les agamistes dans 
le cercle étroit de Ja vérité où il avait su pénétrer 
par sa ténacite et l'excellence de ses observations. Il 
communiqua, le 27 juin 1814, à l’Institut des réflexions 
ultérieures sur les organes sexuels des mousses, desquelles 
il résulte les faits suivans qui confirment pleinement 
ceux qu'il avait observés trente-quatre ans auparavant, 

SAVOIR : 

1.” Les urnes sont incontestablement des fleurs ber- 
NApRroIes - | 

2.° La poussière verte que les urnes contiennent 
le pollen ; 

3.° Dans une extrême jeunesse, le pollen n’est qu’une 
masse compacte, informe, semblable à de la cire ou 
de la pâte molle, à l'instar du pollen renfermé dans 
les antbères des autres végétaux; 


MÉMOIRES. 105 


4° Dans Îles mousses, comme dans les autres plantes, 
cette pâte prend successivement de la consistance; elle 
se divise petit à petit et finit par se convertir en poussière; 

5° Les grains qui la constituent sont verts, anguleux, 
anis les uns aux autres par de petits filamens très-courts 
et formés chacun de deux et le plus ordinairement de 
trois loges transparentes, remplies d’une humeur com- 
parable à l'aura seminalis du pollen ordinaire ; 

6° La véritable semence est contenue dans un petit 
corps central que les botanistes appelent la columelle 
de l’urne; | 

7. Cette columelle, qui varie de forme d’an genre à 
l'autre, est constamment à peu de chose près la même 
dans les espèces du mème genre; elle s’ouvre pour laisser 
échapper les semences qu’on observe dans son intérieur; 

8° Dans plusieurs mousses il se trouve un troisième 
organe, assez semblable par sa forme et sa contexture, 
au petit corps central de l’urne, qui, comme lui, 
renferme des petits grains opaques et est percé à son 
sommet pour faciliter leur sortie ; 

9. Enfin que ce dernier organe paraît n'être en 
maturité et ne s'ouvrir que lorsque la poussière s’é- 
chappe de l’urne. 

Ces faits que Palisot m’a rendus palpables, qu'il a 
exposés avec précision et avec calme, détruisent entiè- 
rement le système d'Hedwig qu'il a combattu dès 1780; 
ils ne sont pas opposés aux idées de Dillen et de Linné, 
et ils prouvent que tôt ou tard la nature sait révéler 
ses secrets à ceux qui l'interrogent sans PÉSIEREORS : 
sans esprit de parti. | 

Une victoire aussi belle fut an triomphe signalé pour 
le savant botaniste, mais, semblable à ces généraux 


206 MÉMOIRES. 
austères des-anciennes. républiques qui, pour faire oublier 
Ja grande autorité qu'ils avaient exercée pendant les. 
dangers, venaient déposer leurs. lauriers sur l'autel de 
la patrie, Palisot voulut la. consacrer par un. bienfait 
envers les hommes. Il en trouva l’idée dans. la. famille 
des æthéogames, l’aînée de ses favorites. 
Dans la vue de prévenir, sur-toùût à la. campagne ; 
Jes accidens qui chaque année, se renouvellent d’une 
manière si fâcheuse par l’usage inconsidéré des cham- 
pignons , il rédigea, en 1815, sous le titre de Manuel 
& l'usage des amateurs de champignons, une instruction 
familière propre à éclairer les citoyens de toutes les classes: 
et à la portée de tous. Cet opuscule demeuré inédit ; 
contient quelques observations nouvelles qui n’échappe- 
ront pas aux botanistes; mais ce qui n’est pas moins 
important, il est écrit avec simplicité, clair dans les. 
. descriptions qu’il offre des champignons bons à manger, 
donne des conseils sages pour les cas d'imprudence et 
d’entètement, car il ne faut pas se le dissimuler, les 
meilleurs champignons causent des accidens très-graves 
Jorsqu’on en mange trop ou même lorsque, sans en 
avoir fait excès, l'estomac est hors d’état de les digérer, 
Le plus prudent serait de n’en manger d'ancune sorte; 
mais comment vaincre l'espèce de dépravation qui fait 
hasarder sa vie pour satisfaire à la sensualité d’un moment? 
On trouve très-communément dans les lieux maréeageux 
des herbes extrémement petites, flottantes à la surface 
de l’onde et destinées à en retarder la putréfaction et 
à absorber l'air malfaisant ; elles sont appelées lenticules 
et par les bolauistes Zemna. Jusqu'en 18:15, le genre 
de ces plantes était mal connu; Micheli, Ehrbardt et 
Wolf n’avaient fait qu’en effleurer l'histoire, Palisot d4 


MÉMOIRE=Ss. For 


Beauvois en à le premier recueilli les graines mûres, 
il les à faites germer, en a suivi très-attentivement les 
diverses périodes de végétation, et a reconnu que la fleur 
est hermaphrodite, à enveloppe d’une seule pièce, à 
deux étamines qui se développent successivement , à 
style unique, à ovaire supère devenant une capsule 
uniloculair@, se déchirant circulairement à sa base, et 
contenant de une à quatre semences striées. La fructi- 
ficalion est située dans le point de réunion des feuilles, 
Ea lentille bossue , (lemna gibba), est l'espèce qui lui a 
servi à faire ses observations. | 

Sans cesse occupé à résoudre les questions les plus 
ardues, à tenter des recherches délicates, je l’ai vu pro- 
fiter de l’humidité extraordinaire et des pluies si désas= 
treuses de 1816, pour se livrer à l'étude approfondie 
des plantes parasites. L'année fatale en avait tant déve 
loppé, qu'il s’en est trouvé dans le nombre plusieurs 
échappées jusqu'alors aux botanistes les plus beureux 
dans ces sortes d'investigation. Il fit counaître une variété 
de sclerotium qui diminua de près des deux tiers la 
récolte des haricots non ramés, sur lesquels elle s'était 
propagée ; une nouvelle espèce de sphæria qui a détruit 
prodigieusement d’ognons ; une nouvelle espèce d’uredo, 
qui leur a été plus pernicieuse encore, et un nouveau 
genre de plantes microscopiques qui croît sur une autre 
parasite, l’orobanche qui fait tant de tort au chanvre : 
c'est une espèce de tubercule qui se fixe au-dessus de 
4 racine de l’orobanche, et nuit considérablement au 
végétal condamné à leur servir de pâture. Ce tubercule 
présente des caractères qui le rapprochent beaucoup des 
truffes et des sclérotium ; cependant il s’en éloigne par 
des différences très-notables. 


LD 


108 MÉMOIRES. 


, Ces découvertes lui avaient fait naître l'idée d'envisager 
l'existence des plantes parasites et des insectes, sous Île 
point de vue de leurs rapports avec les autres plantes, 
et d’en déduire quelques observations neuves pour la 
pathologie végétale, sur laquelle on a. que des rensei- 
gnemens vagues, malgré les travaux de Duhamel, de 
Plevek , Philippe RÉ, etc. Déjà il avait rassemblé plus de 
six mille objets tant exotiques qu'indigènes,. sur, ces 
diverses productions qu’il nommait pAytopolites. Un mé- 
moire rédigé depuis long-temps et accompagné d’un grand. 
nombre de figures qu'il m'avait lu, mais que je n'ai. 
point retrouvé dans ses. papiers, contenait. des choses 


entièrement nouvelles et dont on ne se formait pas même 
l'idée. ’ | | 

. Etranger aux jouissances de la vie qu’une sobriété. 
philosophique et raisonnée lui. rendait inutiles, que la 
simplicité de ses mœurs ne lui permettait d'envier à 
personne, Palisot de Beauvois. ne se plaisait que dans 
son cabinet , où la nature était sans cesse interrogée , les 
affections de famille sans cesse écoutées, et la bonne amitié 
toujours accueille. Là, l'étude soulagée sa tête toujours 
active et consolait son cœur des Jongs désastres de la 
_ patrie; il se levait de très-grand matin, travaillait tout 
le jour, souvent aux heures des repas, et même assez 
avant dans la nuit. À la ville, à la campagne, dans 
les salles du Muséum d'histoire naturelle, sous les 
bosquets verdoyans du jardin des plantes, partout il 
se livrait à des observations ; ce n’était qu’au spectacle, 
où il allait rarement, qu’on pouvait l’entretenir de ses 
affaires personnelles. Il assistait religieusersent aux séances 
de l'Institut, de la Société centrale d'agriculture , de. 
Ja Société philomatique, et presque toujours il.y venait 
chargé de pee nouveaux. | 


{4 


 Mémorres. To 


Üne vie aussi pleine, un travail aussi assidu, devait 
nécessairement user les ressorts secrets de” l'existence 
et porter atteinte à sa constitution vigoureuse. Il le 
reconnut à ce besoin qui le dévorait de presser ses 
recherches si'délicates, si fatigantes, de laisser en héri- 
tage aux savans ses découvertes et son exemple, et 
de consigner sur le papier ces lumières si difficilement 
acquises et qui s’éteignent avec le souffle de la vie, 
Son préssentiment ne fut que trop justifié. Dans les 
premiers jours de janvier 1820, il fut atteint d’une 
fluxion de poitrine. Il dissimula ses souffrances pour 
prévenir les inquiétudes d’une épouse chérie, pour ne 
point tourmenter ses amis, pour imposer à son courage 
une dernière épreuve ; mais il fallut succomber, et le 
21, âgé de 67 ans et demi, il paya sa dette à la nature, 
il s’endormit du sommeil du juste. Le lendemain ses 
restes inanimés furent déposés par ses collègues, ses 
amis, ses élèves au cimetière de l’est. Au nom de l’Ins- 
titut, M. de Jussien, qui fut son plus constant ami, 
son correspondant, le dépositaire de ses collections en 
son absence , le témoin de ses travaux avant ses voya- 
ges et depuis son retour, a jeté des fleurs sur la tombe 
qui pour jamais, le séparaït de nous , et rappellé à tous 
ceux qui le connaissaient , les titres qu il s’est F AequIs . 
limmortalité. 

Palisot de Beauvois portait sur sa figure, dans tout 
l'ensemble de son être les belles qualités de son Ame, 
Né bon, le malheur développa davantage encore les 
nobles qualités de son cœur. Personne n’a _été plus 
ferme dans ses affections, plus aimable, plus gai, plus 
spirituel dans sés épanchemens, et lorsqu'il pouvait 
obliger, c’est alors que son amitié révélait les plus beaux 


10 ‘MÉMOIRES. 

élans d'une âme généreuse. Dans le monde, c'était Île 
meilleur des hommes; dans son intérieur , la profondeur 
de ses études ne l’empéchait pas d'être le plus tendre 
des époux, de trouver le temps d'initier dans le secret 
des sciences les petits fils de son maître, de son ami 
Lestiboudois, de donner des conseils aux jeunes gens qui, 
par goût et par sentiment, se livraient aux recherches 
utiles. En tout temps, en tous lieux, son commerce 
fut sûr et agréable, ses manières nobles sans orgueil, 
polies sans bassesse et sa naiveté d’une franchise peu 
commune. Les disgraces de ses amis l’affectaient plus 
vivement que les siennes propres; c’est alors qu'il était 
singulièrement irritable à l’injure, qu’il aurait tout bravé 
pour venger, pour sauver ceux dont son cœur avait 
fait choix. Passé cette circonstance , une semblable suscep- 
tibilité ne. l’atteignait que légèrement, dans aucun cas 
elle n’avait le pouvoir d’aigrir son caractère. Tolérant, 
mais sans indulgence pour le vice, passionné pour la 
gloire, quoique sans ambition, l’amour des sciences 
élevait sans cesse sa pensée, exaltait san courage et le 
reudait infatigable. Quand il s'agissait de la botanique, 
nen ne lui coùtait ; fallait-il s'assurer d’un fait délicat? 
jl s’y livrait tout entier, il cherchait la vérité pour 
glle-même et m'était jamais troublé par la penste des 
applaudissemens ou des critiques. Fallait-il combattre 
une erreur? il le faisait de bonne foi, avec une cops- 
tance remarquable, il employait tour à tour la force 
du raisonnement, l’arme si puissante de l'expérience et 
même celle du ridicule qui n’est pas toujours innocente. 
Mais s'agissait-il des intérêts de sa patrie, son âme 
grandissait avec celte cause sublime, cette cause des 
cœurs vertueux. Pen d'hommes ont poussé ce senti 


MÉéMoines | TITI 


ment aussi loin; s’il n’a point versé son sang peur 
son pays, il lui a sacrifié sa fortune, sa santé, ses 
jouissances les plus chères ; il a bravé l’intempérie des 
climats pour exploiter le domaine des sciences. Au seul 
nom de Îa patrie, je l'ai vu verser des larmes à l'idée 
de voir ses destinées tombées en des mains avides de 
sang et de désordres. La pensée de nos calamités pro< 
fondes le plongeait dans une tristesse que sa physionomie 
trahissait souvent ; le poids de cette affection douloureuse 
a causé ça fin prématurée. 

Palisot était doué d’une très-bonne vue et d’une adresse 
vraiment remarquable, aussi en faisant usage du mi 
eroscope avait-il tous les moyens de se garantir des 
silusions de cet instrument et de s'assurer de l'exactitude 
de ses deseriptions. Il dessinait avec soin et sa mémoire 
prodigieuse lui fournissait tous les termes de a ns) 
dont il pouvait avoir besoin. 

Les belles-lettres étaient le sen! délassement qu'il se 
procurât. La lecture de nos meilleurs écrivains et le 
culte des Muses fesaient ses délices. Son. goût exquis 
embrassait tout ce qui est aimable, s’attachait à tout 
ce qui est beau. Il ne possédait pas seulement le grec 
et le latin, l’anglais et l'espagnol, mais il était familier 
avec la littérature de ces diverses’ langues. Il a laissé 
des plaidoyers qui auraient pu lui faire un nom au 
barreau. Il a fait plusieurs pièces de théâtre; une 
entr'autres, sous le titre du Raïlleur, qui ne serait pas 
indigne de la représentation; c'est une comédie à carac- 
tère, en cinq actes et en vers, où son sujet est traité 
d’une manière large et avec une parfaite entente des 
passions et du jeu de la scène. Son éloge de Fourcroy 
est écrit d’abondance et l'expression d’une âme sensible; 


& L 


ï12 MÉMOIRES. 


en faisant celui de Rollin, il a, me disaïit-it, payé une 
dette du cœur: tous ceux qui jouissent des lumières de 


: Pinstruction doivent un tribut à celui qui employa sa 


Ÿ 


vie entière à poser des bases solides à la meilleure 
éducation de la jeunesse. | 
On trouve de lui quelques articles de lotnique et 
de physiologie végétale dans le nouveau Dictionnaire 
d'histoire naturelle, dans le Journal de botanique , dans 
la Revue encyclopédique, etc. Parmi ses manuscrits 
achevés, j'ai remarqué celui de son voyage sur la côte 
occidentale de l'Afrique, plusieurs mémoires curieux, qui 
devraient être rendus publics. C’est un devoir que son 
épouse a à remplir et qu’elle die sans aucun 
doute avec empressement. ui | 
Un botaniste estimable, M. de Mirbel, avait établi, 
sous le nom de bebisia, un genre de plantes ayant le 
port des pteris et celui des polypodes; mais les différentes 
espèces qui le composaient étant rentrées dans les genres . 
lomaria et asplenium, déjà existans, M. Desvaux, qui 
fut aussi l'ami de notre savant académicien, a proposé 
de donner le nom de Palisot de Beauvois à la plante 
que l’infatigable voyageur avait recueillie à Oware, et, 
en opposition avec les lois prescrites par Linné, consa- 
crée à ce colasse politique qui, du sommet de la gloire, 
fut précipité dans une île perdue au milieu. du . vaste 


‘ Océan, pour avoir renversé Îles autels de la patrie, et 


foulé aux. pieds les droits imprescriptibles de l’homme. 
La belvisia cœærulea est. remarquable par la beauté, et 


la singularité de ses fleurs bleues: c’est un ordre nouveau, 


et intermédiaire entre les passiflores et les cucurbitacées, 


Pons ren 


NOTES. 


MÉMoïRes. 119 
AAA EEE Ut VVVUVEVULANT BAR VE 
NOTES. : 

(r) Ce joli recueil a été offert par Palisot de Beauvois 
à M. de Jussieu comme un souvenir de 30 années d’üne 
amitié toujours égale, et comme un gage de reconnaissance. 

(2) Palisot m'a donné le cahier qu'il avait déposé à 
V'Académie des sciences, en 1786. Il eët revêta, ne 
varietur , de la signature de Condorcet. 

(3) Mémoire sur l’organisation des champignons et 
re mousses, lu à l’Académie des sciences le 8 février 
1783. — Mémoire sar. les semences des champignons, 
lu le 7 de juillet 1784. L'Académie ordonnä l’impres- 
sion de tous deux dans les mémoires des savans étrangers. 
; (4) Ce mémoire obtint l'approbation de l’Académie 
qui arrêta le 18 février 1786, sur le rapport de Fougeroux 
de Bondaroy et de A. E. de Jussieu, qu Le serait pose 
dans le recueil des savans étrangers. 

(5) L'arbre dont on retire cette liqueur vineuse est le 
palmier-raphia.Voy.la flore d’Oware etde Benin, t.®°1, p.77à 

(6) Ce nom est celui que les nègres donnent aux blancs. 

(7) Hordes de bandits qui vivent dans l’intérieur ‘de 
‘la Guinée, et sont constamment es pour faire 
des prisonniers. 

® (8) Tout cè que je rapporte d'Oware'et de Benin est 
extrait des manuscrits de Palisot. 

(d) En octobre 1814, il renouvella les mêmes idées 
dans sa réfütation d’un écrit intitulé: Résumé du témoi- 
ênage.….. touchant La traite des nègres, in-8.° Patis, 1814. 

(10) Tom:IV. pag. 173 et suiv. des transactions of 
the Américäan philosophical society of Philadelphia. 

(11) Mémoire inédit lu à l’Institut le 16 plaviôse an 
VHI, ou 5 février 1800. 


‘174 MÉMOIRES. 

* (12) Mémi inédit lu à l'Institut à la même époque: 
"2 ‘le Bulletin de la société PROAERES de so j 
n. 43, fructidor an VIII. 

(13) Imprimé dans les mémoires de PInstiut (Académie 
des sciences ) tom. de 1818, pag. 109 et suiv., et descrip- 
tion des Etats-Unis , par Warden, tom. 1, pag. 80 à 80. 

(14) Notes inédites recueillies dans le jee de ses 
voyages en Amérique. ‘ 

(15) Mémoire inédit lu à l'Institut le G frimaire an 
VIN, ( 27 novembre 1790. } 

(16) Zd.-lu le 16 frimaire an VII, (6 décembre - Fe 

- (17) Elle est décrite dans le jardin de la Malmaison 
Fe Ventenat, pag. 6q._ 

* (18) Mémoire inédit lu à l’Institut le 26 no: an 
VII, ( 4 février 1799. ) : 

(19) Voyez tom. IV, p. 277 à 279; des ‘actes de 
l'Académie de Philadelphie. 

: (20) Mém. inédit lu à l’Institut le 6 frimaire an VIIT, 
( 27 novembre 1799 ); cité par M. Cuvier, animaux 
fossiles, tom. ‘2, art. Mastodoute. | 

(21) Mém. inséré dans les actes de l'Académie de 
Philadelphie, tom. IV, pag. 362 à 385. | 

(22) Voy. le même vol. pag. 377. 
* (23) Mém. sur les serpens, lu à l’Institut le 12 décembre 
1798 , inséré dans ’histoire naturelle des reptiles, tom. 3, 
pag. 63 à 52, publiée par Sonnini et Latreille, pour faire 
suite au Buffonin-18, imprimé à Paris en l'an X. 

(24) Palisot avait combattu cet auteur dans une 
lettre écrite de S' Domingue, le 2 juillet 1789, et insérée 
dans le journal de physique de février 1790, tome 
XXXVI, pag. 81-05. 

(25) Mém. inédit lu à l’Institut le 16 thermidor an* 
IX, ( 4 août 1801. ) | 


# 


MÉMOIRES LES 

(26) Mém: inséré dans le tom. IT, pag. 202 à 213, 
des transactions philosophiques de la société de Philadelphie. 

(27) Son herbier est passé à sa mort entre les mains 
de M. Delessert, Banquier à Paris. 

(28) Ce mot, "dérivé des mots grecs a'yôu' e,insolitæ, et 
Yapos, nuptiæ, indique la présence des sexes, mais dont 
le mystère ‘n'est pas encore parfaitement connu. 

: (29) Le travail sur les algues, lu à l’Institut les 30 
mars et 13 avril 1807, est encore inédit; il doit être 
accompagné de dix ls dont je ani un exemplaire 
gravé. à 

(30) Le - travail: sur les hnois est demeuré 
incomplet. 

(31) Mém. lu à l'Académie des sciences en 1780, et 
inséré dans la partie botanique de ?’Encyclopedie mé- 
thodique, art.: champignon. — Mém.. inséré dans les 
annales de Museum, tom. VIII, pag. 334 à 346. 

: (82) Mém. lu à l’Institut le à novembre 1806, inséré 
dans le journal de botanique | tom. 2, pag. 147 à 1065. 

(33) Je. n’ai rien trouvé dans les papiers de Palisot 
de Beauvois qui eut trait à ces deux familles. | 

(34) Prodrome d'æthéogamie , in-8.° Paris, 1805. 

(35) Comptes rendus à l’Institut le 6 juin 1808 et 
le 15 août 1813. Ils sont l’un et l’autre insérés dans 
le journal de botanique, tom. 1, pag. 49, et tom. IV, 
( le 2° de la nouvelle série ) pag. 153: | 

(36) Le travail sur les fougères est demeuré incomplet. 
. (37) Mém. lu à linstitut le 26 septembre 1806, 
inséré dans le journal de botanique , tom. 2, pag. 74 à 87. 
,» (38) Notice insérée. dans le 1.” cahier, juillet 1816, 
des ephémérides des sciences naturelles et médicales. 

(39) Consultez le journal de botanique, tom. II, 


( le 1. de la 2.° série ) Page 12 à 16, 
8* 


a16 MÉMOIRES. 

(4o} H a été élu le 17 novembre 1806, 

(ét) Mém. lu à l'institut le 22 avril 1811, inséré 
dans le journal de physique, tom 33° — Il yen a des 
exemplaires tirés à part. 

(42) Mém. lus à Pinstitut le 20 avril et 6 juillet 
18:12, imprimés dans Les actes de l’Académie des sciences, 
année 1811, pag. 121, 160 de la 2° partie. | 

- (43) Essai d’une nouvelle Agronographie, in- F et 
jn-8. , avec fig. Paris, 1812. 

(44) Ge travail inédit est passé entre les mains de 
M. Achille Richard. 

" (45) Mém. inédit lu à Pastitut Je 25 octobre 1813. 

(46) Le 18 avril 18:14. 

(47) Ce mém. est inséré en ‘partie dans le jogrnai de 
physique, tom. 79. Le mémoire manuscrit est accom- 
pagné de onze dessins, contenant 58 figures, et les 
détails de tous les genres. Les planches ont été gravées, 

” (48) Cette instruction, demeurée jusqu'ici inédite ; ne 
tardera pas à paraître. Je me propose de la publier, 

(49) Mém. inédit lu # l'Institut le 11 septembre 1812. 

(50) Mém. inédit lu à l'Institut le 5 août 1816. 

(51) Mém. inédit lu à l’Institut le 9 septembre 1816. 

(52) Publié in-4. Paris, 18u. 

(53) Je possède ce discours manuscrit que Palisot écrivits 
en 1815, alers qu’il fut nommé Conseiller de l'Université. 

(54) Journal de botanique, tom. VI, ( le 4" de la 
vouvelle série), pag. 128 à 130. 

(55) Mém. lu à PInstitut le 16 veudémiaire an XIJI, 
(8 octobre 1804 }; imprimé par extrait in-f” La plante 
est décrite dans la flore d’Oware eï de Benin , tord, H, 


pag 29 à 92. 


+ ht se —_ 


MÉMOIRES. 117 


QUE AAA LU VAT. LAN ur VAS LASAANRRS 


PHILOSOPHIE ANATO MIQUE. 


Les mum 
Des Monsiruosités humaines: 


Ouvracz contenant une classification des Monstres ;'la 
description et la comparaison des principaux genres ; une 
histoire raisonnée des phénomènes de la monstruosité et 
des faits primitifs qui la produisent ; des vues nouvelles 
= touchant la nutrition du fœtus et d’autres circonstances 
de son développement; et la détermination des diverses 
parties de l'organe sexuel, pour en démontrer l'unité 
de composition , non seulement chez les monstres, où 
l’altération des formes rend cet organe méconnaissable, 
mais dans les deux sexes, et, de plus, chez les oïseaux 
et chez les mammifères: | 

Par M." le Chevalier GEOFFROY - SAINT - HILAIRE ; 
Membre de l’Académie Royale des Sciences; Professeur- 
Administrateur du Muséum d'histoire naturelle, ax jardin 
du Roi, etc., etc. | 

‘Un volume in-8.°. 1822, avec figures des détails 


1 


anatomiques. 

Analyse faite pour servir plus nérliuliement de com- 
plément à l’observa'ion d’un fœtus monst'ueux, insérée, 
dans le tome 3, des Mémoires de la Société royale d’Arras 
page 235, par A. R. P. DUCHATEAU, Membre résidant 
_ de cette Société. etc. 


. Les monstruosités ont toujours fait le sujet des médi< 
tations et des recherches des philosophes , des médecins 
et des naturalistes. Le peuple y trouvait le sujet des 
augures ; et lorsque l’homme croyoit son existence 


Tom, AV." 3 Lips 8 


118 . MÉMOIRES. 


dirigée par des esprits invisibles, les monstruosités etoient 
pour lui l’œuvre deé puissances surnaturelles. À chaque 
enfant difforme qui naissoit dans Athènes ou dans Rome, 
le peuple s’entassoit dans: les Temples pour y conjurer la 
colère des Dieux. Du temps du bon Ambroise Paré, la 
naissance d’un monstre étoit considérée comme une cala- 
mité publique et faisoit présager une guerre ou une 
famine. Dans la suite, le peuple détrompé sur la fausseté 
de ces présages ne se bornoiït plus qu’au ‘sein de la' famille, 
et cet évériement s’emparoit surtout des sentiments et de 
toutes les facultés de la mère, que le spectacle de son 
enfant dégradé portoit à retourner sur elle-même toute 
lhumiliation que l'injustice sembloït faire peser sur le 
malheureux qu'elle avoit porté dans son sein. Delk la 
. ressemblance que cette mère croyoit retrouver dans les 
objets plus ou moins frappants qu’elle disoit avoir vus , ou 
dans les choses les plus bizares qu’un appétit déréglé lui 
avoit fait désirer pendant sa grossesse. Delà la naissance 
d’une infinité de préjugés que l’on rencontre écrits. 
avec complaisance dans les Recueils périodiques publiés 
pendant le 17."° et le 18.” siècle; les histoires de 
choses extraordinaires consignées dans les éphémérides 
des curieux de la nature, etc. Mais les savants natu- 
ralistes qui ont vu dans ces abberrations humaines Îles 
affections morbifiques que le futus éprouve dans le sein 
de la mère, ont cherché par une classification philoso- 
phique à les grouner et les réunir en aflinité physique 
_et à en faire des classes, des espèces et des variétés. 

BUFFON en forme 3 classes. La première est celle des 
monstres par excès; la seconde des monstres par défaut, 
et la troisième de ceux qui le sont par FÉRYCreRent ou 
la fausse position des parties. 


EN 


\ 


MÉMOIRES . : 119 
CRARLES BONNET établit 4 classes de monstruosités. 
La prenière, vice de conformation extraordinaire de 


quelques organes ; la deuxième, ceux où les membres 
ont une situation irrégulière; la troisième comprend les 


déviations organiques par défaut ; enfin dans la quatrième 


se trouvent les monstruosités par excès. 


BLUMENBACH, rapporte aussi à 4. modifications 


particulières les’ déviations organiques. 1.° Les change- 


ments de forme ou forme irrégulière des parties indivi- 
duelles, fabrica aliena; 2.° Les changements de situation 
des organes, silus mutatus ; 3° Les vices par défaut, 
defectus; 4° Les vices par excès, excessus, 


HUBERT , établit 9 classes de monstruosités. r.° Excès 


! 


des grandes parties ; 2.° Défaut d’un ou de plusieurs: 


organes ; 3.° Réunion de plusieurs animaux (A); 4 


Individu régulier en général; mais offrant dans un point 


un organe dont la disposition appartient à une autre 
espèce, par exemple des oreilles de lièvre sur une tête 
humaine; 5.° Fausse position de quelque partie; 6.° 
Réunion de plusieurs organes ; 7.° Conformation générale 
régulière ,-avec un éxcès de quelque petite partie; par 
exemple , six doits (B); 8.° Différence de proportion 


entre des parties qui doivent être symétriques : ainsi, par. 


exemple , la différenee de longeur entre-deux membres; 


(A) Voyez dans le rapport de M " le Sécrétaire de la Société, 
Particle que je lui ai communiqué sur un hèvre à huit pattes et 
deux corps. | 


(B) J'ai vu à l’'Hopital des enfans trouvés plusieurs exemples 


de'cette meustruosité et j’ai rencontré dans ma pratique Civile 


l'exemple d’un frère et d’une sœur, qui avoient à chaque main 


un doigt pendu par un petit cordon, qui s’attachoit à la face 


interne du doigt auriculaire, : 


j 


_ 


120 ; MÉMOIRES. 
9-° Trop de grandeur ou d’exiguité dans le corps considéré 


4 


en général. 


‘ VOIGTEL, fait 10 classe de monstruosités ; 1.° Par 
défaut d’une partie; 2.° Par surabondance de parties indi- 
viduelles ; 3.° Par réunion de deux fruits; 4.° Déviation 
organique de parties individuelles ; 5.° Déviation du corps 
entier ; 6° Transposition des parties individuelles ; 7.° 
Excroissances non-naturelles ; 8.° Séparation des parties ; 
9. Oblitération des ouvertures naturelles; 10.° Prolon- 
gements. . 


MALACARNE., divise les monstruosités én seize ordres 
différens. 1° Microsomie , ou exiguité de tout le corps; 
2. Micromélie, ou exiguité des membres ; 3.° Macro- 
somie ; 4° Macromélie; 5.° Polyeschie, ou monstruosité 
de tout le corps; 6.° Eschomélie, ou monstruosité‘ d’un 
membre; 7.° Atélie ; ou défaut d’un membre; 8.° Méta- 
thésie, ou transposition d’un membre ; 9.° Polysomie; 


, Ou corps multiple ; 10.° Polymélie, ou membres multiples; 


11. Androgynie ; 12.° Diandrie , ou double organisme 
mâle ; 13.° Digynie ; 14.° Andralogomelie , ou homme 
avec des membres d'animal ; 15.° Alogandromélie, ou 


animal avec des membres humaïns ; 16.° Aloghermaprho- 


ditie, ou hermaphrodisme animal. 


Je pourrois encore rapporter plusieurs classifications 
de monstruosités , telles que celles de MM. Théviranus , 


. Meckel, Chaussier, Adelon et Breschet, etc.; mais si 


nous avons déjà insisté autant sur celles dont noue 
avons donné l’analÿse, c’est pour que le lecteur en les 
comparrant avec celle de M." JEEFFROY ST.-Hizaiïne, 
puisse mieux reconnoître la supériorité de sa méthode 
qui consiste à lier ces phénomènes morbifiques , à 


des principes immuables de la théorie des analogues , dus 


MÉMOIRES. ; 121 


principe des connexions , des offinités électives des élé- 
ments organiques et du balancement des organes. 


M." JEOFFROY ST. - HILAIRE prend le cerveau 
eomme objet de la baée de sa classification et ne regarde 
les lésions des autres viscères que comme des résultats 
secondaires de déformation. 


Voici les noms et les caractères des genres que M.' 
J£OFFROY avoit examinés lors qu’il alu à l'institut son 
mémoire intulé : Essai d’une classification des Monstres 
en 


.” Coccycéphale. (Tête sous a forme d’un coccyx. ) 
_2.° Cryptocépñale. (Tête invisible extérieurement. ) 
ge Anencéphale. (Tète sans cerveau.) 
4. Cystencéphale, ( Tète avec cerveau vesiculeux. ». 
. 5.° Dérencéphale. ( Tête avec cerveau dans le cou.) 
: 6. Podencéphale. (Tête avec cerveau sur tige. ) 
O7. * Notencéphale. (‘Tête avec cerveau sur le dos. }. 
8.° Hémiencéphale, ( Tète avec moilié de ses maté- 
| riaux. ) 
9: * Rhinencéphale. ( Tète à trompe ou à narines 
| extraordinaires. }. 
0. Stomencéphale. (Tète à bouche fermée. ) 
11.° Triencéphale. (Tête privée de trois organes des sens.) 
12.° Spénencéphale.. ( Tête remarquable par une partie 
de son spénoide. ) 
13.° | Diodoncéphale. (Téle avec une double rangée 
d'os dentaires. ) 


. Lorsque M: Jrorrnox ST.-HILAIRE eut connois- 
sance de l'observation que j’avois publiée dans ces mémoires 
_et dans le journal complémentaire du dictionnaire des 
sciences médicales , il désira voir le sujet, et je crus 


122 MÉMOIRES. 

‘servir la science en le lui envoyant. Ille disséqua avec 
le célèbre anatomiste M." Serres , et cette dissection fut 
le sujet d’un mémoire de 66 pages et d’une très-belle 
gravure qui contient les détails de cette monstruosité. 
Ce mémoire a pour titre: Description d'un monstre 
humain , né en octobre 1820. Établissement à son sujet 
d’un nouveau genre sous le nom d’Hypérencéphale. Nous 
allons en donner l'analyse très-détzillée. 


Le premier paragraphe traite des altérations de la tête, 
dont la phisionomie n’est altérée que par un bec de lièvre 
double. Le dessus de la tête est dans l’état le plus diffor- 
me: le cerveau est enveloppé par ses membranes qui lui 
tiennent lieu de bourse ;: mais elles n’ont souffert aucune 
altération, ni dans leur texture ni dans leur prolongement 
naturel. Les os du crâne, pour être dans l’état normal, 
auroient dû être prolongés sur Île vertex pour former la 
la calotte crânienne ; mais ils se sont arrêtés dans leur 
développemegt et forment une espèce de coupe ou de 
bassin sur lequel repose le cerveau. Les fronfeaux se 
réduisent à un landeau osseux demi - annulaire, et, 
malgré leur exiguité, il ne manque rien de ce qui en 
peut être regardé comme Îa partie essentielle. On a pu 
s'assurer qu'ils présentoient trois faces , une oculaire, une 
frontale et l’autre cérébrale. Les pariétaux sont de simples 
filets alongés , principalement celui de droite, plus grêle 
et d’un quart plus long que son congénère. L’occipita se 


présente sous la forme d’un filet arqué, et principalement 


renflé sur le centre. Le sphénoïde n'est point encore 
soudé dans les pièces qui le constituent. Ses grandes 
aîles et les temporaux sont ramasséa et comme concen-< 
trés sur eux-mêmes. 


Dans le second paragraphe intitulé dx tronc, du dépia- 


ES 


MÉMOIRES. 123 
eement e des nouvelles relctions de ses viscères, M." 
JzorFroY Sr.-HILAIRE a examiné cette tumeur pyra- 
midale que j'ai dit être située sur la ligne médiane, et 
maintenue à l’aide d’un pédicule, renfermant les, prin- 
cipaux viscères de la poitrine et du bas ventre. Nous 
allons. examiner ce que l'inspection a offert de plus 
particulier dans chacun de ces viscères: 


1.” Le cœur, quoiqu’étant au dehors, n’en établit pas 
moins par sa base ses rapports avec la circulation géné-- 
rale et pulmonaire. Libre, comme s’il eut été renfetmé 
dans le médiastin et enveloppé par son. péricarde , il a 
pu, ainsi que je l’aj observé, palpiter. pendant trois quarts 
d'heure. | 


2. Les poumons n’ont point changé de place. Ils sont 
restés abrités par les côtes , seals des organes contenus 
dans la poitrine. Îls ne se ressembloient pas: quant à 
leur forme. Le droit étoit triangulaire, très-aplati et un 
peu renffé à l’entrée des conduits aériens. Le poumon 
gauche offroit une grande et une pelïte scissure, étoit 
ramassé , conique au sommet, coupé en biseau . à 
pextrémité, et terminé par une longue portion qui for- 
moit la voüte, et s’étendoit en arrière pour couvrir le 
rein, qui suivoit immédiatement le poumon. - 


. \ 

3.° Le diaphragme, dans la situation des choses, 
devenoit important à examiner au milieu de tant de 
désordres ; mais il ne manqua pas plus qu'aucun autre 
viscère. » On l’appercevoit étant divisé comme le sternum, 
» descendant de celui-ci, s'étendant au-dessous du pou- 
» mon et servant de coëffe.à l'appareil urinaire, Ainsi 
. » toujours à la même place, toujours interposé pour 
_ 3 diviser le. tronc en ses deux moitiés, la cavité de fa 


Lé 


124 MÉMOIRES. 

» poitrine et celle de l'abdomen, il servoit de cloisors 
PET organes formés et nourris par les premières .sub- 
» divisions des rameaux artériels. En devant, il ne s’éten- 
» doit que sur les capsules surrénales; mais en arrière 
» il recouvroit le rein lui-même. » 
© 4. L'estomac étoit aussi situé dans cette masse. On 
a pu y suivre sans difficulté, au moyen du stilet, les 
issues qui alloïient et qui venoient. Les intestins étoient 
en parlie agglomérés et formoient un groupe très-concen- 
tré, sans que leur capacité ne ressentissent rien de 
cette circonstance. Ils étoient également distendus , ile 
versoient, comme à l'ordinaire, dans les suivantes et 
ils étoient plus ou moins remplis par les méconions. 
Le rectum se rendoit droit à l'anus, en passant au 
devant et tout le long des vertèbres lombaires. 

. 5° Le pancréas étoit profondément engagé dans la 
masse des viscères. Sa forme étoit celle d’un bonnet 
contourné ; sa base ‘s’appuioit -sur l'estomac, son volume 
étoit considérable, et sa masse d’un tissu comme charnu. 


6.* Le cor ‘on ombilical étoit ramassé comme pelotonné 
et formé de plusieurs replis adhérents entr'eux et avec 
le placerta. Son insertion se faisoit près de la bride 
principale qui unissoit la tête avec ce deruier viscère. 
L'extrémité ‘œtale de ce cordon s’épanouissoit sur un 
des points de la surface du foie. | 

7. Les reins j00ie ont de plus d’aisances que dans un 
état ordinaire : aussi’ étoient-ils parvenus à un dévelop- 
pement très-considérable. Chacun surpassoit le cœur en 
volume. Îls étoient surmontés de leurs capsules surrénales, 


8 Les organes sexuels offroient peu de variation : le 


testicule droit étoit descendu à l’anneau inguinal , le 
gland de la verge présentoit une légère irrégularité. 


” 


ee 


MÉMOIRES. 125 
‘ e.° Le sternum étoit bifide et séparé en deux appa- 
reils très-écartés en demi-sternum. Au milieu de l’écar- ” 


tement s’est effectuée la métastase viscérale que nous 
avons décrite. 


Nous venons de parcourir tout le cercle des difformités 
que j'avois signalées dans mon observation , et dont 
l’ensemble d’exceptions ou d'anomalies constitue le carac- 
tère des monstruosités dont M.° JEOFFROY ST.-HILAIRE, 
fait un nouveau genre sous le nom d’Aÿperencéphale. 
( Cerveau au-delà de sa boîte. ) 


Je crois avoir fait assez connoîtré par cette analyse 
Je dérangement et l’état des parties contenues dans les 
trois cavités splanchniques de la monstruosité d'Arras 
J'avois aussi signalé l'adhérençe du fœtus au placenta et 
de plusieurs autres brides qui le mettoient en rapport 


__ avec ses enveloppes. Ces brides qui sont considérées 


actuellement comme l'unique cause des monstruosités 
avoient déjà été prévues par M." JEOFFROY ST.-HILAIRE : 
car il nous dit , lorsqu'il s’occuppoit à la recherche de la 
‘çause des monstruosités: » Ce que je venois de chercher 
» péniblement par voie d'expérience , je l'avois acquis 
e déjà sans le moindre effort et par voie d'observation 
» directe : car ce que je souhaitois de découvrir n’étoit 
» autre chose que les brides placentaires que m’avoit 
» présentées l’Ayperencéphale; observation qui fut un 
» trait de lumière pour mon esprit, et qui m'éclaira 
» instantanément sur les conséquences d'un fait aussi 
» important. » 

En entreprenant cette analyse, je n'ai eu d'antre 
intention que celle de compléter l’ebservation que j'avois 
insérée dans Ces mémoires. J'aurois pu trouver dany 


126 | «MÉMOIRES. 

l'ouvrage de M." JzorrRoY ST.-HILAIRR, des sujefs 
” dignes de fixer l’attentiou des naturalistes et des médecins; 
mais les bornes qui m'ont été prescrites ne me permettent 
point d'entreprendre un tel travail. J'engage le lecteur 
à puiser dans cet ouvrage rempli de vues neuves et 
d'ingénieux apperçus, des connoissauces sur Îles cas 
d'organisations les plus singulières et sur les monstrua- 
sités les plus horribles et les plus désordonnées. 


P. S. L'état physique et moral, les occupations et 
Jes impressions de la mère qui a produit un phénomène 
aussi extraordinaire que l’ÆHyperencéphale méritent d’être 
recueillis. Je vais donner counaissance de ce qui me 
paroit le plus important par rapport à la cause mor- 
 bifique du sujet qui nous occupe. 


Cette femme est née de parents sains, et dans l’aisance. 
Elle est très-forte et d’une taïlle assez élevée. Dans sa 
jeunesse elle ne fut jamais malade. Elle épousa, à l’âge 
de 21 ans, un ménuisier , très-brave homme, incapable 
envers elle d'aucune brutalité. Dans les dix premières 
‘années de son mariage elle eut six enfants très-bien 
portanis. Pendant chaque grossesse elle se faisoit saigner 
au moins trois fois. Elle les allaita tous. Le septième 
fut l’Ayperencéphale. Quelque tems avant cette dernière 
grossesse, leur aisance diminua. ls ifurent obligés en 
peu de temps de changer plusieurs fois de logement. 
Lorsque je vis cette femme dans sa grossesse, je crus ne 
pouvoir arriver jusqu’à elle. Sa mère me fit descendre 
dans une cave, nous en traversâmes une autre au bout 
de laquelle je trouvai un long corridor qui me conduisit 
à un escalier en spiral. La deuxième cave et {le corridor 
étoient. encombrés à droite et à gauche de morceaux de 


MÉMOIRES . 127 
bois. Je parvins dans une cour, après avoir gravi les 
20 ou 22 degrés de l’escalier. Je traversai cette cour 
. ainsi qu'un petit jardin humide, et j'arrivai enfin à 
son logement qui n'étoit qu’un cabinet et qui étoit 
ombragé par un énorme noyer. Elle étoit couchée dans 
un grand lit. J’eus beaucoup de peine à l’appercevoir : 
car une épaisse fumée remplissoit ce cabinet qui étoit 
encombré de telle sorte, qu’on pouvoit à peine s'y 
retourner. Le chemin que je viens de décrire étoit plu- 
‘sieurs fois parcouru par elle dans la journée. Elle portoit . 
presque toujours un de ses enfants, qui, en s’agittant, 
lui donnoit des coups sur le ventre. De nombreuses 
occupations l’empéchèrent de se faire saigner selon sa: 
coutume. Je pense que la négligence de cette évacuation 
sanguine, que .les fatigues qu'elle a éprouvées et les 
contusions qu’elle a reçues sur le ventre, ont donné . 
lieu à une inflemmation adhésive du placenta avec 
le fœtus, d’où vinrent les brides que nous y avons 
observées , considérées comme cause principale de -la 
difformité d'Arras, | 


D HOIS CES 


128 Mévornes 


RARARAALANARAIARAAAS ARS LAS AAPAAS LAS AUS VAR SALLAS AAA LUS AAA A/S ARS. 
ANALYSE 
Des recherches et observations sur le Prorieo;, faites 


à FHôpital St.-Lou's, pendant les années 1819, 


‘ 1820, 1021. 


Par F. J. MOURONVAE, Docteur en Mid. 
: ‘ VARNARA AAA AR AREAS RAA ANS 


Avec cette épigraphe. 


: Ars tota in observaltionibus. 
ERA RAA AA PRAIRIE RAA RAPARRRRAR RARES. 


Lo TEUR de ces recherches après avoit, dans un 
préambule, remarqué que les nombreuses maladies , 
dont la peau est souvent le siège, n’ont pas été étu- 
diées par les anciens, avec cette rare exactitude que 
Von a lieu d'admirer dans toutes les autres branches 
de la médecine, dit avec vérité qu'il a régné jusqu’à 
ces derniers tems, la plus grande confusion dans cetté 
partie importante de la pathologie, et qu'il étoit réservé . 
à un médecin d’une sagacité profonde et d’une imagi- 
nation brillante de déméler le cahos. En effet c’est à 
M." Albert que nous devons les' connoissances que 
nous avons acquises sur les maladies de la peau, et 
quelques notions sur le véritable caractère du prurige. 
Cette maladie ayant de l’analogie avec plusieurs autres 
affections de la peau, surtout avec la gâle, M.° 
Mouronval s'est particulièrement appliqué à signaler 
les caractères de ces deux affections , aux moyens desquels 
on ne pourra plus désormais les confondre, comme on le 
fait encore assez souvent ; et toujours avec de graves 
inconvéniens, pour ceux qui sont victimes de cette 
erreur. 


L 


MÉMOIRES. 129 


» Placé dit l’auteur, de manière à pouvoir observer 
» le pruriso, sous toutes les différentes formes, et 
» témoin des larmes etl des plaintes amères qué 
» poussent à chaque instant les malheureux , qui en 
» sont atteints, j'ai dû réunir tous mes efforts, pour 
__» trouver quelques moyens de guérison. Toujours cir- 
» conscrit dans Îles bornes étroites d'une rigoureuse 
» observation, je ne me suis abandonné à aucune espèce” 
» de théorie; mais j'ai cherché constamment à trouver 
» des faits et à les rassembler pour en tirer des consé- 


» quences certaines. » Il définit ensuite cette maladie 


appelée psydracia par Frank, et qui a reçu le nom de 
prarigo, par la plupart des médecins modernes , à cause 
de la vive démangeaison, une éruption cutanée non 
_contagieuse, caractérisée par le développement d’un plus ou 
moins grand nombre de boutons, ordinairement de couleur 
rougeâtre , et ne renfermant jamais ou presque jamais 
de liquide ; accompagnée d’une démangeaison cuisante, 
comparée à des piqûres d’aiguilles, qui a son siège plus 
souvent derrière les épaules, aux lombes, à la partie 
interne des cuisses, rarement eutre les doigts. 


Les causes que l’auteur regarde comme pouvant donner 
naissance à cette maladie sont très-nombreuses ; il signale 
particulièrement les suivantes comme les plus fréquentes : 
une mauvaise alimentation, des lieux bas et humides, 
l'abus des liqueurs alcoholiques et des salaisans, la 
malpropreté, le défaut de menstruation , sa suppression, 
celle d'une hémorragie, d’une saignée habituelle | d’un 
vésicatoire ; les chagrins, l’âge critique , l’application des 
corps irritans sur la peau , les privations de toute nature. 

Ïl rapporte ensuite huit observations très - détaillées 
de prurigo dù à ces différentes causes. 


, 
\ 


130 MÉMOIRES. 
Le sujet de la première est un homme de 47 ans, qui 
ayant joui pendant long-tems de l'aisance, fut atteint 
du prurigo après avoir été plongé dans la misère par des 
revers de fortune, il fut guéri par des bains de vapeurs. 
Aqueuses, pris alternativement avec les fumigations sulfu- 
reuses. Dans la seconde observation, c’est une femme 
de 68 ans qui est attaquée du prurigo, après avoir séjourné 
Jong-tems dans des lieux bas et humides , et guérie par 
l'usage extérieur d’une solution de savon blanc dans 
Valcohol, des lotions sulfureuses et des bains simples. 
Une femme de 46 ans qui devait sa maladie à l'extrême 
misère, est aussi proptement guérie par le vin de quin- 
quina, les sucs d’herbes, et les bains simples. Dans la 
quatrième observation il est question d’une jeune personne 
de 17 ans qui, à la suite d'un saisissement brusque, 
fut atteinte du purigo : l’usage des bains sulfureux et des 
fumigations sulfureuses pris alternativement firent dispa- . 
roître premptement les symptômes de la maladie. L'abus 
des liqueurs fermentées, après avoir éprouvé de longs cha- 
grins, donna lieu au prurigo porté au plus baut degré, chez 
une femme de 28 ans. L'usage des moyens décrits ci-dessus 
amenèrent une prompte guérison; mais qui ne fut pas 


de longue durée ; la cause qui avait donné naissance à 


la maladie n’ayant pu être détruite. L'auteur a aussi 
observé le prurigo joint à une maladie du. foie; l’éruption 
paraissait et reparaissait périodiquement avec des déman- 
geaisons intolérables, pendant l’apparition des boutons 
la malade éprouvait du soulagement du côté du foie. 
C'était une femme de 70 ans pour la guérison de laquelle 
on a mis en usage, les délayans, les irritans à l'extérieur, 
les sucs d'herbes, le petit lait aiguisé par un sel neutre, 
les légers -purgatifs avec un succès presque complet; 


MÉMOIRES 191 


maïs elle était encore à l'hôpital St.-Louis', le 22 mai 1822, 


Toutes les classes de la société peuvent être affectées 
de cette maladie; les hommes de lettres les plus recom- 
mandables sont souvent tourmentés par le prurigo, 
à la suite des travaux excessifs du cabinet, des veilles 
. immodérées, de chagrins, de tristesse, etc. Il est bien 


plus commun dans la vieillesse qu’à l’âge viril ou pendant 


la jeunesse; il se complique souvent avec des inflammations 
chroniques des viscères. Le prurigo s’observe dans toutes 
les saisons de l’année, mais surtout au commencement 
de l'hiver, en été pendant les grandes chaleurs. Cette 
affection est le plus souvent sporadique : elle est par fois 


épidémique. Hoffman en rapporte une épidemie, qui : 


eut lieu à Halle en 1776, et c’est alors surtout qu’on l’a 
confondu avec la gâle ; elle est indémique dans certaines 
contrées, dans l'Espagne, la Croatie , les Provinces Illyrien: 
nes où j'ai eu occasion de l’observer ; elle est due à la 
malpropreté, la mauvaise nourriture , la suppression de 
la transpiration cutanée. La gâle épidémique dont parle 
Ramazini, semblait tenir à des caudes de cette nature. 
On remarque communément à St.-Domingue,des éruptions 


… 


prurigineuses qui attaquent ordinairement ceux qui y 


séjournent, et les quittent lorsqu'ils en sortent; mais 


c'est principalement sur les bords de la mer que l’on 


voit le plus fréquemment se développer cette maladie où 


toutes ses causes semblent se réunir. Quelquefois, elle 


semble affectionner les étrangers , on dit que les 


tartares qui sont en Russie, en sont fréquemment 


atteints, et très-souvent les victimes. Dans certains cas le 
. prurigo se développe d’une manière critique, c’est-à-dire 
qu’il termine des maladies aiguës, des fièvres, etc., et 


alors.il serait dangereux de le suprimer trop promptement, 


+ 


152 MÉMOIRES. 

M Mouronval ‘après avoir fait connaître les causes 
du prurigo, passe à la description générale. L’éi aption 
paraît quelquefois subitement, d'autrefois elle s'annonce 
par une démangeaison insupportable, avant qu’il y ait 
des boutons, le malade s’arrache la peau, s’ensanglante. 
Bientôt il paraît des élévations rougeâtres, ou de petites 
ampoules sans changement de couleur à la peau, 
d'autrefois ce sont des gerçures. Chez les vieillards elle 
est accompagnée de douleurs cruelles, d’égratignures, 
d’ulcérations et d’une desquamation considérable de 
l’épiderme,souvent accompagnée de furoncles aux aisselles. 
Si la maladie dure depuis long-tems, ces vieillards 
contractent une physionomie particulière; le teint est 
jaunâtre, les traits tirés avec un élat de maigreur 
générale. Les malades sont tourmentés d’insomnies, 
toutes les fonctions,$se troublent, et la mort peut en 
être la suite. | | 

.Le prurigo est divisé par l’auteur, en deux variétés, 
la première appelée prurigo formicans , caractérisée par 
une sensation que Îles malades comparent aux piqüres 
de milliers de fourmis qui parcourraient l'étendue de la 
peau, .où une ardeur brulante qui augmente encore 
par le frottement ; ou par de petites élévations à peine 
visibles qui sont arrachées avec les ongles, lesquelles 
dures, jaunâtres, brunâtres, arrondies, irrégulières, . 
deviennent de petites ulcérations plissées à la circonférence, 
et laissent des espèces de cicatrices verdâtres en forme 
d'étoiles ; la peau devient rugneuse, 

La seconde se nomme prurigo pédiculaire. 


: Une forte démangeaison qui augmente par la chaleur, 
une foule de pelits insectes du genre pédiculaire repandue 
sur tout le corps, des éminences rougeâtres d’une forme 


| MÉMOIRES. | 133 


variée, dont la base est large, conique, sans changement 
de couleur à la peau, qui est plus ou moins altérée, 
selon l'ancienneté de la maladie; des tâches verdâtres, 
Q étendues, agglomérées, en sont les principaux caractères, 


Plusieurs observations très - détaillées fournissent des 
exemples frappans de ces deux espèces de prurigo, pour 
la guérison desquelles on a employé avec succès leg 
fumigations sulfureuses , les bains sulfureux , les frictions 
sulfuro-alkalines. Il est à remarquer que les insectes 
qui constituent le prurigo pédiculaire, semblent prendre 
naissance dans l’intérieur de la peau, et se loger sous 
l’épiderme ; ils affectionnent certains individus, et l’on 
a vu plus d’une fois dans le cours d’une maladie chronique, 
toute la peau couverte de ces insectes, 


Quoique le prurigo puisse attaquer toutes les parties 
de la peau , il affecte de préférence les épaules, les aisselles, 
la région lombaire, le col, les plis des articulations, 
etc. La marche de cette maladie est irrégulière, on la 
voit fréquemment augmenter à l’époque de la mens- 
truation, au printems, en été , lorsqu'on passe d’un 
climat froid, dans un plus chaud ; elle augmente d’inten- 
sité par l’usage des salaisons ; elle est quelquefois périodique. 
Sa durée est aussi très-variable, selon l'âge, le régime 
de vie, les tempéramens : toutes les causes qui peuvent 
la faire naître, ooncourent également à sa prolongation. 


Le prurigo a rarement une terminaison funeste; mais 
lorsqu'il est supprimé brusquement, il peut donner lieu 
à des métastases facheuses, et souvent, quand il a duré 
lorfÿ-tems, la peau devient dure, rugueuse , sillonnée, 
recouverte d’une espèce de poussière, surtout chez les 
vieillards. | 

Tom. IV.®* 3.% Liv. 9 


‘154 MÉMOIRES. | 

‘ Le prurigo ne peut guère étre confondu’ qu'avec la: 
gale; sa non-contagion, son siège rarement entre: les 
doigts, la forme des boutons qui ne contiennent presque 
jamais de liquide , la démangeaison brèlante, les pico- 
temens, ses causes, un lieu bas, humide etc., les exarcerba- 
tions qu'l offre à l’époque des régles, au renouvellement 
des saisons, sa durée, sa disparition quelque fois sans 
moyens curalifs, sa fréquence dans la vieillesse, sont 
autant de signes qui le feront toujours distinguer de la 
gale. Ce que cette maladie a de plus facheux, c’est 
qu’elle est-sujette à récidive, surtout si elle est invétérée, 
‘si elle a lieu dans un âge avancé, si elle est compliquée 
avec une lésion organique du foie, ou de quelqu’autre 
viscère de l’abdomen, l’hydropisie etc. , si elle a résisté 
-à un traitement mélhodique , si elle est entretenue par 
sa cause. Toutes ces considérations serviront à établir 
un pronostique plus ou moins favorable. 


Il est très-difficile d'affirmer si les lésions que l’on ren- | 
contre à l'ouverture des corps, sont l'effet du prurigo. 


L'auteur a eu occasion d'observer quatre terminaisons 
malheureuses de cette maladie. En général la peau était 
jiune, froissée , épaisse , ‘légèrement infiltrée, sèche, 
dure, écailleuse , couverte de tâches verdâtres avec 
ulcérations. Ces effets ne se bornaient pas à la peau, ils 
se faisaient remarquer au tiesu-cellulaire ,. sous-jacent , 
qui était serré et rougeûtre. 


Nous voici arrivés à la partie la plus importante de 
l'ouvrage que nous analysons , le traitement de la maladie, 
L'auteur l'a suivi, dans tous ses détails et ne laisse rien 
à désirer. [lle divise en quatre partie. 1.° 11 traite des 
précaulivis a prendre, avant , pendant et après le 


MÉMOIRES. 139 


traitement, 2.° du traitement interne, 3.° de l'externe, 
&.* des modifications du traitement du prurigo, selon 
l'âge, la constitution individuelle et les circonstances 
particulières, | | 


Îl faut examiner d’abord si la maladie est susceptible 
d'être guérie. Quand elle est critique, ‘qu’elle survient 
à la fin d'une maladie aïguëé ou chronique , d’une 
affection du foie, il serait dangereux de la supprimer, 
il faut se borner à des soins de propreté tels que des bains 
simples ou alkalins. 1] faut avoir égard à l’âge, au sexe, 
à la saison, et quelquefois débuter par un vomitif ou 
un purgatif , s'il y a embarras gastrique, ou rétablir les 
forces par l'usage du vin; un régime restaurant ; d'autrefois 
les saignées générales ou locales deviennent des moyens 
curatifs, dans le cas de piéthore, de suppression mens- 
ruelle , etc. Si le traitement employé est suivi de cépha- 
_ lalgie, d’un sentiment de fatigue ou d’autres accidens, il 
faut observer s'ils dépendent de l’usage des remèdes ou 
de la suppression du prurigo. Dans ce dernier cas, on 
établira un ou plusieurs exutoires, comme vésicatoires, 
cautères ou sétons. Pendant la durée du traitement on 
surveillera attentivement toutes les fonctions, afin de 
rétablir celles qui auraient été troublées ou supprimées 
par l’usage des remèdes, Le régime doit être ‘selon les 
circonstances tantôt restaurant tantôt débilitant. Et après 
avoir obtenu la guérison, on recommandera d’éloigner 
* avec le plus grand soin les causes qui ont donné lieu 
à la maladie, afin d'éviter les récidives qui ne son 
malheureusement que trop fréquentes. | 


t 


_ Le traitement interne secondera puissamment l’action 
| des remèdes externes , et pourra quelquefois procurer 


136 | “MÉMOIRES. 
seul la guérison ; il consiste dans l’usage des amers, la 
décoction de bardane, de chicorée sauvage, de fumetères 
les infusions, de petite centaurée , de camomiile, etc. 
Les sucs exprimés de ces plantes, surtout celui de 
fumetère, de cresson, de cochléaria procurent. souvent . 
d'heureux effets; il en est de même des sels neutres 
que, l’on ajoute aux tisannes à la dose de 2 ou 3 gros 
par pinte; en même tems on fera usage d’eau-de-veau, 
de poulet à laquelle on ajoutera des herbes raffraichissantes, 
Le soufre peut être prescrit à l'intérieur avec succès; 
la dose varie depuis r0 jusqu’à 30 grains. On peut y 
associer le calomelas dans les proportions suivantes, 


Æ. Soufre lavé — 18 grains, 

Caloimelas — 12 grains. | 
: Mêlez pour prendre chaque matin, à jeun. 

” Si le prurigo est du à un état de misère , on prescrira 
” de bons vins, celui de quinquina, ou d’absinthe, trois 
ôu quatre onces par jour. On aura soin d'entretenir la 
hberté du ventre par l’eau dé tamarin, dè casse qæ 
Tout autre moyen. 

Dans le traitement externe, les bains simples sont 
mis au premier rang, soit comme moyen curatif, soif 
comme accessoire ; ils ont souvent suffi pour procurer 
la guérison. Il faut avoir la précaution de les prendre 
tièdes : trop chauds ou trop froids , ils peuvent occasionner 


‘|. des accidens.. 


Les bains sulfureux. sont employés avec succès dans le 
prurigo ; ils augmentent l’appetit , ainsi que-la transpi- 
ration, Ils produisent quelquefois des éruptions rougeâtres 
qui disparaissent dans quelques: jours, des furoncles, 
la constipation, des coliques surtout si om n'a pas le 


MÉMOIRES. 137. 


soin de couvrir la baignoire, et que le malade respire 
une certaine quantité -de gaz hydrogène sulfuré. Les 
bains alkalins ne paroissent pas moins efficaces que les 
sulfureux : néanmoins. l’auteur donne la préférence aux 
deruiers, si ce n’est dans certaines .cireonstances. Il 
ranporte ensuite l'observation d’une femme de 44 ans, 
qui fut guérie d’une affection prurigineuse périodique, 
__ par l’usage combiné des bains sulfureux, des sucs d'herbes, 
du petit lait avec un sel neutre. 


Les bains de vapeurs aqueuses sont encore d’un ut 
secours, surtout quand l'affection est ancienne, quand 
la peau a contracté une sorte de rigidité, pour com 
mencer ou terminer le traitement, afin de redonner à 
cet organe toule la souplesse que la maladie lui fait 
perdre. Hs pourraïent être nuisibles si le sujet était jeune 
et pléthorique, avancé en âge ou très-affaibli, Dans 
certains cas ils peuvent encore rappeler l’éruption, et 
faire cesser ‘les maladies internes que la suppression du 
prurigo auräit -occasionnées. 


Les fumigations sulfureuses ont été souvent employées 
avec avantage dans le traitement du prurigo, mais dans 
quelques cas, on a été obligé d’y renoncer à cause. de 
lirritation qu’elles excitaient. Leurs effets varient selon 
leur température , le régime du malade; elles produisent - 
quelquefois de la céphalalgie, des syncopes, des défail- 
lances, de la gène pour respirer ;. etc. 


L'auteur a fait une suite d'expériences sur Îles effets 
des fumigations sulfureuses qu’il a constatées sur lui- 
méme. Jl a observé que les femmes les supportent en° 
général moins bien que.les hommes, qu'il est nécessaire 
sauvent de les combiner avec les bains de vapeurs 


178 MÉMOIRES. 


auqueuses, avec les hains simples ou sulfureux, T1 cite 
plusieurs observations à Pappui de ses asserlions. La 
19." observation nous offre lexemple dune femme 
âsée de 4o ans, a!faquée d’un prurigo violent , guérie 
par l'usage des fumigalions sulfureuses prises fous les 
deux jours. Cette même maladie chez un autre individu 
accompagnée de démangeaisons ardentes et d’insomnies, 
est guérie par les bains simples suivi des funigations 
sulfureuses et des hoissons amères. 


Ou met aussi en usage les linimens dans. le traite- 
ment de celle maladie, celui de M." Sumeyre, paraît 
Le plus convenable. 


, 


2. Racine de dentelaire. — deux on trois ni 


Haiïle d'olive. —— ‘ une livre. us 


+ On pile les racines, on verse dessus l'huile bouillante; 
on forme un nouet avec lequel on frictionne. Il est a 
remarquer que ce moyen ulile dans le prurigo ; a été 
nuisible pour la gale. 


. On a aussi essayé les pommades. Celles de soufre que 
l'on peut varier à l'infini ont paru mériter la préférence : 
on peut y associer d’autres substances, comme le savon, 
la potasse , etc. La suivante a été suivie de bons ekets.. 


4 ‘Soufre lavé. 


Chacun 2 onces. 
Savon blanc. 


‘ On mèle ces deux substances ; on fait deux fictions. 

par jour, une le matin, une le soir, en ayant soin 

d'en mettre très-peu aux articulations et d’en suspendre 

l'usage, lorsqu’ il se manifeste des rou geurs ; cette pommade 

n’a pis les inconvéniens de la malpropreté, Celles où 
: (à 


MÉMOIRES. . 159 
il entre ds plantes irritantes ont été esssayces. par 
Vanteur, avec des ‘effets si variés qu'il lui a été 
impossible den indiquer les résultats d’une . manière 
satisfaisante. Parmi les lotions. la suivante a été employée 


avec beaucoup. ‘de succès: 


_æ. Soufre précipité du sulfure de potasse. — une livres 
| Eau. _—— quatre livres. 


D faut agiter la liqueur chaque fois qu'on s’en sert. 
Uue fille de 16 ans qui portait un prarigo de naissance, 
‘a été promptement guérie pee l’usage de cette lotion 
sulfureuse. | | 

Ce traitement exige des modifications selon l’âge, le 
sexe, le geure de vie, les causes, etc. Les fumigations 
sulfureuses produisent des effets nuisibles chez les enfans, 
chez les femmes très-sensibles.. Les pominades ont les 
mêmes incouvéniens dans le bas âge. Alors on préférera 
la pommade sulfureuse ; on baignera les jeunes enfans 
dans une eau émolliente ou l’eau de son. Lorsqu'on se 
sert des bains alkalins, il est utile qu'ils soient précédés 
des bains simples. Il y a encore certaines précautions 
à prendre, lorsque l’on traite des femmes à l’époque de 
la menstrualion, soit que lon employe les lotions 
sulfureuses ou alkalines , les bains simples ou composés; 
ou est souvent vbligé de suspendre toute espèce de 
moyens. Il faut aussi avoir égard aux tempéramens; les 
‘émissions sanguines conviennent mieux aux sanguins, les 
_sels neutres, les délayans aux bilicux , lorsquil s’agit de 
disposer les malades au traitement du prurigo. Il est 
certaines constitutions, soit par l'effet de la faiblesse, 
ou d'une trop grande sensibilité, qui ne peuvent supporter 
certains médicamens ; il’ ne faut pas s’oppiniâtrer à 


/ 


140 ©: .  MÉMoIRres. 

employer des moyens qui finiraient par avoir de mauvais 
résultats. L'ouvrage que nous analysonis est terminé par 
un tableau fort intéressant d’où il résulte que 111.malades 
sont entrés à l'hôpital St.- Louis, pendant l’année 1819, 
pour réclamer la guérison du prurigo, parmi lesquels, 
il y avait 74 hommes et 37 femmes; les mois de l’année 
où il s'en est présenté le plus, sont le mois de maï et 
octobre ; les professions qui ont paru en être attaquées | 
de préférence sont l’état de lingère et de demesticité, 
Jes militaires retirés, les sapeurs-pompiers , les journa 
Hiers , les imprimeurs , les écrivains. 


_ Quoïque nous soyons entrés dans quelques détails 
assez étendus , néanmoins nous renvoyons à l’ouvrage de 
M." le Docteur Mouronval, ceux qui désireroient en 
avoir une connaissance plus complète. €e recueil d’ob- 
- servations qui sera.imprimé en entier sous peu, forme 
une Monographie précieuse d’une maladie très-commune 
et sur laquelle nous n'avions que des notions fort 
imparfaites. Sous ce rapport l’auteur a rendu un véritable 
service à la médecine. Sa position l’a mis à même d'’inter- 
roger la nature et partout il s’est montré son fidèle inter- 
préte. Ses assertions ne reposent que sur des faits, qu'il 
sera facile à tout Médecin observateur de confirmer par sa 
propre de 


Lx Docteur LEVIZ, 
Directeur de l'École de Médecine, 


_ Membre résident; 


+ 


MÉMOIRES T4 


AAA LAA AAA VAL LAS LAS LAS LAS LES AAA AUS LS AAA LAMAMIAAA ALIAS 


NOTICE SUR LE BLÉ-LAMMAS: 


Par M. HARBAVILLE, Membre résident, 


É est du devoir des sociétés agricoles de signaler à 
l'atlention des cultivateurs les variétés de céréales dont 
Ja culture peut être avantageuse. Parmi les variétés de 
froment, il en est peu qui se recommandent par des 
avantages aussi solides que le blé-lammas. Plusieurs 
sociétés d'agriculture ont publié à ce sujet des rapports 


_ qui ont engagé à tenter des expériences qui ont été 


couronnées du plus heureux succès: aussi la culture 
de ce blé qui n’avait été faite que par essai jusqu’en 
1799, s'est elle étendue assez rapidement, dans les 
départemens du Calvados, de la Seine-Inférieure ; de 
l'Eure , et autres contrées de la Normaudie, d’où elle 
s’est répandue plus lentement à la vérité sur plusieurs 
points de la France. Le blé-lammas est connu depuis 


. quelques années dans le département du Pas-de-Calais, 


mais sa culture ne s’y est pas propagée d’une manière 


sensible, soit que par des circonstances fortuites des 
essais aient été malheureux, ou que la force de l’habitude 
ait fait méconnaître le mérite de cette importante variété 
de froment. C'est pour détruire tout sentiment de défaveur 
{s'il en existait à cet égard) et pour exciter les cultiva- 
teurs à faire de nouveaux essais, que je vais présenter 
une suite de faits tirés des rapports de diverses sociétés, 
et notamment du rapport fait à la société de Caen, par 
M." Lamouroux, en 1813, qui prouvent que la culture 
du lammas est pour le moins aussi avantageuse que 


142 © MÉMOTRES. 
celle des autres variétés de blé, et qu’elle mérite d’être 
encouragé. 

Le blé-Jlammas est originaire de la grande Bretagne; 
on lé connait sous les noms divers de blé Anglais, 
de blé d’irdennes , de..chicot. rouge et de lammas, Îles 
Anglais le nomment blé rouge. I doit ètre classé parmi 
fes blés tendres; le chaüme fistuleux, court, d’une forte 
consistance, d’une couleur ropgeâtre, perd ses feuillez 
. de bonne heure. E’épi comprimé, lisse sur toutes ses 
parties et sans bardbes est d'au fauve rougeâtre très- 
© foncé. Le. grain tient peu daté la balle , il est plus 
court et plus gros que le franc-blé, plus court et plus 
petit que le gros blé, L’écorce- est trés-fine ; 


La préparation de la terre se fait pour le blé-lammas 
de la même manière que pour les. autres variétés. Il 
est néanmoins a observer que beaucoup de cultivateurs 
ont l’habitude de semer ce blé en planches ou plattes- 
bandes de quatre à vingt pieds de largeur; il paraît par 
Jexpérience que cette méthode a cela d’avantageux 
qu’elle donne aux céréales le moyen de résister à l'influ- 
_ence destructive des météores atmosphériques. Cette 
méthode d’ailleurs ne peut pas être générale, elle doit 
être subordonnée à la qualité des terres, et surtout à 
eur inclinaison. ” 

Le choix de la semence du lammas demande plus 
de soin, que celui des autres variétés; si on le mêle 
avec un blé quelconque, le premier sera mur, quand 
J'autre sera encore verd, ce qui entraine beaucoup d'in- 
convéniens: LS 

Le lammas étant un ‘blé précoce ‘doit être confié le 
premier à la terre, ordinairement à la fin de septembre 


— 


#* 
# 


MÉMOIRES. 143 


ou en octobre. La quantité de semence doit étre reglée 
suivant la qualité du sot,'à l’état de l’atmosphére et 
à l’époque des semailles. Si le pays est sujet aux vents 
et aux orages on doit semer clair, afin qu'éteadant ses 
racines, ce blé résiste d'avantage , enfin dans une bonne 
terre il en faut moins que dans une mauvaise, Il fant 
encore semer plus épais si les semaiïlles sont tardives. 


‘Le lammas exige comme les autres variétés de blé 
quelques sarclages , il résiste aisément aux tempêtes eË 
aux ouragans lorsqu'il a acquis toute sa croissance. On 
ne doit pas attendre qu’il ait acquis le dernier période 
de sa maturité pour en faire la récolte parce qu'il 
s'égrene aisément, et dans le cas ou la chaleur accele- 
rerait sa maturité il convient de ‘faire usage de la 
faucille äu lieu de la faux qui donne aux tiges de trop 
fortes secousses, | 


Le lammas est mur en même-tems que le seigle, 
avantage inapréciable dans les années de disette. 


Le chaûme du lammas est regardé comme le plus 
mauvais pour la nourriture des chevaux, et comme le 
meilleur pour la couverture des maisons, Mais si on 
le coupe avant sa parfaite maturité cet inconvénient 
disparaît en partie parce que la tige est moins ligneuse 
et plus savoureuse. | 

L'opération du battage est prompte et facile, un 
ouvrier bat 30 gerbes de franc-blé dans un jour, Île 
même ouvrier dans le même espace de tems fait le 
dépiquage de 36 gerbes de lammas. 

Dans une terre legére et. sablonneuse, le lammas 
donne un plus grand nombre de gerbes que les autres 
blés; dans les terres fortes et argilleuses les gros blés 


æ 


144 __ MÉMOIRES : 

produisent davantage. Des particuliers ont retiré un 
boisseau de grain de 5 gerbes de lammas, d’autres de 

4, de 3 et même de. 2 gerbes et demie. Il paraît par 
ce rapport inséré dans les annales de la société de la 
Charente, (novembre 1821 ), que le blé lammas produit 
plus à la mesure, mais pése moins que le blé ordinaire. 
Nous voyons encore dans les annales de la société de la 
Dordogne, que 20 livres de lammas. semées. dans un: pré. 
défriché , ont produit 440 livres de: très-beau blé; le 
froment des pays semé à côté a produit près de la moitié 
moius, et le grain était de mauvaise qualité. d’où l’on 
peat conclure que le blé lammas ne se brouillarde pas. 
Le grain dont il est ici question.pése 163 livres l’hectolitre. 


À quantité égale de grain, le lammas rend plus .de- 
farine et plus de pain que le frane-blé. La farine est 
_ aussi blanche et pas aussi liaeite; le pain est aussi 
btanc, plus friable, moins eelluleux, plus lourd, que 
celui du franc-blé et on le regarde avec raison comme 
plus nourrissant.. | 
- L'analyse chimique ‘indique qu'il est plus riche en 
_fieule amilacée, et moins en gluten que le franc-blé. 

À tous ces avantages, si l’on ajoute que le lammas 
est sujet À moins de maladies et résiste plus aux variations 
de l’atmosphère que les autres variétés ; que seul il 
prospère dans les terres à seigle ; et qu'il peut être 
moissonné 15 à 20 jours avant les autres , on se convaincra 
facilement, que les désavantages légers qu’on lui reproche 
disparaissent devant l’utilité réelle de cette culture dont 
adoption ne peut qu'augmenter les -richesses agricoles 
du département: | | 


MÉMOIRES.  . 145. 
EXTRAIT 

D'UN MÉMOIRE inséré dans la Biblivthèque universelle, 

(Juillet 1821), intitulé Emploi des Pommes de terre 

à la nourriture des Bestiaux ; ouvrage couronné par 


la classe d’ Agriculture du canton de Cénéêve en 1821. 


Le Auteurs du mémoire observent d’abord qu’en 
encourageant la recherche des moyens d'appliquer la 
pomme de terre à la nourriture des bestiaux, c'est tendre 
à élever ce tubercule au plus haut dégré d'utilité possible: 
c’est-à-dire sous le rapport agricole , transformer en plante 
fertilisante un végétal qui, considéré comme simple 
‘aliment de l’homme , épuise le sol par la culture, et sous 
ke rapport administratif, créer des greniers de réserve qui; 
dans les années d’abondance , sé transformeront en pro- 
duits animaux, et fourniront, dans les tems moins heu 
reux, un pain nourrissant et salubre. Après diverses 
_ expériences, les rédacteurs ont trouvé que le point essen- 
. tiel était de fixer la valeur relative des pommes de terre 
comparées au fourrage , dont le degré de qualité nutritive 
ue peut être déterminé d'une manière exacte, parceque 
la différence des terres en apporte une très -- grande dans 
la qualité des substances alimentaires, et parceque chaque 
race d'animaux et chaque individu digère, extrait et assi- 
mile d’une manière différente. 


MM. Favre, auteurs de ce mémoire, ont recherché 
. toutes les assertions qui ont été publiées contre l'emploi 
de la pomme de terre crue. Ils ont reconnu que ce iuber. 


146 MÉMOIRES. 

cule avait en effet une propriété relächante, qu'ils attri- 
buent soit à une qualité indigeste ou débilitante, ou à un 
principe âcre et irritant qui se modifie selon la qualité 
des terres, la saison, la maturité des racines, etc. ils 
se sont également convaincus que le reproche fait à Ja 
pomme de terre, d’une propriété abortive, est déuué 
de fondement, et que l’emploie de cette racine crue 
est, sans aucun inconvenient, lorsqu'on lui associe le 
fourrage sec, 


‘ Passant aux propriétés comparatives des pommes de 
terre crues et ‘cuites , les auteurs remarqüent que la 
pomme da, terre crue leste peu, et manque de propriété 
tonique, sa qualité laxative la fait passer trop vite. La 
pomme de terre cuite leste moins encore et représente 
par cette raison moins de foin que ce tubercule crü. 
Mais son eau de végétation étant combinée avec les 
principes nutritifs, elle fournit plus à Passimilation qui 
crée, répare et entretient. D'où ils tirent la conséquence 
qu’on ne doit donner la pomme de.terre cuite’ qu'aux 
animaux à l’engrais, et que l'emploi le plus utile de la 
pomme de terre crue , est de la donner aux vaches laitières 
“hachée ou pilée, parceque, privée par la pression d’une 
grande partie de son eau de végétation, elle réunit alors 
les trois propriétés qui constituent toute substance ali- : 
mentaire dans les proportions desirables. Ils conseillent 
de saupoudrer cette racine avec la farine de féveroles 
et du sel. Ils ont remarqué que tous les bestiaux man- 
geaient la pomme de terre pilée avec plus d’avidité que 
dans tout autre état. Ils recommandent la pomme de 
terre rouge longue de préférence à la j jaune ronde , comme 
contenant moins d’eau , et fournissant un huitième de 
plus de matière sèche. | 


\: 


MÉMOIRES. 247 
- La série des: expériences faites ‘pour fixer la valeur de 
la pomme de terre comme fourrage, prouve que cette 
racine en faisant les 72 centièmes d'une ration , équivaut : 
au 66 centitimes de foin. 


. En résultat, il ressort ce qui suit des expériences de 
M. Favre. 


Pour les vaches laitières 100 livres de pommes de terre 
crues ont remplacé 66 Hvres de foin, pour les vaches” 
sans lait, 100 livres n’ont remplacé que 50 liv. de foin. 

Cent livres de pommes de terre cuites données aux 
vaches laitières, n’équivaillent qu’à 37 livres de foin. 


Les pommes de terre crues ont augmenté le lait de 
_ 19 pour cent ; les pommes de terre cuites l’ont augmenté 
de 18 pour cent, 


Le lait perd en qualité, par l’usage des pommes de 
terre crues, à peu près ce qu'il gagne en quantité, 


Le lait des vaches qui ncnpebé des pommes de ièné 
cuites, a un avantage de 5 pour cent en qualité, sur 
celui des vaches qui mangent de ces racines crues; mais 
sa qualité est encore de 12 pour cent, inférieur à celle 
du lait des vaches nourries au bon foin seul. 


C'est. en pHotpe butireux que le lait perd de quel- 
que façon qu’on les donne. 


Sur le rapport du principe caséeux, la pomme de 
terre cuite a un petit avantage sur la crue. Ce principe 
est à peu près le même en, quantité dans le lait pro- 
venant du foin seul, ou dans celui provenant du foin 
mélé avec ces tubercules crus ou cuits. 


+48 | MÉMOIRES. 

Les pommes de terre perdent de. teur qualité nutri- 
tive en raison da progrès de la germination, mais cette 
différence est beaucoup moindre qu’on ne l’a cru, 


_ Elles ne doivent pas être associées au fourrage verd,' 
ik faut toujours donner en même-tems du fourrage sec. 


On voit par l'analyse du mémoire de MM. Favre, 
qu'ils ont traité d’une manière pleinement satisfaisante 
une question d’un grand intérêt pour l'agriculture en 
général. Sans doute il faudra répéter bien souvent encore 
les même vérités aux cultivateurs avant que la conviction 
pénètre et que l'effet devienne sensible. mais ce n’est 
pas une raison de se décourager, surtout lorsque l’on 
considère qu’il y a encore des départemens où la pomme 
: de terre n’est cultivée que dans les jardins, et où l’on 
méconnait les ressources immences que sa culture en, 
‘grand pourrait procurer. | | 


M." HARBAVILLE, Membre résident. 


MÉMOIRES, 149 


QU LUI LUS US CELA LU AUS LAS LE LUS LATVIA LAB LAUAATAUAAU 
OBSERVATIONS 
SUR LA CONSTRUCTION DES THERMOMÊTRES: 


Je ne réptterai pas ici ce que l’on trouve dans tous 
les élémens de physique, relativement aux précaulions 
qu’il faut prendre pour donner aux thermomètres toute 
la perfection qu'ils penvent ‘avoir ; mais je crois néces- 
saire de parler d’un fait particalier que j'ai eu l’occasion 
de remarquer piusieurs fois, ‘et dont la connoissance 
me paroît inlispensable pour éviter des erreurs dans 
la détermination da zéro de l'échelle thermométrique. 


On sait que ce zéro est précisément la température 
de la glace fondante, Oril n’est pas toujours aisé de saisir . 
l'instant où la glace commence à se fondre ; car on. 
trouve souvent que Îa température descend au-dessous. 
de zéro. Pour prévenir tous les doutes qui pourraient 
s'élever à ce sujet , il convient de piler la glace dans: 
un mortier, au milieu d’une atmosphère échauffée de 
quelques degrés ; et lors qu’on s’apperçoit qu’une partie 
de la glace est transformée en eau, on plonge le ther- 
momètre dans ce vase, en ayant soin de l’entourer de 
glace au moins jusqu’à la hauteur du mercure. 


Il est à remarquer que dans cette circonstance, les 
traités de physique annoncent que la température de l’eau 
reste constainment à zéro , tant que la glace n’est pas 
entièrement fondue. Appuyé sur cette assertion, j'avois 
voulu vérifier un thermomètre qui m’avoit paru douteux, 
et pour cela je l’avois placé dans un vase rempli de glace 
pilée; mais craignant que sa température ne füt trop froide, 
jy avois laissé séjourner mon thermomètre pendant une 
demi-heure. Au bout de ce temps je m’apperçus qu’une 


Tom. IV." 4." Liv, 10 


150 MÉMOIRES. 

partie de R glace éloit fondue- et que le thermomètre 
marquoit + 1°, alors j'enlevai l'eau et je vis que le 
thermomèfre reveuoit à zéro. 

On voit d'aprés cet exposé que l’eau de glace me se 
soutient pas à la même température pendant tout de 
temps de la fusion. 

Le calorique extérieur qu’elle reçoit élève sa tempé- 
ralure en même -temps qu’il augmente sa densité , et cette 
augmentation de poids la précipite au fond du vase où 
n'étant plus en contact avec la glace elle conserve une 
plus haute température. Voilà pourquoi le thermomètre 
qui plongeoit au fond du vase s’étoit élevé à 1°2, tandis 
que la surface supérieure étoit à zéro. Pour éviter de 
éemblables erreurs, on doït se servir d’un vase dont 
Je fond percé d’une ou plusieurs ouvertures puisse laisser 
écouler l’eau à mesure que la glace se fond. Cette précau- 
tion est d'autant plus nécessaire que la moindre quantité 
d’eau peut faire monter le thermomètre. L'expérience que 
- j'ai cilée en est une preuve convaincante : car le foud du 
vase ne contenoit qu’une petite quantité d’eau. 


_ Il est très-probable que c’est à cette cause qu'il faut 
attribuer les dissidences que l’on remarque dans quelques 
expériences, qui par leur nature particulière paroissent 
comporier une exactitude presque mathématique. 


Au nombre de ces expériences, il faut citer ceiles 
qui ont été faïes par des physiciens très-distingués pour 
déterminer ke maximum de densité de l’eau ; Rumfor | 
a trouvé que ce maximum était à la température de 
41 44» Dalton à 4°, 35, Lefevre-Ginau à 4°, 44, 
Tralles à 4°, 35, Hope, Gilpins et Blagden à 3°, 88: 
ÆEnûn Deluc porte cette température à 3°, 43. 


MÉMOIRES. Ait 
N° Biot paroit attribuer ces variations aux procédés 
œue ces physiciens ont employés pour fixer le térme de 
ébullition ; ils pense qu'ils ont pu négliger de plonger 
dans l’eau bouillante tout le tube de leur thermomètre: 
mais on peut démontrer l'insuffisance d’une pareille cause 
pour produire une différence aussi grande que celle qu’on 
remarque dans Îles résultats que nous avons cités. En 
effet supposons que l’on se soit contenté de plonger dans 
l’eau bouillante seulement le réservoir et; la petite partie. 
du tube qui s'étend jusqu’au zéro de léchelle, et suppo- 
sons aussi, pour aller au-delà de toute vraisemblance, 
qüe le tube au lieu d'acquérir la température de 100°, 
_ait encore conservé la lmpeemre de la glace fondante 
| puisque le mercure se dilate de 33 depuis zéro jusqu’à 
100°* 


La quantité de mercure qui ee dans Île tube 
au-dessus du sgéro de l’échelle est Æ du volume total; 
_parconséquent si cette colonne avoit été plongée. . 


leau bouillante, son volume aurait augmenté de ——. ‘ Æ ASE 
du volume total; la colonne de mercure étant divisée 
en 100°, +, de cette valeur forme environ 1°, 59: par 


conséquent chaque degré FRE être augmenté de 


1° 1°, 59 
= 0°, 0150. 
100 L 9 


. % * # 


D’après ‘cela, le- résultat ‘de Deluc se transformera 
en 3°, 42+ (3°, 42 )(o°, 0159) et malgré cette correc- 
tion , le maximum ne s’éleverait encore qu’à 3°, 474. 


C'est donc une autre cause qui a dû modifier ces 
diverses expériences, et cette cause réside , suivant mon 
opinion , dans la détermination du zéro de l'échelle 
thermométrique. | 


152 | MÉMOIRES. 


Je suis d'autant plus porté à émettre cet avis qu= 
jusqu'ici j'ai trouvé cette erreur dans la plupart des 
thermomètres que j'ai l’occasion de vérifier. 

“Si donc MM. Peluc et Fope qui, parmi les phy- 
siciens que j'ai cités, sont ceux qui sont parvenus 
aux résultats les plus faibles, si, dis-je, ces physiciens 
se sont servis d’un thermomètre où le terme de la glace 
fondante étoit d'un dégré trop élevé, leurs résultats 
cadreroient avec ceux des autres physiciens; car 3°, 43 
se changerait en 1°, + (3°, 43) 55 = 4°, 3957. 

Les expériences que j'ai faites en observant l’échauffe- 
ment d’un tonneau rempli d’eau de pluie, qui était 
primitivenent à 3°, m'ont indiqué que le maximum de 
condensation de l’eau se trouvait à la température de 
4°, 25: mais mon thermomètre n'ayant d'autre division 
que les simples degrés, il ne m’est pas permis de répondre 
avec süreté de - l'exactitude des fractions ‘décimales. 
Cependant ce résultat tend à faire voir que ceux de 
MM. Hope, Blagiee et Deluc sont réellement trop 
faibles. 


, Expérience , pour déterminer la pesanteur ‘ 
| SPECAUE de la . 


L 


.Un morceau de glace a, pesé. ......, D2g grains. 
enfoncé dans un vase rempli d’eau distillée 
il en a fait écouler un poids de. ...... 558gr., 75. 
529 
par conséquent Ja pesanteur spécifique, . . — >= 
A ‘ 296,72. 
= 0,94079. | | 
_ A Givet, le 45 Janvier 1820. 


Signé A. VÈNE, 


MÉMOIRES. 153 


VA LVVLELUT LUI LUE UVLLVIELUA VUE UVE UE EVEUVER LULU LE LUEUR URL VV LV 


RAPPORT 


Sur le Mémorre intitulé Observations sur la 
construction des T'hermormiètres. 


RARARAA ARR AAA RAS. 


A1 MN. ne $ 


» Nes A. VÈNE, Membre honoraire de la 
» Société Royale d'Arras , ayant voulu vérilier un 
» thermomètre qui lui avait paru douteux, l'avait placé 
» à cet effet dans un vase rempli de glace pilée; mais 
» craignant que Ja température n'en fût trop basse, 
» if y avait laissé séjourner son thermomètre pendant 
» une demi-heure; au bout de ce temps, il s’apercut 
» qu’une partie de la glace était fondue et que le ther- 
» momèêtre marquait 1° + au-dessus. de zéro; ayant 
» alors eulevé l’eau que contenait le vase, il vit que 
» le thermomètre revenait à zéro. » 

De ce fait exposé sans aucuns détails subséquents, soit 
sur la forme, la qualité et la capacité du vase, soit sur 
le volume de la glace pilée et la quantité plus ou moins 
consiléralile d'eau , fournie par la fusion d'une partie 
de cette glace, dans laquelle plongeait le thermomètre ; 
fait expérimental des causes duquel il est assez difhcile 
de se rendre raison, l'auteur du mémoire que nous 
examinons, conclut » 1° que l’eau de la glace fondante, 
» ne se soutient pas à la même température pendant 
» toute la durée de la fusion de la glace ( où l’eau à 
l'état solide passe à l’état liquide }; » 2.° qu'il est très- 
» probable que c’est au fait précedeut (qui n’a élé observé 
jusqu'ici par aucun autre physicien et qui, s'il existait 


154. MÉMOIRES. 


réellement comme M." Vère parait le croire; appor- 
ferait une différence sensible entre les degrés de froid 
ou de chaleur négative, capables de faire descendre. le 
mercure au Zéro, terme de la glace fondante pour chaque 
thermomètre en particulier ) » qu'il faut attribuer Îles 


» différences sensibles qu’offrent les températures attri- 
» buées au maximum de densité ide l’eau par de célèbres 


» physiciens et dont voici le tableau. » 


- TABLEAU de la Température à laquelle l'Eau 
acquiert le Maximum DE DENSITÉ. 


Pa 
d 
"TT 


TRAILES. 
Hoprr. 
GILPINS, 
BLAGDNEN 


fRumronn 


Semences |. 
Degrés de | 
chaleur 10 y, 
:. arqués par le + 9+4 
: 
Thermo:uètre 


Cependant le savant Biot, aussi bon physicien qu'ex- 


cellent géomètre, avait attribué, avec plus de probabilité 


encore , les variations que présentent les résultats de 
la table précédente, à la diversité des procédés employés 
par ces savants pour fixer le terme de l’ébullition des 
thermomètres dont ils ont fait usage ; car pour que le 
lerme de l’ébullition soit exactement le même, il doit 
être fixé sous la pression moyenne athmosphérique qui 
répond à une hauteur barométrique de 28 pouces ; hauteur 
qui n’a communément lieu qu’aux bords de la mer. 


L'auteur du mémoire, pour prouver ce qu’il avance, 
cherchant à réfuter l’opinion de M." Biot, compare entre 


MÉMOIRES. 155 


eux les résultats présentés dans le-tableau de l’autre part ; 
it cherche à corriger les plus faibles, pour les ramener: 
à la valeur des plus forts , qui sont ceux de Rumford et 
de Lefebvre-Ginau, et conclut toujours. d’après l'opinion 
qui. lui. est propre, que la cause qui à dù modifier ces 
différens résultats, réside dans la manière de déterminer 
le vrai zéro de l'échelle. thermomeétrique,, et il suppose 
à cet ellet fort ingénieusement que MM. Deluc et Hope, 
qui ont cbtenu les résultats les. plus faibles , se sont 
servis d’un thermomètre * dont le terme de la glace. 
fondante ou le zéro, était trop élevé d’un degré de 
l'échelle thermométrique (c’est-à-dire que la distance 
entre le terme de la glace fondante. et celui de l’ébulhtion. 
etait réellement trop courte d’un degré ou d’un 80."° 


#'Le thermomètre est composé d’un tube de verre, terminé 
eu forme de boule ou d’olive:et rempli es partie d'esprit de 
vin ou de mercure, deux fluides dont. les. dilatalions qu les 
contractions funt connaitre et reudent seusible à la vue Îles 
variatioas que subit la température des corps en communication 
aveo hài. Il en résulte que la colonue liquide qui occupe le 
tube s’allouge ou se raccourcit, à mesure que la chaleur 
augmente ou. diminue, ou en d’autres termes lorsque Îla 
température. athmosphérique s'élève ou s’abuisste. 


Ces mouvements de la coïonne liquide se mesurent à l’aide 
d’une graduation qui a deux limites distiactes, dont l’une 
répoud au point d’abaissement de cette colonne lorsque la 
température est celle de la glace fondante et l’autre le point 
d’élévation de la même eolonne , lorsque la température égale 
celle de l’eau bouillante prise sous la- pression d’une hauteur 
de mercure de 28 pouces dans le baromètre. 


Dans le thermomètre dit de Réaumur et dans celui nommé 
centigrade , le zéro de l’échelle indique également le terme 
de la glace fondante ; mais dans le premier l'intervalle compris 
entre ce terme et celui de l’eau bouillante est divisé seulement 


1556 : MÉMOIRES. 


ce la véritable distance # entre les deux termes } e#, 
. cette hypothèse adopiée, il arrive à des résultals très— 
rapprochés de ceux des autres physiciens. Enfin il conclut 
des expériences qu'il a faites lui-même sur l’échauffement 
de l’eau de pluie qui remplissait un tonreau et dont 
Ja température primitive était à trois degrés (au-dessus 
de zéro), que le maximum de condensailion de l’eau se 
lrouve à la température de 4°,25, et que par conséquent 
les résultats donnés par Fope, Gilpins et Blagden de 
3°,88, et par Deluc de 3°,43, sout réellement trop 
faibles ; le nouveau résultat présenté ici par M. Vène,, 
diffère aussi d’une manière seusille , de ceux de Rumford, 
Lefebvre-Ginau , Dalton et Ti. iles. 


Enfin il termine son mémoire par la fixation de la 
pesanteur spérifique de la glace, qui est selon lux 


/ 


SE D RE 0594679+ 


D'après ce qui précède on voit que l’auteur du mémoire : 


EE EEE 


en &o parties égales et dans le second ce nombre de parties 
égales est porté à 1Ioo, ' 


. La soudivision est continuée dans l’un et l’autre de ces 
thermotmètres au-dessous du zéro en parties égales à celles qui 


soudivisent l'intervalle supérieur au zéro compris entre les 
deux Jinites, : 


4 


* Pour éviter de semblables erreurs, M." Vène prescrit 
( dans uue note de son mémoire } de se servir d’un vase 
dont Île fond percé d’une ou de plusieurs ouvertures puisse 
* laisser écouler l’eau, à mesure que la glace qui s’y trouve 
» contenue se fond. Cette précaution est d’autant plus nécessaire 
(selon lui) que la moindre quantité d’eau peut faire monter 
le thermomètre, puisque l’expérience citée par lui en est 
* une preuve convaincante; car, dit-il, le fond du vase ne 
contenait qu’une petite quautité d’eau. 


L 


L 


LT 


ÿ 


N 


MÉMOIRES. y 


gar la construction des thermomètres prétend renverser 
et détruire les assertions reçues en physique sur la 
manière dont le calorique se comporte dans la fusion 
des corps solides, c’est - à - dire peudant le changement 
que ces corps éprouvent en passant de l'état de solide à 
celui de liquide et réciproquement, ‘dont nous allons. 
faire ici l’exposition succinte. | 


Lorsque par laccumnlation successive du calorique. 
dans un corps à l’élat solile’, tel que la glace par exemple, 
par suite de l’élevalion de la température cette glace se 
trouve en état de passer à l’état liquide, il se présente un 
phénomène très-remarquable, qui consiste en ce que les 
nouvelles quantilés de calorique, que fournit l’athmos- 
phère, depuis linstant où la glace entre en fusion ou 
se liquifie, sont absorbées par la glace à mesure qu’elle 
les recoit et se trouvent uniquement employées à fondre 
les nouvelles couches de glace par leiquelles elles sont 
successivement absorbées par voie de saturisation, de 
sorte qu’un thermomètre placé dans la glace qui commence 
à se fondre en se résolvant en eau, reste stationnaire 
au degré de zéro de l'échelle, jusqu’à ce que cette glace 
. soit entièrement fondue, 


LA 


L'on sait de plus par expérience que quand on a 
mêlé un kilogramme ou deux livres de glace, avec un 
kilogramme ou deux livres d’eau échauffée à 60 degrés, 
on obtient par la fonte deux kilogrammes ou quatre 
livres d'eau à la température de zéro, pour résultat de 
ce mélange ; d’où il suit que la glace en passant de 
l'état solide à l’état liquide ahsorbe 6o degrés de chaleur 
qu'elle enlève à l’eau chaude avec laquelle elle se trouve 
en contact. 


\ 


_ 


HR MÉMOIRES, 


Les physiciens ont nommé chaleur latente, celle qui 
est uniquement employée à faire passer la glace de l'état 
solide à l’état liquide et dont Peffet. devient absoJument 
nul pour le thermomètre, pour la distinguer de la chaleur. 
appelée sensible, qui est celle qui agit sur le thermomètre. 


‘ Lors dene que la. glace devient: liquidè, it y a une 
quautilé de chaleur sensible de 60 degrés, qui se convertit: 
en chaleur latente, en sorte qu’elle devient nulle à l’égardi 
du thermomètre et des corps environnants. 


L'objet du présent rapport étant de faire connaître à. 
la Société Royale d'Arras les résultats de plusieurs 
expériences faites par les Membres de la commission 
pour s'assurer de la réalité du fait que présente l’expé- 
rience de notre honorable collègue et pour observer s’il 
n’y aurait pas quelques circonstances innapperçues par 
lui, qui auraient pu comtribuer d’une manière soit directe, 
soit indirecle à la formation de l’anomalie qu’elle présente, 
par l'élévation subite de 1° + de la température de son. 
thermometre plougé daus'la glace pilée fondante et dans 
l'eau de glace fondue, pendant une demi-heure seulement ,. 
nous allons offrir ici à la Société Royale d'Arras le 
tableau comparatif des faits que présentent nos expérieuces. 


Le 6-Mars, les Membres de la commission se sont 
assemblés chez M." Terninck l’un d'eux ; et l’on y a mis. 
en expérience sur les 6 heures et demie du soir plusieurs 
thermomètres, que l’on a successivement plongés dans 
la neige à l'état de glace fondaute, contenue dans un 
vase métallique, supporté lui-même sur de la neige dont 
ou avait rempli un autre vase placé sur une table 


_ couverte en toile cirée ; tout cet appareil se trouvait 


. dans un cabiuet échauffé par un poële. 


MÉMOIRES. | 19 


Ces thermomètres sont tous successivement descendus 
à la température du zéro thermométrique, ferme de la 
glace fondante; et pendant plus de deux heures que les 
Commissaires en ont attentivement observé et suivi la 
marche, il ne s’en est trouvé qu’un seul, dans le mercure 
duquel on a cru remarquer une tendance à s'élever 
au-dessus du zéro d’une très-petite quantité et très- 
difficile à évaluer; les jours suivants MM." Terninck et 
Donop ; Membres de la commission , ont continué 
séparément leurs observations en variant leurs expériences; 
et en voici les résultats. 


._» M." Terninck a placé un thermomètre à bins 
» dans un vase de fer blanc qu’il a ensuite rempli de 
neige fondante bien entassée, de manière qu’elle était 
partout en contact avec Île thermomètre jusqu’au 
niveau de la calonne de mercure qui marquait zéro: 
comme le thermomètre touchait le fond du vase, üil 
a mis ce dernier dans une terrine de grès, au fond 
de laquelle il se trouvait déjà de la neige fondante, 
afin que le bas du thermomètre ne püût recevoir 
aucune chaleur de la cheminée en marbre sur laquelle, 
tout l'appareil était-posé auprès du poële. 


SEE VE VV Et + 


» Lorsque la neige a été un peu fondue, M." Terninck 
Va divisée en morceaux pour pouvoir la mettre de 
nouveau en contact avec le thermomètre et y ajouter 
de nouvelle neige fondante jusqu'à la hauteur de la 
colonne de mercure ; il a continué de faire ainsi, jusqu'à 


vait mêlée montât aussi jusqu’au niveau du mercure qui 
lui a paru toujours rester à la hauteur de zéro jusqu’à 
ce qu’il ne restât plus dans le vase que quelques petits 


» 
» 
» 
» 
» ce que l’eau provenue de Ja neige fondue, qui s’y trou- 
» 
» 
» 
» glaçons: cette expérience a duré environ 12 heures. 


EfO MéMOIRES. 


» Alors l’observateur a remarqué que le. mercure est 
“ monté dans le tube d’un. degré en. peu de temps et it 
» aurait été étonné de voir un changement aussi. subit, 
» si en regardant dans la terrine de grès, il n'avait pas. 
» vu que toute la neise y était entièrement foudue ; alors 
m il ne douta pas que cette eau avait acquis et commu- 
» niqué au fond du vase de fer-blanc dans l’eau duquel 
» plougeait le thermomètre une chaleur ou température: 


_ 


» plus élevée que zéro. » 


Il est donc probable que ce qui a. induit en erreur 
M." Vène dans son expérience c’est qu'il n’aura pas 
observé que son thermomètre touchait le fond du vase 
dans lequel il laura placé sans avoir eu la précaution 
d'empêcher le calorique de se communiquer au bas de 
Ja boule de son thermomètre par l'intermédiaire du fond 
du vase : il est également probable que beaucoup de 
thermomètres sont mal gradués parce que ceux qui les 
construissent ne prennent pas toujours cette précaution 
qui paraît essentielle ; car si » au lieu de mettre le. 
» vase de fer-blanc de l'expérience précédente sur de la 
» neise fondante, M. Terninck FPavait placé sur Île 
+ couvercle d’un poële allumé, le fond de ce vase et 
» le bas de la boule du thermometire se seraient indubi- 
» lablement échauffés et le mercure serait monté dans 
» Je tube de plusieurs degrés avant la parfaite fusion 
» de la glace ou de la neige. » | 


 ExpPfnriences De M.r DONOP., 


1. Le 9 mars à midi , on a rempli de glace 
ammoncelée en cône un vase de fer-hlanc, avant la forme 
d'un cône tronqué renversé (fig. À ) dont le foud avait 
un diamètre plus petit que celui de son ouverture. Ce 
vase métallique a été placé sur un autre vase de terre 


MÉMOIRES. 6x 
déià rempli de glace pilée et appuyé sur le dessus en 
bois “d’une console; le the:momètre était plongé dans 
le massif de glace pilée da vase mélallique à 88 millimètres 
au-dessus du zéro, le dessous de la boule étant élevé: 
de 4 milliniètres au-dessus du fond du vase; au bout de 
cinq beures, l'eau proveuue de la glace fondue et dans 
laquelle plongeait le thermomètre , s'élevait dans le vase 
à- une hauteur de 59 miilimètres au-dessus du fond, et 
le thermomètre qu’on en a retiré marquait exactement 
zéro, soit à 4 millimètres du fond, soit à la surface 
supérieure du liquide. | 


2.° Le 9 mars à 5 heures 45 minutes du soir, on 
a mis de la neige réduite en petits glaçons et fondante 
dans un: vase de terre ( fig. B ) que l’on a mis sur le 
fond d’un tonneau placé debout dans une cave; on 
a plongé le même thermomètre dans cet amas de neige 
fondante , qui recouvrait les parois du tube au-dessus du 
zéro du thermomètre à 53 5 millimètres et on a laissé ce 
vase de terre en expérience au mémelieu, jusqu'au lende- 
main 10 mars à Gheures 45 minutes du matin ; et pendant 
cet espace de 13 heures la neige fondue mélée d’eau 
s'était abaissée dans le vase jusqu’à 6 + de millimètres 
au-dessous du terme de la glace fondante, et le mercure 
da thermomètre dont la boule plongeait encore en entier 
_ dans cette masse d’eau et de glace marqaît exactement zéro. 


3° Le rt mars à 8 heures du matin, l’on a plongé le 
thermomètre dans une masse d’eau et de glaçons flottants 
contenue dans le vase métallique de la 1."° expérience 
placé dans une chambre dont la température était à 
15 degrés au-dessus de zéro, et en 5 minutes le thermo- 
mètre y est descendu à zéro; on l’y a laissé jusqu'à ” 
1 heure et demie après-midi, et l'ayant retiré alors il ‘ 


162 " MÉMOIRES. 


raarquait encore zéro. On l’a replongé. dans le fluide 
dont toute la glace n'était pas fondue , il marquait 
toujours zéro; ayant alors enlevé promptenrent toute la 
glace encore suspendue dans l’eau, on en a retiré le 
thermomètre au bout de une miuute et il était déjà 
_ monté d’un degré, mais au bout de 5 minutes il mar- 


quait + 1° :. 

4. Le 11 mars à 2 heures après-midi, on a jeté 
toule l’eau contenue dans le même vase que l’on a 
rèémpli de nouvelle neige glacée et fondante.bïen empilée 
et foulée au tour du thermomètre jusqu’à une hauteur 
de 60 millimètres au-dessus du zéro. Ge vase a été posé 
ensuite sur une table couverte en toile cirée et sans. 
autre intermédiaire. Lorsque à 4 heures après-midi, le 
niveau de l’eau fournie par la glace fondue s’élevait 
déjà à 26 millimètres au-dessus du fond du vase, le 
thermomètre qui jusques là avait marqué zéro était tout 
à coup remonté à 6 dixième de degré au-dessus du zéro, 
et l’on. observa de plus que le reste de la masse de glace 
fqndante et appuyée sur le fond du .vase , dans laquelle le 
thermomètre se trouvait encore renfermé, offrait dans son 
centre et à la surface supérieure une sorte d’entonnoir 
qui s'était formé autour de la partie supérieure du tube; 
Ja partie la plus basse de l’entonnoir était encore de 
2 4 millimètres plus élevée que le zéro du thermomètre. 
Ayant alors fait écouler hors du vase toute l'eau qu’il 
contenait et retassé la masse de neige restante autour 
du thermomètre , il y est redescendu à zéro en 5 minutes; 
il était alors 4 heures et demie du soir: dans cette 
dertiière expérience le fond du vase portait sur une table 
couverle en toile cirée placée dans une chambre dont 


4 


la température était aussi à 15 degrés. 


. 


MÉMOIRES. 105 
5.9 Le raimars à 6 heures 15 minutes’ du soir, le 
même vase a été rempli encore une fois de neise glarée 
à ras el placé dans la chambre sur. une table en bois : 
à 8 heures R glace était fondue en partie et l’eau qui 
provenait de sa fusion ne s'élevait alors qu'à 2r milli- 
mètres au-dessus du fond du vase ; on en a alors retiré le 
thermomètre qui marquait + :° en sortant de celte eau. 

6.° Le 13 mars à 10 heures et demie da matin, on 
a replacé le thermomètre dans une masse de glace pilée, 
contenue dans le même vase métallique et il y est de 
suite descendu à zéro; on l’y a laissé jusqu’à à heures 
53 minutes du soir et une partie de la glace était fondue ; 
on ena retiré le thermomètre et il marquait tou;ours zéro. 

Cette masse de glace provenait d'un reste d’eau de 
pluie, amassée au fond de ce tonneau placé sous la 
goulière; lors de l’ouverture du dégel, cette glace ayant 
éprouvé le contact de l’eau de neige fondue descendue 
par l'échenie jusque dans le tonneau, a commencé à se 
fondre aussi en formant une ouverture conique renversée 
placée dans son centre et par laquelle l’eau s'étant commu- 
niquée au-dessous de cette masse de glace , celle-cis’est 
fondue daus la partie inférieure en y laissant un vide 
cylindrique; le niveau de l’eau de la fonte s'élevait à 
108 millimètres au-dessus du fond du tonneau ; ayant 
le 13 mars à midi plongé le thermomètre dans l’eau 
pendant 30 minutes au-dessous de la glace même et 
à 5 millimètres au - dessus du fond du tonneau, il 
marquait zéro ; il marquait également zéro à la surface 
de l’ouverture conique du centre de la masse de glace. 

Le lendemain 14 mars à 11 heures du matin, Île 
thermomètre plongé dans la même eau et à 5 millimètres 


me. re ER ete RER EEE” AT neue à 


— gere rec RUE 
* Observations faites les 13, 14et 15 mars, sur de la glace restée 
dans Je fond d’un tonneau , placé à l'air libre, à l’ombre et au nord. 


164 __ Mésorr Es. 
du fond, marquait une np de + :° et à la 
surface du fluide + ? ou £ de degrés. 


Le 15 mars enfin, l’eau du tonneau , quoique toujours 
en contact avec une ee de la sise, avait acquis une 
température de + 1° 3 ainsi qu'on s’en est convaincu 
en y plongeant le nes | 


En “on perens entr’elles les expériences précédentes, il 
en résulte 1.” que deux circonstances tendent réellement 
à faire monter ke mercure dans le thermomètre au-dessus 
du terme de la glace fondante, le zéro thermométrique. 
La 1." lorsque le vase contenant la glace pilée ou la 
neige fondante, touche immédiatement par son fond un 
corps dont la température se trouve déjà au-dessus du 
zéro; la 2."° Jorsqué la partie du tube du thermomètre 
située au-dessus du zéro , a le contact de l'air exterieur 
en cessant d'être suffisamment couverte de glace ou de 
neige. Hors ces deux cas, tant que la glace n’est pas 
entièrement fondue , l’eau de la glace fondante a une 
température constante, marquée et rendue sensible par 
le zéro thermomètrique. 


2.° Que les limites du temps nécessaire pour produire 
une élévation sensible de la température de l’eau de 
la glace fondue, sont assez variables puisque nos expé- 
riences donnent pour ce temps de deux à 48 heures. 


3.° Que l’une des deux circonstances précitées et peut 
être toutes les deux réuuies ont concouru À produire 
l'élévation subite de la température de la petite quantité 
d'eau, dans laquelle M." Vène dit que plongeait la boule 
_de son thermomètre et que s'il n’eût pas abandonné 
l'observation de son instrument pendant la demi-heure 
qu'il l'a laissé plongé dans la glace fondante, il se fût 
sans doute rendu raison lui-même de l’anomalie que 
| présente 


MÉMOIRES. | 165 


présente son observation et ne s’en füt pas appuyé pour 
renverser Ja théorie reçue en physique, du changement du 
calorique sensible en calorique latent pendant la fusion 


"de la glace qui passé de l’état solide à l’état liquide et 


\ 


qui absorbe à cet effet 60 degrés de chaleur. Nous 


croyons donc qu'avant de prononcer sur la nouvelle 
théorie du calorique qui résulterait du fait expérimental 


cité par M. Vène, il faut l’inviter à refaire une suite 


de nouvelles expériences, avec de bons thermomètres, 
dont les résultats présentent tous le même phénomène, 
sans aucune différence, ni aucune anomalie. 


Enfin, quant au moyen que présente l’auteur des | 


observations sur la construction des thermomètres, pour 


fixer le zéro thermométrique , sans erreur sur le véritable . 


. degré de la glace fondante,. et qui: consiste, suivant la 


note que nous avons déjà citée, à employer un vase 
percé de trous dans sa partie inférieure; il se trouve 
indiqué depuis long-temps ; quoique sous une autre 
forme, dans la 1." encyclopédie, à l’article thermomètre, 
par Dom Casbois, Bénédictin très-savant, principal du 


collége de Metz, qui employait à cet effet des clayons 


en bois, sur lesquels il plaçait (dans une cave profonde) 
la masse de glace fondante dans laquelle il plongeait 


les thermomètres dont il voulait fixer avec une grande 


précision le zéro, limite inférieure de l’échelle thermo- 
métrique. | 


À ArRA4S, le 3 Juin 1820. 


B. TERNINCK. LEVIEZ, d.-m. MERCIER , d.-m 
CH. DE DONOP, A. HALLETTE, Fil, 


Tor: IV." 4 Liv. 11 


166 MÉMOIRES. 


NOTES - 


Sur les Fractions décroissantes périodiques, leur 
application à la théorie des nombres et à la 
résolution des équations imdéterminées. 


Par À. V ÈNE, Capitaine au Corps Royal du Génie, 
Membre honoraire de la Société Royale d’ Arras. 


——"0 Cie Do —-— 


Le. veut réduire une fraction ordinaire en . 
d’autres fractions, dont les dénominateurs soient formés 
par les puissances d'un même nombre, on est condait 
à des fractions plus générales que les fractions décimales, 
mais qui ont avec elles beaucoup d’analogie. 


Prenons pour exciple la fraction ordinaire ; z et pro- 
posons-nous de la réduire en une suite équivalente de 
fractions , dont les dénominateurs soient g, ou une 
puissance de 9. 


Muitiplions à cet effet le numérateur 1 de la proposée 
par 9, et effectuons la division du produit 9 par le 
dénominateur 4; nous obtiendrons pour quotient 2 et 
pour reste l'unité : mais comme la fraction a été rendue 
9 fois plus grande lorsqu'on a multiplié son numérateur 
1 par 9, il faut maintenant diviser le quotient 2, que 
nous avons obtenu par 9, et cette opération nous donne 
pour véritable quotient 3: cela posé multiplions le reste 
a de Ja 1." opération par 0; et divisons ce second produit | 
par 4 (dénominateur de la proposée :), nous aurons 
encore 2 pour quotient et 1 pour reste. Mais comme 


MÉMOIRES. 167 
Je reste de la 1." division était 9 fois trop grand et 
qu’ensuite on l'a multip'ié par 9, le quotient de: la 2." 
opération se trouve 9 » 9. fois ou 9.* fois trop grand et 
‘pour le réduire à sa juste valeur, il faut le diviser par 
9." ; en continuant à opérer de même sur chacun des 
restes, on trouvera que la fraction ? égale la suite des 


— 2,2 ,.2 2 
fractions Fi a + re + x + etc. (a) 


Nous désignerons sous le nom de Module le nombre 
“9, dont les puissances forment Îles dénominateurs des 
fractions décroissantes , qui expriment les quotients 
partiels de la division au moyen de laquelle on trans- 
‘forme la fraction ordinaire proposée. 


Si on avait la fraction périodique T SAP _ £ 
À + etc. C'est le nomhre 8 qui en serait e module. 
Pour rendre nos calculs plus simples » nous écrirons ces 


fractiqns à la manière des fractions décimales, en ayant 
soin d'indiquer le nombre qui sert de module ; en vertu de 


” (a) Eten effet en transformant ces fractions en fractions 
décimales on aura  ., = 0,22222222222221222222 


LS = 0:02469135802469135802 

rs — 0,00374348422/965706,4 

+3 ‘= 0,00030483158055174516 
etc. , etc. 


et leursomme est équivalente à 0,249951890052/3103184 
ou à 0,25 à moins de 4 cent mil.®"* 


c'est-à-dire à 2, 


168 MÉMOIRES. 
es conventions nous écrirons + = © (9222 222 etc. et 
Jon se rappellera que chacun des chiffres devient neuf 
fois plus petit à. mesure qu'il s'éloigne davantage de la 
*virgule. La fraction périodique simple 0,(5)33333 ete. 
dont le module est 8, n’est en effet autre chose que la 


suite de fractions décroissantes ( à + à 7 5 + mn + 


r £ | ÿ ete. ) égale à la fraction S. 


Si nous nous proposons pour second exemple, de 
réduire la fraction ordinaire : en ane suite de fractions 
. décroissantes ayant le nombre 7 pour module; nous 
multiplierons par 7 le numérateur 2 et divisant le 
produit 4 par le dénominateur 5, il viendra 2 pour 
quotient et 4 pour reste ; on multipliera aussi ce reste 
par 7 et l'on continuera la division par 5, comme on 
Je fait pour réduire une fraction ordinaire en fractions 
décimales, (1) avec cette différence qu’au lieu de ‘mul- 


(1) Si en eflet on proposait de réduire la fraction 
ordinaire ? en une suite de fractions décroissantes dont 
Je module soit 10 ; multipliant par 10 le numérateur 3, et 
divisant par 7 le produit 30, il viendrait 4 pour quotient 
et a pour reste et la 1." fraction serait # ; multipliant 
de même le 1." reste 2 par 10 et divisant le produit 20 
par 7 il viendrait 2 pour. quotient et 6 pour reste et 


e e 2 Q . . e é 
la ».° fraclion serait — ; continuant ainsi à multiplier 


Li 


le 2.° reste par 10, et à diviser par 7, on aura pour 
. 8 | à . pe e 

3° fraction TEL pour 4.° fraction sai pour 5.° fraction 
Li enfin pour 6.* fraction mais ici le 6.° reste est 
le nombre et la période qui a six chiffres recommence, 
ce qui fait voir- que les fractions décimales ne sont qu’un 


MÉMOIRES. 169 
tiplier chaque reste par 10, on le multipliera par le 
module 7, et par ce moyen on aura la fraction pério- 
dique composée AUTTAR a54r. etc. dont la période est 
de quatre chiffres. | 

Le premier chiffre je Ja eue est censé divisé 
par 7; le second par 7.; le 3.° par 73 le Ée par 


7.+ etc. ec que * : égale (7 +È Fe 74 — + 
+2 “rte ete. | 


D réduire la fraction ordinaire 
+, en une seule de fraction décroissante dont le module 
soit 2, on aura ; = o,(? Jorotôt etc. cette fraction est 
es comme Je ne et elle équivaut 


Aire tStetrtete) 


ou bien VE — Et 15, DE ete). 


c'est-à-dire ( 2 e- ea te FR cr4 += t elc. ) 


1024 
Des exemples que nous venons F citer, nous tirons 
une règle générale, pour convertir les fractions ordinaires 
en fractions. décroissantes. Celte règle consiste à niul- 
tiplier le [numérateur de la fraction proposée par le 
module et à diviser le. produit par le dénominateur de 
la même fraction. Si la division se fait exactement , le 
nombre des fractions partielles décioiïssantes est limité et 
fa fraction se termine ; maïs si la division laissê un reste, 
on multiplie ce reste par le module et l’on continue la 
division, comme à l'ordinaire en mullipliant chacun 
des restes auecessifs par le module et plaçant les chiffres 
du quotient les uns à la suite des autres. 


cas particulier et la fraction à égale donc 0 ("242 857 L, 


428571 etc. 


170 MÉMOIRES. 
Si les mêmes resles se reproduisent dans le cours 
de l'opération, le résultat de la division devient pério- 


dique ; dans le cas contraire la fraction décroissante se 


termine et n’a qu’un nombre fini de termes. 


Si par exemple, on réduit la fraction :£ en fractions 


25 


déciomentce dont le module soit ‘5, on trouvera la frac— 


tion finie non-péricdique AS En = (ii = = =). 


DES FRACTIONS PÉRIODIQUES DÉCROISSANTES. 


RRRARPRARARARRARA RES 


| à | 
_ La fraction ordinaire a <rgendrera une fraction pério- 


dique toutes les fois que le dénominateur d contiendra 
un facteur étranger au modute m. En effet lopération 


que nous avons indiquée pour transformer la proposée 


© en fractions décroissantes s ayant m. pour module $ 


consiste à faire successivement. 


amædq {tr (1) 
..rm=dg'#tr" (2) 
med qd"+r” (3) 

rm=dq'{frr (4) 

r’m=dq"+tr" (5) 

etc. . etc. 
rm — dqtrt (n) | | 

Multipliant maintenant l'équation (r) par malt) ; 
l'équation (2) par m(t-2) ; l'équation (3) par C3); 
l'équation (4) par m(t"4) , et ainsi de suite , et ajoutant 


toutes les équations ainsi multipliées on obtiendra 


l'équation formulaire, 


don me 


ms = ne. 


à 


MÉNOrRES. 171 


ami = à { gmt=e f q'mt= t g'mi- à 


d'm'—*fetc. f q'} fr'(A) 


Si la fraction n’est pas périodique, c’est-à-dire si l’on 
parvient à un reste r” égal à zéro ou nul, le second 
membre de l’équation.( A) sera divisible par d, en sorte 
que a m° sera ‘aussi divisible par le dénominateur: d de 
la proposée, et comme a et d, n’ont pas de facteur 
commun, cette division ne peut se faire exactement 
que lorsque le nue m, contient tous les facteurs 
premiers de d. 


Supposons que la fraction devienne périodique immé- 
diatement après la virgule , et que la période, se composé 
d’un nombre de chiffres égal à t; alors le reste r° sera 
égal à a, et l’équation A; prendra la forme. 
am'=d ( q m*+ q"m'?+.....+ qd") ). fa. 
oua(mtr)= d (qm"+q'm" "#4 d").(B) 

Enfin on tire de là | | . 
a qmt"” 4 qg'mttr? + q(? | (0) | 
— à | . 8 . 

d. | (mN_— 1) 


Et cette formule ‘fournit une règle générale pour 
réduire une fraction périodique décroissante en faction 
ordinaire. 


Lorsque m= 10, (m0 1)=( 10 )'— 1, égale 
autant de 9 qu'il y a de chiffres dans la période. 


Supposons maintenant que la période ne commence 
pas immédiatement après Îa virgule, mais après les 
\ ° « 


72 _‘: MÉMOIRES. 
. ! M. (k | | 

chiffres 4, q, d'os q È qui sont au nombre 
de k; dans ce cas la fraction qui forme la période est 


t-7 t-2 ' t 
, dmctgm' tt 0, (D): 
m° (m1) | 

En effet en avançant la virgule jusqu’à Ja période, 
Ja partie fractionaire devient égale à la formule (C ); 
or en avançant la virgule d’un nombre de rangs égal à 
k, on rend la fraction mk fois trop grande et pour 
la ramener. à sa valeur, il faut , en la divisant par mb, la 
mettre sous la forme donnée par la formule (D }. 


égale 


“La partie de cette fraction qui n'est pas périodique 
g q” <s ; 
est égale à — Fes 3 T osuse +25 set en réduisant 


ces fractions ru au nine Fous Pi elle se 
ue en 


mé q'mE &) É 
met... 4 | 
m | 


Ainsi donc la fraction ordinaire _ est égale à la 


_somme des deux fractions (D). et (E). 


‘ 
Et l’on a. | 
a_« ne Ligne 24. HE - quid t-2 24.4 q0) 
= il 
d | mi) er (m'—1) m{(K) 


ou enfin en les ajoutant 

à Gate) {nt gt 2 tg00) tafont Etglmt ts, 
qd (m'—1) (m') | 
(EF): : 


Î 


da: 


MÉMOIRES 173 

- ; } 

Si l’on prend m — 10, la formule (F) donne fa 
règle prescrite pour la réduction des fractions péric= 
diques décimales en fractions ordinaires, lorsque la 
période ne commence pas immédiàtement après la virgules 


THÉORIE DES NOMBRES. 


Faisant disparaître les dénciiuateuns de l'équation 
formulaire (F), il viendra 


am (m'-1)= à am 1) {qi gen #5F gt tam 
+q'mt" + +q" 1 


Mais le second membre de .cette transformée élant 
. divisible par d, il faut que le 1° membre a mk (m'-1) 
soit aussi divisible par d; mais puisque les nombres 
a, det m, v'ont aucun facteur commun, c’est (m' ne 
qui sera divisible par d. d 


Lorsqu'on convertit la fraction 2 en fractions pério- 


diques, on trouve suéceseisenent des restes qui sont 
tous’ plus petits que d, et le nombre de ceux qui son 
inégaux ne saurait surpasser (d—1 )et comme ce sont 
ces restes inégaux qui produisent les chifires de la 
période , dont le nombre a été désigné part, ce dernier 
nombre est toujours plus petit que d; et delà il résulte, 
un théorème remarquable qu’on peut énoncer de la. 
manière suivante. 


» Dans la suite des puissances, m,m*,m3,.,..m' 
» inférieures au nombre d, il existe un terme m‘' qui 
» divisé par d laisse un pour reste. 

Sid ést un nombre premier, l’exposant t sera (à — t) 
ou un diviseur de (d— 1) 

En effet, si t'est le plus petit exposant | pour lequel 
m' divisé par d laisse {1 pour reste, les puissances 


CA _ MÉMOIRES. | 

inférieures m, m*;, M$... ml Jaisseront des restes 
inégaux et différents de l'unité, après avoir été divisées 
par d. Mais les puissances. multiples. rm', m°t,m$"..mts 
daisseront toutes l'unité pour reste, tandis que les puis- 
sances intermédiaires , mttt, mti2,....… jusqu'à m°?", 
laissent les mêmes restes, que- les. puissances a , a°; 


a3,..... at}, du numérateur de la fraction 5 et 


” Fon aura 


LE mt = dq+e 
d’où mttt = mdq+ m=—dmgq+m 
mt = m'dq+ m°=—dm'q+t m* 
mtti — m°dq+ m°— dm°q+t m? 
. etc. RS etc, . | ER 
| De sorte que dans la suite infinie des puissances m, 
m°’, m5,m*#,m°......,. etc. m”,..il n’y a que m',et les 
multiples m2‘, m3, mt, etc. qui divisés par d ,. puissent 
laisser 1 pour reste; dont si m-T Jaissait 1 pour reste 
étant divisé par d, il faudrait en conclure que (d— 1) 
est égal à t ou à un multiple de t.. 
Cela posé , divisons successivement par d; les nombres 
m,2m,3m....... (d—:1)m, il viendra 
m=dqtr | 
2m=dq+tr 
3m—da'tr 
| 4m=dqtr" 
etc. etc. 
(d— 1) m=dqé-2 t r(d-2) 
".Muitiplions toutes ces équations , l’une par l'autre 
nous aurons !/ 1, 2. 3. 4... (d—1) mil d Qt 


rem} (CG) 


Lun 


MÉMOIRES. 175 
Q étant gne fonction de (Cd, q, qqg'ietcr, r,rf, r etc. } 
Or tous les restes r, r', r”,... LE sont inégaux ; car 
s'il y avait deux restes égaux, tels que r, r”, on aurait 
(4m—2m)—2m=d (q"—q'}), de sorte que m 
serait divisible par d. 

Puisque ces restes inégaux sont plus petits que le 
nombre d, leur produit Cr, r,w...n2)= 1,2, 3,525 
(d—:1) et substituant cette valeur dans l'équation (G) 
elle deviendra. | 
(u23.4....d— 1) mit — à Qté. 2.3.4... (d-1)} 
ouf1.2.3.4: (d—1)} {m1}. | 

Le second membre de cette ee étant divisible ‘ 
par d, il faut nécessairement que (mi Re 1) soit aussi 
divisible par d ; car le facteur {r.2. 3. 4....(d — 1) 


ne saurait être divisé par le nombre premier (d). 


Ainsi donc m-!, laisse 1 pour reste lorsqu'on le 


divise par'd, et le nombre t est — (d—:) ou à 
un facteur de (d—1), | 


| RÉSOLUTION L 
des E quations indéterminées du 1 «* degré. 


La solution de l'équation a x — b y— c se déduit 
de celle de l’équation ax—by= 1, en multipliant 


les valeurs de x et de y qu’on obtient de la seconde 
par le nombre c. 


Occupons nous donc de l’équation ax—by= 1. 
nous supposons que les coefficients a et b sont des 
nombres premiers entr'eux, parceque dans le cas con- 


traire l’équation PERposée ne serait pas solvable en 
nombres entiers, 


176 MÉMOIRES. 
Cela posé , si je iéduis la fraction aL en fractions 


décroissantes ayant a pour module, on obtiendra 
- une fraction périodique , et si t est le nombre de chiffres 
de la période, (a'— 1} sera. divisible par b., . ‘sorte 
qu'on aura l'équation (a —1})= bQ, ou (aa 31) 
—bQ, d'où a. a bQ= 1. Cette équation compa— 
rée à la propsée a x — : y —= «+ nous donne pour 
x et y les valeurs x— a Tet ÿ = Q. 


La même équation sera satisfaite, si l’on met à fa 
place de x et y, x:tbz ét yHaz, car substituant 
en effet dans. la proposée ax—by— 1, x#+bz au lieu 
de xet y +az, à la place de y, il viendra a x + 
abz—by 'abz=ær, les deux termes + ab z et 
Xabz qui ont des signes contraires se détruisant. 

Le moyen que nous venons d'indiquer pour résoudre 
les équations indéterminées du 1." degré, nous parait 
préférable aux procédés qu’on suit ordinairement et 
qui consistent à réduire £ en fractions. continues et à 
calculer la fraction convergente qui précède L5 et l'avan- 
tage de notre rnéthode résulte ‘de ce que nos recherches 
se bornent à déterminer le nombre t des chiffres de 
la période, ce qui est souvent facile; et ‘lorsque ce 
nombre est connu, les tables de logarithmes peuvent 
être employées de la manière la plus commode pour 
calculer (at-1) et Q , qui donnent les valeurs de x et de y. 


Si le nombre b est un nombre premier, on sait que 
a d-2 = bO+: où a. d72 bQ—.1, alors faisant 
x— a, a(@P°2) et y==Q, on aura sans tâtonnement la 
_ solution de l'équation indéterminée ax—by==1. 


MÉMOIRES. 5 177 


NOTICE 
Sur la Vie et les Ouvrages de JEAN MOLINET, 
 Poëte et Historien du 15 siècle, Chanoine 
à Valenciennes: | 


Par G. A. J. HECART,, Membre résident, 


MAAAM AAAAAA ARAAAR 


Liu du Maine fait naître Jean Movies à 

Valenciennes ; mais il est certainement né à Desvres, 
(Pas-de-Calais), vers le miliea du XV.* siècle selon 

l'abbé Goujet *'et vers 1430 ou 1435 selon Beauchamps ** 
- qui ne cite pas ses autorités ; il fat aumônier et bibliothé 

-caire de Marguerite d'Autriche , gouvernante des Pays-Bas, 

et historiographe de Maximilien 1. ; il mourut à Valen- 

cieunes en 1507, et fut enterré dans l'église du Chapitre 

de la Salle dont ïl était Chanoïine; ‘voici son épitaphe 
rapportée par Doutreman ,*** elle ne laisse aucun doute 

sur le lieu de sa naissance. | | 


Me Molinet peperit Divernia Boloniensis, 
Parisius docuit : aluit quoque V'allis cygnorum Gÿ 
Et quamvis magna fuerit mea fama per orbem; 


Heæc mihi pro cunctis fructibus aula fuit. 


# Biblioth. franc. ** Recherche sur les Théât, de France, 
Tom. 1." p.279. suiv. *## Hist. de Valenciennes , p, 379. 


(4) On ne saurait dire pourquoi Foppens substitue amorum à- 
Cygnorum, si ce n’est pour la mesure des vers; il est pourtant 
présumable qu’il a pris dans Doutreman ce qu’il dit de Molinet 
V. Biblioth. Belgia. Tom. 2 P. 697. Il faut convenir que la. 
substitu'ion n’est pas heureuse, outre qu’elle blesse Ja vérité 
historique, la allée des amours ne convient guère pour être la 
derneure d’un Chauoines | 


178 MÉMOIRES. | 

Simon Leboucq qui rapporte aussi celte épitaphe de la 
| même manière, la fait suivre de ces vers. dont il ne nous 
fait pas connaître l'auteur ; je crois faire d’autant plus 
de plaisir à mes lècteurs en és transcrivant ici, que 
je les crois inédits. 


Dis moi, qui gist ici sans que point tu m’abuses ? 

Cy gist l’amy privé d’appollo et des muses. 

Quelz choses avecq luy sont mortes et taries ? 

Dictz subtilz, savoureux, jeux, ris et facétiess 
Qui est-ce qui pour luy déplorer continue ? 
C'est rhétorique en chef, qui fort s’en diminue. 
Est-ce donc que celuy tant cognu Molinet ? 

C'est luy seul qui mouloit doux motz en moulin net, 
Mais qui fut l'homme heureux qui tant luy en apprist. 
Des cieux vient l'influence en son sublime esprit. 
‘N’eust-il nul précepteur, Gresban ou maistre Alain ? 
* Son maistre qui cy gist fut George Chastelain. 
 L'en suivit-il de près, est-il pair , ou s’il passe ? 

‘Tous deux on peut noter en règle et en espace. 

Mais à qui comparer les peut-on sans mespris ? 
L'un pour Virgile et l’autre est pour Ovide pris. 
L'un donc ques fut plus grave et l’autre plus facile ? 
Plus humain fut Ovide et plus divin Virgile. 

O tous deux bien heureux qui telz titres méritent ! 
Leurs engins , leurs vertas de gloire Îles héritent. :- 
Qui pourra plus jamais à telz los parrateindre ? 

Nulluy qui sçhache pleume en noir atrament * teindre: 
Combien donc a perdu la langue gallicane ? 
Par leur mort elle est mise en basse barbacane.*# 


* Encre d’Atramentum, 
** Barbacane. Ce mot dans sa signification ordinaire est pris … 
_ pour les crénaux d’up mur de rempart; ici il est employé pour 

un lieu obscur dans lequel le jour ne pénétrerait que par des 
di ue 


MÉMOIRES. 179 


‘ En quelz temps, soubs quelz roys furent-ilz florissantz ? 
Va lire leurs labeurs par-tout resplandissantz. 

Pourqoy se dirent-ilz judiciaires * lors ? 

Pour ce qu’ilz ont montré d’histoires les thrésors. 

Las que peu de gens sont qu’on sçache avoir vescu ! 
Ceux cy, font les gens vivre, et la mort ont vaincu. 
Comment a nom le lieu qui telz gens a nourry ? 
Valentienne , val doux, val insigne et floury. 

Où sont leurs monumentz et précieux tombeaux ? 

En la bouche des bons et en leurs écriptz beaux. | 
© Dieu ! combien vault mieux telz tombeaux que de cuivre! 
D'aultant que pleume vole où métal ne peut suivre. 


Cette pièce est je crois de Simon Leboucq Néièmes 
elle est tirée de son histoire ecclésiastique de Valenciennes, 
ns. pag. 117. 

Cet auteur dit que Molinet était en son vivant un 
grand poëte et historiogtaphe de la Maison de Bourgogne; 

. qu'il composa quantité de vers favétieux dont partie fut . 
imprimée à Paris, en 1537; qu'il écrivit les Aistoires de 

son tems, commençant en 1474, et finissant à la mort 

du Roi Philippe de Castille en 1506; que lui - même 

mourut l’année suivante, c’est-à-dire en 1507. 


On voit aussi dans son épitaphe latine que notre 
historien-poëte fit ses études à Paris ; c’est presque tout 
ce que l'on sait de sa vie, | 

La pièce ci-deseus nous apprend qu’il fut di sciple de 
® George Chastelain auteur d’un Recueil de vers fort 
rare, d’une histoire de Jacques Dehallein, publiée par 


* Judiciaire historien ; parceque les historiens mettent en 
évidence les actions de ceux dont ils écrivent l’histoire , et qu’ils 
lesjugent quelque fois ou mettent les lecteurs en étât de les juger. 


189 ‘, MÉMOIRES. 


Jules Chifflet, à Bruxelles, en 1640 , in-4.° ; il est encore 
connu par l’épitaphe d’'ÆHertor et d’Achile, en vers fran 
çais; par l’histoire de Philippe, duc de Bourgogne, 
écrite en français, et dont Pontus Heuterus a fait usage 
dans son histoire; enfin , par uue espèce de chronique en 
vers, que Molinet nous a conservée et qu'il a continuée; 
elle est intitulée : recollection des merveilleuses advenues. 
Voici la dernière strophe faite par’ Chastelain. 


J'ai vu dure vieillesse ù 

Qui me vient tourmenter, . 

Si fault que je délaisse 

: L'escripre et le dicter 

En rime telle quelle, 

Puisque je voy * mourant, 

Molinet mon sequelle ** 

Fera le démourant. | | 
Guicciardin, dans sa description des Pays-Bas, parle 
de Molinet comme l’un des hommes illustres que Valen- 
ciennes à produits ; il le qualifie de Chanoine vertueux et 
de grand poëte.#** Lacroix du Maine en parle également 
comme d’un poëte excellent et d’orateur bien estimé de 
son tems, tandis que Duverdier, qui nous a transmis Îles 
titres de ses ouvrages, parle de ses talens avec beaucoup 
de mépris, appellant ses précis des brouilleries ; » ila 
» écrit, dit-il, plusieurs traités, orajsons et chants royaux: 
» lesquels bieu que soient en rime, n’ont ni rime ni raison 
» ( qu’on dit en commun proverbe. ) » 

” Rigoley de Juvigny, ou plutôt Zamonnoie, com- 

meutateur de Zacroix du Maine, est du sentiment de 
# Je vais. ** Mon successeur, celui-qui me suit. 

### Édition française, chant, 1609, in fol. p. 433 

| | Duverdier 


MÉMOIRES : 18: 


Duverdier, (1) Après avoir rapporté l'expression de 
Paradin qui l'appelle le gentil poëte Molinet, dans ses 
annales de Bourgogne, à l'occasion de l’épitaphe de 
Philippe duc de Bourgogne, composée en 1467 par 
notre chanoine poëte, et placée sur la tombe de ce 
Prince aux Chartreux de Dijon , après, dis-je, l’avoir jus 
tifié sur lépithète de poëte vulgaire dont Paradin le 
qualifie en marge de son livre (2), en disant qu’en cet 
endroit poëte vulgaire signifie poëte qui écrit en langue 
vulgaire, on ne laisse pourtant pas de convenir, conti- 
nue-t-il, que nonobstant cette explication, Jean Molines, 
méme pour son tems, était un mauvais poëte, 

Ce n’est cependant pas ce qu’en pensaient ses contem- 
porains. Clément Marot, dans sa complainte sur la mort 
du général Guillaume Preud’homme , dit de lui : 


» À donc que, Molinet 
» Aux versfleuris. (3) 


Guillaume Cretin » poëte français , faisait de lui le plus 
graud cas ; il se plaint même qu'il ne recevait pas assez 
souvent de ses nouvelles , et lui en demande avec instance. 

» Tu as basty, (dit-il), plusieurs diz élégans . 
_» Plaisans à ceulx qui veulent veoir et lire, 

» Si qu'en cest art, pour le prix et les gans 

»x On t'a voulu Maistre et Docteur eslire. » 

Jean Lemaire, parle de lui avec éloge dans son ouvrage 
intitulé: /a plainte du désiré , fait en 15p3. 


(t) Lacroix du Maine, Tom. 1. P, 552. 

(2) Pag. 919, où l’on peut voir Pépitaphe citée. 

(3) Œuvres de Clément Marot, Tom. 3 P. 303. édit. de 
Zenglet de Frenoy. 


Tom. IV." 4.7 Liv. a2 


182 MÉMOIRES. 


# Un bien y a qu'encor me reste et dure, 
» Mon Moulinet moulant fleur et verdure 
» Dont le baut bruit jamais ne périra. » 


+ 
ve 


. Jean Bouchet, connu dans le monde littéraire sous le 
nom ‘de Traverseur des Voges périlleuses qu'il se donnait 
lui même, accorde une place honorable à Motinet, dans 
son. Temple de la bonne renommée où il dit: 


:» Si vous lisez les faicts de Molinet 
- » Vous trouverez qu’il eut son moulin uect, 
» Quand le roman de la rose arrosa 
‘ : » De:sa science et le moralisa. » 


Clément Marot déjà cité disait de lui, de Jean Lemaire, 
et de Georges Chastelain, 


_.» De Molinet, de Jean Jemaire et Georges 
” » Ceux de Haynaut chantent à pleines gorges, »* 


Ces jugemens d’Auteurs contemporains et autres de- 
vraient balancer l'opinion de ceux qui affirment aussi 
positivement qu'il était un mauvais poëte. Je pense que 
nous ne sommes pas aujourd'hui des juges assez compé- 
tans pour prononcer sur son mérite à cet égard ; on sait 
que .dans:le siècle où il vivait, le mauvais goût était 
assez ‘ généralement répandu; on ne pourrait même 
guère. citer de poëtes ses contemporains qui, n’y aïert 
plus ou moins sacrifié. Il sera toujours vrai de dire qu'il 
fut estimé et regardé de son tems comme’ un de ceux 
qui avaient le plus puissamment contribué à faire fleurir 
les lettres et à perfectionner la langue française, ce a 

n’était pas un petit mérite alors. 


# £pigr. 123.° le commentateur dans sa note 4, sur cette 
pièce, dit que Molinet était un poëte passable. Ubi supra, pag. 159. 


F 


! MÉMOIRES 183 
Jean Modinet a fait plusieurs ouvrages importans; il a 
traduit le roman de la rose en prose, en lui donrant 
un sens moral ; en cela c'était rendre un grand service aux 
mœurs qui étaient assez dissolues de son tems. Cette 
traduction porte ce titre; | 
» C'est le roman de la rose 
» Moralisé cler et net, . 
». Translaté de rime en prose 
» Par votre humble Molinet, » 


Cette traduction a été imprimée à Lyon, ‘Guillaume 
Balsarin, 1503, infol. got..et à Paris, aussi in-fol. got, 
- Perard, sans date, mai 1521; selon Goujet,* cet ouvrage 
a été entrepris par HMolinet, à la demande de PAilipps 
duc de Clèves. | | 
- On a encore imprimé de lui un recueil de poésies 
intitulé: les faits et dicts de Maistre Jehan Molinet, conte- 
nant plusieurs beaulx traictés et chants royaulx. Paris, 
-Jehan Longis, 153x , in-fol. got. 


U 


Les mêmes, Paris, 1540, lettres rondes, Avant celle-ci, 
on en avait donné une édition in-8.° Paris, Jean Petit, 
1537, got. 


On trouve dans le catalogue de Pompadour, n.° 638, 
que l'édition de 1531, in-fol., a été publiée par le 
Traverseur des Voges périlleuses ( Jean Bouchet) ; il est 
étonnant que ni Debure , ni Brunet, ne citent cette 
circoustance , ce qui pourrait faire penser , vu l’exactitude 
de ces bibliographes, que ce serait une erreur commise 


* Cstte édition est imprimée par Michel Lenoir, V,. catalogue 
de Pont-de-FV'esle , n.° 148, V. aussi le n.° 778 du catal. de 
M.*** (Leduc), Paris 1819, où cet ouvrage est indiqué chez 

le V.* Michel Lenoir,- .. | 


a 


184 MÉMoIREs. 
par le rédacteur du catalogue cité; cependant rien ne 
répugne à croire que Jean Bouchet ait pu être l’éditeur 
de ces poésies dont il faisait grand cäs ainsi qu’on J'a pu 
‘voir du passage cité ci-dessus. 
. Je pense que Desessars * a eu tort de dire que les 
poésies de Molinet ont été réimprimées à Paris, en 1723, 
ce qui n'est pas exact. Ce qui a donné lieu à cette 
erreur qui s’est perpétuée, c’est que l'éditeur de la 
Légende de Pierre Faiteu a placé à la suite de cet 
‘ouvrage les pièces suivantes, qu’il qualifie de poésies 
‘diverses de Jean Molinet; savoir: le siège d'amour, 
VABC Sauvaige, reco/lection des merveilleuses adyenues 
‘de notre téms, de dictier que Vertjus présente à Maistre 
JNicole Rembore, le Éestament de guerre. le calendrier. 
Jé vais reprendre la suite des ouvrages imprimés de notre 
-auteur. | 
LA > Recollection des merveilleuses advenues en notre 
» tems, commencée par Georges Chastelain, et conti- 
» nuée jusqu'à présent par Jehan Molinet, Anvers, 
.æ Guillaume Vesterman, in-4.° gothiq. 

» Le temple de Mars (par Jehan Molinet), Paris, 
-n le petit Laurens, in-4° got, » 

Le même. Paris, Galiot Dupré ,15%5, in-6. * primé 
sur vélin avec des miniatures. 

La léauté des femmes, avec les neuf preux de 
gourmandise , et aussi une bonne recepte pour guérir 
des ivrognes , goth. sans date. ’ 


Duverdier rappoïté en détail le contenu des faiets et 
dits, je vais les citer d’après lai. 


* Dans les siècles littéraires de la France, vuvrage rempli 
de fautes et d’erreurs grossières, 


4 k 


MÉMOIRES. 185 


Les âges du monde , le Trône d'honneur , la Complaints 
pour le Trépas de madame Marie de Bourgogne, la 
Complainte de la Renommée,\a Ressource du petit Peuple, 
le Temple de Mars, la Complainte de Grèce, \'Epitaphe 
de madame Ysabeau de Castille, le voyage de Naples, 
lV'4B8C Sauvaige | la naissance de madame Elhénor, 
les neuf Preux de Gourmandise, le Débat de Chair et 
Poisson, le Débat d'Avril et Mai, le Débat de l'Aigle, 
Harène et Lyon, Dialogue du Loup. et Mouton , Prognos- 
tication , la Litanie, le Calendrier, Graces sans Vilainie, 
Ecttres envoyées à Muistre Nicole, Président de Papa- 
gosse, Recollection des merveilleuses advenues de son 
tes ; lesquelles Brouilleries, dit-il, ont été imprimées 
en un volume in-8.°, à Paris, par Arnoult et Charles 
Angeliers, 1537. | CRE | 
_ Duverdier cite encore de Moines les deux articles 
suivans pour lesquels je l'ai mentionné dans mes recherches 
sur le Théâtre de Valenciennes, * je vais les rappeller ici. 
Histoire du rond et du carré, à cinq personnaiges , 
assavoir, le rond, le carré, honneur » vertu et bonne 
renommée , où sont contenues pluisieurs choses singulières, 
touchant le Saint MARS l’Autel, plus la Complainte 
de Constantinople, le tout en rime imprimé par Antoine 
Blanchard, sans nom de lieu et sans date. 

© Les Vigiles des ‘Morts, par personnaiges ; assavoir 
creator omnium , vir fortissimus; homo natus de muliere; 
paucitas dierum: imprimées à Paris, in-16, par Jean 
Jemot, sans date. 

» Je a'esbay, dit Duverdier , comme il les nomme 
» en latin, vu qu'il les fait parler en français! » 


# Pag. ’B4. 


106 MÉMOIRES. 


Voilà qui assure bien positivement que ces deux 


espèces Ce “rames ont existé; mais comment se fait-il 
que ni Lavallière ni Pont-de-Vesle, ni Debure, ni le 
dictionnaire de Cailleau , ni Brunet ne les ont men- 
tionnées? Où Beauchamps et après lui le Ch.‘ de 
Mouhy, a-t-il donc pris que ces deux pièces qui doivent 
être extraordinairement rares, ont été imprimées, l’une 
en 1474, et la seconde en 1475 ? Puisque Duverdier 
dit positivement qu’elles sont sans date. 


Les frères Parfait parlent aussi de ces deux pièces 
sous les dates de 1474 et 1475, sans qu’on sache ce 
qui a pu les déterminer à établir cette date. * 


Dans le second volume de l’histoire citée, ** ils parlent 
encore de ces deux pièces sous la même date de 1474, 
ce qui est d'autant plus étonnant qu'ils. n’en donnent 


les titres que d’après Duverdier, en prévenant qu'elles 


sont sans date ; ils citent aussi Ædrien Hecquet, comme 


parlant de notre Auteur; mais la citation se trouve . 


fausse ; il n’est fait nulle mention de Milinet ni à la 
page 13, ni à la page 54 de la bibliothèque de Falère 
andré; au reste, ils copient exactement l’épitaphe de 
notre poëte, comme la rapporte cet ancien leiographes 
Enfin ces pièces ne se trouvent pas dans la riche 
collection dramatique de M." Desoleinne, qui n’épargne 
pourtant rien. pour réunir toutes les raretés existantes 
dans cette branche de littérature. 

Molinet est aussi l’auteur d’une chronique de son 
tems, composée de trois volumes, rapportant tous les 
événemens non pas depuis 1474 jusqu’en 1487, comme 
il est. dit dans Lacroix du Maine, ni 1504 comme on 


* Hist, du théät, Franç. tom. 3. ps 65 et 105. 
‘7 Page 243 du tom, 2. 


_—— —7 


— 


MÉMOIRES. 187 


te voit dans Foppens, mais depuis 1474, jusqu’en 1506, 
comme avance Doutreman, * et comme le prouve 
l'abrégé de cette chronique qu’en a fait notre prevot- 
historien Simon Leboucq, lequel abrégé est à la Biblio- 
thèque publique de Valenciennes, avec cette suscription: 
fin de l'abrégé de l'Histoire de Molinet, escript par Simon 
Leboucq, en Mars 1613, 11 dit aussi positivement que ce 
Chroniqueur trépassa l'an 157 et qu'il est enterré en la 
Salle fe Comte, où se voit son épitaphe, 
. Foppens rapporte que Godefroy, de Lille, se proposait 
de publier cette Chronique , dans la même forme que celle 
qu’il avoit adoptée pour ce Philippe de Commines qu’il'a 
fait imprimer avec ses Commentaires, mais que la mort 
arrêta ce projet. | | 
 Ilest à regretter que ce savant et laborieux Commen- 
tateur, dont les travaux sont connus et justement ap: 
préciés , soit mort avant d’avoir effectué son projet. 


Une autre preuve que cette Chronique ne finit qu’en 
1506, se voit d’un Manuscrit qui appartenait à l'Abbé 
Favier, et qui a été vendu à sa Vente faite à Lille, en 1765, 
et d’un autre qui le fut à Cambrai, à celle du Chanoine 

Mutte, dix ans après. Je remarquerai que l’auteur de la 
notice qui précède le Catalogue de l'Abbé Favier, dit que 
la chronique de Jean Molinet finit en 1504, tandis qu’à 
l’article 5569 l'ouvrage de notre historien est ainsi indiqué: 
chronique de Jean du Molinet, qui commence à lan 1434, 
et va jusqu’en l’an 1506; 3 vol. in-fol, ms, proprement 
relié, et d’un caractère bien lisible. | 


Une autre faute existe encore dans cette notice peu 
exacte, c’est qu’on n’y fait commencer cette chronique 


* Hist. de Valencisnnes. 


188 MÉMOIRES. 


qu'en 1484, c’est-à-dire dix : ans plus tard qu’elle ne 
commence réellement, 

Dans le catalogue du chauoïine Mutte, art. 5874, on 
trouve le titre d’un autre exemplaire de ce livre, mais 
en on volume seulement, 

Cette chronique était sans doute fort estimée de son 
tems, puisqu’outre le ms, qui en était gardé, suivant le 
P. Lelong , dans la bibliothèque de St. Vaast d'Arras, 
il en existait, selon Foppens, un exemplaire dans eelle 
de la Cathédrale de Tournay, et qu’il y en avait un 
autre à Bruxelles, à la bibliothèque Royale; Godefroy 
avait aussi le sien, qui est peut-être celui de labbé 
Favier ; enfin M." Sohier-Chateau , mon compatriote, 
8i savant dans l’histoire de nos antiquités, m'a assuré 
que M. Bracg , autrefois bibliethécaire à Cambrai, et 
que cette ville aura de la peine à remplacer à cause de 
ses vastes connaissances en bibliographie , lui en a fait 
voir un autre exemplaire dans la bibliothèque publique 
de cette vil'e, qui venait, lui a-t-il dit, de l’abbaye de 
Vaucelles et qu’on m'a assuré avoir été transfèré à la 
_bibliothèque Royale à Paris. J'ai tenté d'éclaircir ces 
faits : mais je n'ai pas été assez : beureux pour obtenir 
une réponse. 

Voici quelques couplets de la Recollection des merveit- 
leuses advenuss, elles feront connaître la manière de 
l'Auteur. Je choïsirai particulièrement celles qui concer- 
nent le pays. j 

‘J'ay veu gendarmerie 
Bigarrée à tous lez 
Comme juifverie 


‘“# Depuis, M. ZLeglay, secrétaire perpétuel de. la Société de 
Cambrai, a fait, à me prière, d’inutiles recherches, | 


MÉMOIRES. 16q 
Riollez* Piollez*® d | 
De diverses bigornes“** 

Et d’estranges façons, 

Ne restait que les cornes 

Pour être limassons, 


J'ay veu, comme il me semble, 
Ung fort homme d'honneur 
Luy seul chanter ensemble S 
Et dessus et teneur (4) 
Olbekten, Alexandre, 
Jossequin, ne Bugnois, (5) 
Quy sçaivent chants espandre 
Ne font telz esbanoys. (6) 
" J'ai veu clerc de villaige 
_Menger ung gros raton, (7) 
Une poule volaige , | 
_ Ung quartier de mouton. 
Du pain plein une mande (8) 
Bouter en ses boyaulx, 
Ne sçay comment la pance 
Ne luy rompt de morceaulx. 


* Rayés. ** Bigarrés, *** Des Bandes , de diverses couleurs 
placées transversalement , d’où Bigornieuz ; qui signifie Louche, 
qui regarde de travers. (4) Tenor. 

(5) Musiciens du pays célebres dans leur tems , desquels je’ me 
propose de parler dans la seconde édition de mes recherches 
sur Îe jhéâtre de V. alenciennes. | 

(6) Ne font pas des choses aussi surprenantes ; n'étonnent 
pas autant. 

(7) Sorte de pâtisserie faite de farine de sarrasin (Polygonum 
Fagepyrum ) si a avec dés œufs et frits à la poële. 

" (BJ Panier. 


LV : 


+90. MÉMOIRES. 


Jai veu en Vallenciennes, 
Quand droit là me tournay 
-.Va-tost (1) faire des siennes, 
Et aller à Tournay 
En moins d'heure et demye- 
Sans cheval ne jument 
_ C'était chose ennemye ,. 
Force, ou grant radement (2) 
J'ay veu peuple en mes livres, 
De famine. troublé ,. 
Et vendre quatre livres (3) 
Ung seul mencault de blé (4) 
En ceste propre année 
_ Avoir dessus l’Escault, 
La chance retournée, 
Ung muy pour ung mencault, (5 }: 


/ 


Puis ouys chose amère 
Plus fière que devant, 
Au ventre de sa mère 
Brayre ( 6) ung petit enfant. 
Puis au Quesnoy-le-Conte : 
Tant hault plaindre et gémir , 
Que la mère à bref compte | 
En laissa le dormir. oo 
J’ay veu frère Nicole 
Ung suisse fort dévot, 
D'abstinence l’escolle 


(x) Sobriquet donné à un boulanger de Valenciennes , qui mar- 
chait fort vite. (2) grande vitesse, 

(3) Environ deux francs cinquante centimes. (4) enviren 5a lit. 

: 6) Quatre hectolitres, (6) 1 Pleurer, 


MÉMOIRES 191 
Fort bien tenant son vot. (1) 
Vingt ans vivre en ce monde 
Sans manger peu ne point ; (2) 
Dieu en sa gloire monde 
Luy doint viande à point. 


J'ay veu vif sans fantosme 
Uug jeune Moisne avoir, 
Membre de femme et d'homme, 

Et enfant concepvoir, 
Par luy seul en lui-mesme 
Engendrer , enfanter, 
Comme font aultres femmes 
Sans outilz emprunter. 


. Auprès de Valénciennes 
| Veiz un jeune filz bon 
Quy les bras des mains saines 
Avoient noirs que charbon. 
L’esperit de sa mère, 
Morte l'avait blessé, 
S’en fut de peine amère, 
Par son filz despeché. 
J'ay veu et leu en livres 
D'une pierre pesant 
Deux cens cinquante livres, 
. Montaigues traversant ; 
Du ciel par ung tonnoire (3) 
Comme il me fut compté, 
Cheut c’este pierre noire 
En. Forret la compté. 


vs 


(1) Vœu. de Fotum. (23) Cette Fans. déceute c’est renouvelée 
de nos joars, (3) Tonnerre. 


r02 MÉMOIRES. 
C'est dommage , qu’exeepté ce dernier article, et ceiui 
de la famine, on ne voie plus. aujourd’hui des choses 
aussi merveilleuses, 

Il est à remarquer que quoique Molinet fût mort et 
enterré à Valenciennes , dans l'église de son: Chapitre , où 
son épitaphe se voyait du tems de Simon Leboucq, qui 
le dit positivement , et de Doutremar qui la rapporte, (1} 
on ne connaît cependant pas la date précise de sa mort, 
ni son âge. | 

L'abbé Goujet , (2)ÿ rapporte d'aprés Foppens, l’épitaphe 
de Georges Chastelain , avec une erreur de date ; c’est 
le 20 et non le 22 Mars que porte cette épitaphe , et 
comme le marque positivement Doutreman ; H ne fut 
point inhumé auprès de Valenciennes , mais au milieu 
de léglise de notre Dame de la Salle de cette ville. 

Doutreman donne aussi l’épitaphe de CAastelain, et c’est 
probablement de cet historien que l’a copiée Foppens ; 
cependant il s’y trouve quelques légères différences qui 
peuvent provenir des copistes ; peut-être aussi la-t-il 
prise sur les lieux puisqu'elle est conforme à celle que 
l'on trouve dans les amnales ecclésiastiques manuscrites 
de Simon Leboucg. Cet historien nous apprend que 
.Chastelain fut fait chevalier par le duc Charles le Hardi, 
en cette ville de Valenciennes pendant la tenue du 
chapitre de la toison d’or . et lui donne le titre de 
Judiciaire, » comme à celui qui démontrait, ajoute 
» l'historien, par escriptures authentiques les admirables 
» gestes des chevaliers et confrères de l’ordre. » 

Cette notice est terminée par deux pièces de Vers inédites 
de Jean Molinet, qu'on ne-croit pas devoir imprimer. 


(1) Hist. de Valenciennes, P. 379.) 
(2) Bibliot. frange. To. 9. P. 367 


MÉMOIRES. 193 


LE GUERRIER ATHÉNIEN. 
Lu en Séance publique le 24 août 1821. 
EEE Eee 


| D, ses premiers rayons l’astre brillant du jour 
N'éclairait qu’à demi les côteaux d’alentour ; 
Non loin des bords fameux où fut jadis Athène, 
Où les flots soulevés se brisent sur l’arène, 
Debout sur les débris d’un temple renversé, 
Donhant cours aux soupirs de son cœur oppressé, 
Les yeux levés au ciel, un guerrier jeune encore 
Exhalait, en ces mots, le feu qui le dévore: 
O Grèce! à mon pays! loin de toi le sommeil! 
La vengeance a sonné l’heure de ton réveil, | 
_ Le sañg grec a coulé! que dis-je? il coule encore 
Du rivage d’Ismir aux rives du Bosphore. ; 
J'ai vu tomber tes fils sous le fer assassin, 
Les femmes, les vieillards, arrachés de ton sein. 
Sur ceux qui ne sont plus pourquoi verser des larmes? 
C’est du sang qu'il leur faut... fils de la Grèce, aux armes. 
Soyez libres, brisez, brisez un joug honteux; 
Combattez où jadis vainquirent vos ayeux: 
Soldats, voici Platée; et voici Salamine 
Où, des Perses vaincus achevant la ruine, 
Le bras de Thémistocle et surtout son grand cœur 
Prouvèrent que le nombre est moins que la valeur. 
Quels sont les ennemis qu’un sultan nous oppose, 
Tandis qu’en un sérail sa valeur se repose 
Sur le zèle empressé d’un féroce visir? 
Une troupe sans frein toujours prête à trahir, 


\ 


194 MÉMOIRES, 

D'aveugles instrumens d’une fureur barbare, 

Des sectaires trompés que le faux zèle épare, 77 = 
Des brigands rassemblés par l'espoir du butin | 
Auxquels on a promis un triomphe certain. 

Poursuivons, attaquons ces hordes sanguinaires , 
Vengeons Dieu, la patrie et le sang de nos frères. 
Aux murs de Constantin -plantons nos étendards; . 
Qu’à son tour l’ennemi tremble sur ses remparts: 
Que lui seul désormais ‘éprouve les alarmes, 
Qu'à son tour il gémisse et répande des larmes, 

Mänes de nos ayeux, guidez-nous aux combats ; 
Généreux Thrasybule, arme aujourd'hui nos bras; 
Pour la seconde fois le destin te réserve 
D'arracher aux tyrans la ville de Minerve. 

Que le croissant pâlisse, et que ses fiers soldats 
Soient chassés pour toujours de nos heureux climats; 
Brisons les instrumens d’un pouvoir despotique, 

Et que la liberté renaïsse dans l'Attique, 

O filles de la Grèce, objets charmans et doux, 
Un jour vous reverrez vos frères, vos époux 
Vous demander, vainqueurs, le prix de leur vaillance. 
Mais s’il faut que le sort trompe notre espérance, 
Recevez en ce jour nos éternels adieux! 

Vaïincus, c’est pour jamais que nous quittons ces lieux 
Peuplés de souvenirs et d'images. si chères. 
Dieu protège nos sœurs, nos épouses, nos mères! 

Et toi pour qui mon cœur soupire en ce moments. 
Toi qui fais à la fois ma joie et mon tourment, 
Objet de tant d'amour, à ma fidèle amie, 

Contre les coups du sort tu n'es pas affermie: 
I semblait te promettre un si doux avenir! 
Les pleurs que tu versais n'étaient que de plaisir: 


| 


| MÉMOIRES. 195 


"Ta ne connus jamais la misère commune, 

Et près de ton berceau souriait la fortune. 

Pourras-tu soutenir tout le poids du malheur? 

Si je reviens un jour près de Zulmé vainqueur, 

Hélas! ses yeux charmans s’ouvriront-ils encore 

Pour sourire à l'amant qui la quitte et l'adore 

Contre un destin cruel son cœur est-il armé? 

O puissances du ciel veillez sur ma Zulmé! 

Je vois partout le fer, la flamme, le carnage, 

Les supplices, la mort, l’exil et l'esclavage; 

La terre des héros, dans les pleurs et le deuil, 

Noffre plus à ses fils qu’un immense cercueil. 
Mais l'excès du malheur soutient notre conslance, 

Et le jour est venu de notre délivrance. 

Le ciel à mes regards découvre l'avenir; 

Je vois libre du joug la Grèce refleurir: 

Athène se relève avec sa gloire antique, 

Ses archontes, ses Rois, ses sages du portique; 

‘Le front ceint des lauriers cueillis à Marathon 

Miltiade apparait: salut, docte Platon! 

Toi qui rendis hommage à l'essence divine, 

Simple, unique, éternelle et première origine, 

Philosophe éloquent, moraliste profond, 

Dont le vaste savoir m'étonne et me confond. 

Autour de Périclès quel cortège de gloire! 

Tous les arts à l’envi célébrant la victoire, 

Sur le marbre et Pairain retraçant ses exploits, 

La Grèce libre, heureuse et fière sous ses lois. 
Ainsi dit le guerrier; et sa voix éclatante 

Se mêle au bruit confus de la vague écumante; 

Absorbé tout entier dans ses pensers divers, 

Il semble contempler la surface des mers: 


3196 MÉMOIRES. 
Les siècles écoulés se pressent, se confondent, : ( 
Le passé, l'avenir tour-à-tour lui répondent, 

Vers Pirée il entend les cris des matelots. 

Il voit la mer au loin se couvrir de vaisseaux: 

Le pavillon des Grecs qui dans l'air se déploye 

A fait battre son cœur d'espérance et de joie. 

Des côtes de l’Epire ils’ revenaient vainqueurs. 

Le guerrier tend les bras à ses libérateurs, 

Il plonge, il fend les flots et, bravant la distance, 

Sar le premier navire avec force il s’élance : 

Tous ses vœux sont remplis, en apprenant soudain 

Qu'’avant la fin du jour le combat est certain. 


D D —— } 


. Par Le BARON d'Ordre inspecteur des Forêts, 


Digitized by Google 


IVAATII? > | 
277 “ et TT 


Tree d'pnutahie LA 7 L 
Fans dleut | . 
és DD D 

Ha ÿ PRE SA lots 
DA | O7 
JP atf sat ge Ê tduruti DT pe 
If A0 Loi oo 
LEE Portal de Lu, ja PA 
Drruineux LL HE 


CE, Jour es À dur spreuier 7y 


fe era sa F7 _ PEATE LT Llhnss ER 4: 


/ 2 


4 
227 PE de Sadéiot Fra #4 
2 7. Dereus PARA 


lle Dole LE. 


dr atype 3 Did li ee. PT 


f 


fauve bee à LP HAS Last aa EPA 
| AT per Ces De ST SA LII 


Cat d'un queue que Coutli des Jerrens 
À Lee A peus Le fotaur fn Ho 
ble - . E7 
ie on parer los de Gun. 
Ju sueur, Ho ZA. Mèce | A9 
Pop qe Cprsouès TA bou. 
He D tes de on D 2 
Ba due En Andres dotg ésiquuls fais de 
pus fun À Verne 4 
Hihiié ei td e dottige dla 
POLE AT 2 


fi 


| {}/ 
ee guavie dluie, Jus 4 fase D'orbe # 


Digitized by Google 


Digitized by Google 


Digitized by Google 


XL A6 


dr d 


1e Lie. ! hijap LA 


ME 
£ 

Ÿ n 
! 

7